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Thursday, December 26, 2013

Observations préliminaires de la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme sur sa visite en République Dominicaine


Santo Domingo – La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a effectué une visite in loco en République Dominicaine du 2 au 5 décembre 2013, en réponse à une invitation de l’État. La visite a eu pour objectif d’observer la situation concernant les droits à la nationalité, à l’identité, à l’égalité, à la non-discrimination, ainsi que d’autres droits et problèmes connexes. La Commission a mené à bien cette visite pour superviser l’exécution des engagements internationaux contractés librement par l’État de la République Dominicaine dans l’exercice de sa souveraineté.

La délégation était composée du Président, José de Jesús Orozco Henríquez; de la Première Vice-Présidente, Tracy Robinson; de la Seconde Vice-Présidente, Rosa María Ortiz, et de Dinah Shelton, Felipe González et Rose Marie Antoine, ainsi que du Secrétaire exécutif, Emilio Álvarez Icaza L.; de la Secrétaire exécutive adjointe, Elizabeth Abi-Mershed; du Rapporteur spécial pour la liberté d’expression, Catalina Botero et du personnel du Secrétariat exécutif. Pendant la visite, plusieurs délégations de la CIDH se sont rendues dans les provinces de Bahoruco, Dajabón, Jimaní, La Romana, San Pedro de Macorís, Santo Domingo et Valverde. La CIDH a tenu des réunions avec des autorités de l’État, des organisations de la société civile, des victimes de violations de droits de la personne et des représentants d’agences internationales.

La Commission remercie le Président Danilo Medina, son Gouvernement et le peuple dominicain de toutes les facilités qui lui ont été offertes pour la réalisation de cette visite. En particulier, elle apprécie l’appui que lui ont apporté les autorités du Gouvernement et des organisations de la société civile et les en remercie. Elle salue et remercie tout spécialement les 3 994 personnes qui sont venues présenter des témoignages, des plaintes et des communications.

Moyennant cette visite, la CIDH a pu évaluer différents types de progrès réalisés dans le renforcement des institutions démocratiques et la protection des droits de la personne. En particulier, elle apprécie et salue en tant qu’élément très positif l’incorporation directe dans le droit interne, ayant valeur constitutionnelle, du droit international des droits de la personne et de tous les engagements internationaux pris par l’État en la matière, dans le cadre de la réforme de la Constitution de 2010.

Pendant sa visite, la Commission interaméricaine a reçu une information préoccupante sur de graves atteintes au droit à la nationalité, à l’identité, à l’égalité devant la loi et à la non-discrimination. Les violations du droit à la nationalité, que la Commission avait observées lors de sa dernière visite in loco, qui a eu lieu en 1997, se poursuivent, et la situation s’est aggravée en raison de l’Arrêt TC 0168/2013 rendu par la Cour constitutionnelle. Cet arrêt a eu pour conséquence qu’un nombre indéterminé mais très élevé de Dominicains et de Dominicaines, estimé selon plusieurs sources à plus de 200 000 personnes, ont été arbitrairement privés de leur nationalité. Ces personnes se sont ainsi vu violer leur droit à la personnalité juridique, et vivent dans des conditions d’extrême vulnérabilité. Cette situation touche de manière disproportionnée les personnes d’ascendance haïtienne, qui sont aussi des personnes d’ascendance africaine et souvent identifiées par la couleur de leur peau, ce qui constitue une violation du droit à l’égalité et à la non-discrimination.

La Commission estime que l’Arrêt de la Cour constitutionnelle entraîne une privation arbitraire de la nationalité. Elle est discriminatoire, étant donné qu’elle touche principalement des personnes dominicaines d’ascendance haïtienne, qui sont des personnes d’ascendance africaine; qu’elle les prive de nationalité de façon rétroactive; et qu’elle rend apatrides les personnes qu’aucun État ne considère comme des nationaux, aux termes de sa législation.

