Si cet échec ne nous étonne pas, il semble avoir choqué plusieurspartis politiques, autant qu’une grande partie du public. La populationhaïtienne, toutes couches sociales confondues, est durement touchée parla hausse du coût de la vie, du pétrole et des produits de premièrenécessité. Sur les ondes des différentes stations de la capitale, ellene peut plus cacher une fatigue frisant l’écœurement, face aux pratiques sans éthique qui caractérisent certains parlementaires, enparticulier certains députés. Faisant fi des menaces qui ont pesé sur certains de leurs confrèrespendant les émeutes d’avril et feu de paille des attentes du peupleface à la vie chère, le bloc des parlementaires « anti-Pierre » estallé « jusqu’au bout d’un scénario qu’on redoutait dans l’opinionpublique depuis plusieurs jours » [2]. -----------------------------------
Haïti se retrouve donc face à une énième impasse politique qui risquede plonger le pays dans une nouvelle zone de hautes turbulences auxconséquences graves pour une population déjà à bout de souffle.Quelles sont les raisons officieuses de ce rejet ? Quels sont lesprincipaux mandataires qui n’ont cure de la faim qui tenaille leursmandants dans ce jeu macabre ? Quelles en seront les possiblesconséquences pour l’avenir du peuple haïtien ? Quels sont les enjeuxpolitiques qui se profilent à l’horizon de part et d’autre ? ---------------------------------------------------------
Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre dans cetexte.
Tractations dans les coulisses du pouvoirLe 12 mai, à l’issue de plusieurs heures de débats souvent houleux, laConcertation des parlementaires progressistes (Cpp) a confirmé sa forcepolitique au sein de l’assemblée en réunissant les 51 voix ayant permisd’écarter la candidature d’Éricq Pierre.Cette décision a été qualifiée de « revancharde » par de nombreuxpartis politiques, et la population a clairement exprimé sadésapprobation face à ce rejet qui oblige le pays à faire face à unenouvelle impasse politique alors que la situation socioéconomique estcritique.--------------------------------------------------------------------
Même son de cloche du côté de l’Église et du secteur privé : « C’est unjeu politique » a déclaré l’évêque de Jacmel, Monseigneur Poulard, pourqui cette sanction ne fera qu’aggraver la situation du pays. De soncoté, le président de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Haïti(Ccih), Jean Robert Argant, a affirmé que le rejet du choix d’Éricq Pierre aura des conséquences négatives pour le pays, précisant « quel’absence d’un gouvernement légitime est un obstacle aux efforts desdifférents secteurs pour relancer l’économie nationale. Il estimportant que le vide soit comblé dans le meilleur délai [3] ».----------------------------------------------------------------------
Quant à la communauté internationale, alors qu’elle s’attelait àfaciliter le déblocage de fonds d’urgence face à la crise alimentaire,elle a désormais les mains liées. L’Ambassadeur du Canada, ClaudeBoucher, a déclaré, cette semaine sur les ondes de Radio Métropole, que« le vide est préoccupant (…) Un mois sans gouvernement est unehypothèque très lourde pour le pays », a-t-il souligné en ajoutant que« les délais sont scandaleux et on connaît les enjeux », a lancé lediplomate canadien en espérant un sursaut des acteurs politiques pournormaliser la situation. D’autre part, il a précisé que « la criseactuelle suscite des interrogations de la part des autoritéscanadiennes désireuses d’accompagner le pays sur la voie du progrèséconomique. Il faut répondre à ces interrogations par des actions,telles le vote de la Loi électorale et la ratification du Premierministre » [4], a-t-il conclu.----------------------------------------------