La privation arbitraire de la nationalité et la non-reconnaissance de la personnalité juridique de ces personnes du fait qu’elles ne sont pas enregistrées ou qu’elles ont du mal à obtenir des documents d’identité crée une situation d’extrême vulnérabilité dans laquelle se produisent des violations de nombreux autres droits de la personne. La Commission fait observer que l’Arrêt 168/13 touche de façon disproportionnée les personnes déjà sujettes à de multiples formes de discrimination, fondées en particulier sur la race et la pauvreté. La CIDH a visité plusieurs villages construits à même les plantations de canne à sucre (bateyes) dans divers endroits du pays et a constaté les conditions de pauvreté, d’exclusion et de discrimination dans lesquelles vivent leurs habitants. La pauvreté touche de façon disproportionnée les personnes d’ascendance haïtienne et cela est en rapport avec les obstacles auxquels elles se heurtent pour avoir accès à leurs documents d’identité.

Dans un autre ordre d’idées, la Commission interaméricaine a reçu une information très inquiétante sur des propos hostiles tenus à l’encontre de journalistes, d’intellectuels, d’avocats, d’hommes politiques, de législateurs, de défenseurs des droits de la personne, de personnalités publiques, voire même de hauts fonctionnaires qui ont critiqué l’Arrêt de la Cour constitutionnelle. Ces personnes ont été qualifiées de “traîtres à la patrie”, ont fait l’objet de menaces et un appel a été lancé en public pour donner la “mort aux traîtres”. La Commission s’est aussi dite préoccupée du fait que l’intolérance et le discours raciste créent une ambiance qui exacerbe la vulnérabilité des personnes d’ascendance haïtienne face à la violence. Elle a lancé un appel aux autorités pour qu’elles contribuent résolument à la création d’un climat de tolérance et de respect dans lequel les personnes peuvent toutes exprimer leur pensée et leurs opinions sans craindre d’être agressées, sanctionnées ou stigmatisées pour cette raison.

La Commission interaméricaine a effectué la visite qui se termine aujourd’hui afin d’analyser directement la situation des personnes touchées par l’Arrêt 168-13 à la lumière des normes du Système interaméricain des droits de la personne. Selon son usage, elle fait aujourd’hui part de ses observations préliminaires sur la situation compte tenu des résultats de la visite qu’elle a réalisée, et exprime sa volonté de collaborer avec l’État à la recherche de solutions qui protègent les droits fondamentaux et soient conformes aux normes internationales en matière de droits de la personne.

Des autorités du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ont fait savoir à la Commission interaméricaine qu’elles reconnaissent l’existence d’un problème concernant l’exercice du droit à la nationalité de personnes d’ascendance haïtienne, et sont conscientes de la nécessité de trouver une solution. À ce sujet, et soucieuse de collaborer à la recherche d’une solution respectueuse des droits de la personne, la Commission souligne que les mesures qui seront adoptées pour relever les défis portant sur le droit à la nationalité qui ont été recensés, en particulier ceux qui ont été mis en évidence par l’Arrêt 168-13 de la Cour constitutionnelle, devraient avoir les caractéristiques suivantes:

1) Elles doivent garantir le droit à la nationalité des personnes qui avaient déjà ce droit sous le régime interne en vigueur entre 1929 et 2010.

2) Elles ne peuvent exiger que les personnes ayant droit à la nationalité, comme celles qui ont été “dénationalisées” en vertu de l’Arrêt 168-13, soient enregistrées en qualité d’étrangers comme condition de la reconnaissance de leurs droits.

3) Elles doivent être générales et automatiques pour garantir le droit à la nationalité des personnes lésées par l'arrêt 168-13. Ces mécanismes doivent être simples, claires, rapides et justes. Ils ne peuvent être discrétionnaires ni appliqués de façon discriminatoire.

4) Les mécanismes en question doivent être accessibles sur le plan économique.

Enfin, la Commission souligne que toute personne a droit à la protection et aux garanties judiciaires, de manière accessible et efficace, pour sauvegarder ses droits à la nationalité, à l’identité, à l’égalité, à la non-discrimination, qui constituent l’objet principal de la présente visite.

Une annexe est jointe au présent communiqué, laquelle comporte les Observations préliminaires de la CIDH sur sa visite.

La CIDH est un organe principal et autonome de l’Organisation des États Américains (OEA), dont le mandat est énoncé dans la Charte de l’OEA et la Convention américaine relative aux droits de l’homme. La Commission interaméricaine a pour mandat de promouvoir le respect des droits de la personne dans la région et fait fonction d’organe consultatif de l’OEA en la matière. Elle est composée de sept membres indépendants qui sont élus à titre personnel par l'Assemblée générale de l'Organisation et ne représentent pas leur pays d’origine ou de résidence.