La désapprobation est donc générale, et l’intérêt mesquin et personneldes députés de la Cpp est fustigé de toutes parts. Ils ont voté pourleurs intérêts et à l’encontre de ceux d’une nation en état d’urgence.« En mercenaires », a même lancé un port-au-princien, outré parl’attitude des députés, lors d’un micro-trottoir diffusé cette semainesur Radio Métropole. Que s’est-il donc passé dans les coulisses du pouvoir et de la Chambrebasse ? ------------------------------------
Les dissensions entre les députés pro-Éricq Pierre et anti-Éricq Pierreont rapidement fait surface, notamment à travers les déclarations dudéputé Dorson Jean Beauvoir. Ce dernier a révélé que « des députés dela Concertation des parlementaires progressistes (Cpp), tombeurs duPremier ministre désigné Pierre Ericq Pierre, ont, à travers des maires, des Casecs et des organisations bidon de leurscirconscriptions, obtenu de la Primature, à l’initiative de JacquesEdouard Alexis, des chèques allant de 400.000 à 600.000 gourdes pourfinancer des projets fictifs, dont la réhabilitation d’écoles ».« Ce sont des accusations gratuites. Il faut faire de la politiqueautrement », a rétorqué le député Gasner Douze de la Cpp. « À laprimature, il y a une liste de projets. Cela ne date pas d’aujourd’hui», a-t-il ajouté, en rejetant les accusations de favoritisme et decorruption. « C’est normal. Les fonds ont été débloqués. Il fautmaintenant vérifier sur le terrain si les travaux sont réalisés [5] »,a-t-il conclu. -----------------------------
Selon certains observateurs, à travers ce jeu macabre et cruel quidémontre le désintérêt total des députés de la Cpp par rapport auxpréoccupations d’un peuple affamé, c’est bien la course à la présidencede 2011 qui est déjà lancée, et une course contre la montre a doncpoussé les députés à cet acte irresponsable. ---------------------------------------------------------------
En effet, les élections pour le renouvellement de la Chambre basseauront lieu dans un an et les présidentielles dans deux ans, pouraboutir à la mise en place du prochain chef de l’État en 2011.Or, c’est sous la gestion du prochain Premier ministre que serontorganisées ces élections.
Il n’est donc pas étonnant que ces députés- qui avaient déjà étéaccusés d’avoir été monnayés par Jacques Édouard Alexis pourl’obtention du vote de confiance du 28 février dernier- se soient, unefois de plus, laissés tenter mais, cette fois-ci, en se désolidarisantdu président. Ils veulent désormais assurer leurs arrières autant queleur éventuelle réélection. ------------------
Les déclarations du député Dorson Jean Beauvoir ne viennent queconfirmer les rumeurs de monnayage de certains parlementaires parJacques Édouard Alexis qui n’a certainement pas avalé le vote desanction qui lui a été décerné par le Sénat le 12 avril dernier.Homme orgueilleux et ambitieux, il avait tenu à souligner que sa chute « ne signifiait pas la fin de sa carrière politique » [6], enpromettant au peuple de ne jamais l’abandonner en chemin. ----------------------------
Les ambitionsprésidentielles d’Alexis sont connues de tous. Y a-t-il eu un affrontement à distance entre Préval et Alexis à laChambre basse ? Oui, répondent sans hésitation certains observateurs. Pour eux, cetaffrontement démontre aussi que Préval a sous-estimé Alexis et que cedernier a conforté sa base au détriment de celle de Préval, au seinmême de Lespwa [7].
Ainsi, trois tendances s’annonceraient-elles pour les prochainesélections : D’un côté, Jacques Édouard Alexis pourrait se présenter comme candidatavec une base plus solide et former son propre parti. Une sourceparlementaire nous a d’ailleurs confirmé l’existence de conciliabulesau sein de la Cpp pour que cette Concertation se transforme en partipolitique. De plus, certains observateurs avaient avancé l’hypothèseque Préval aurait pu avoir laissé les émeutes d’avril s’empirer pourdémettre Alexis. Ce dernier aurait donc pris sa revanche à travers lerejet du Premier ministre désigné par le Chef de l’État ; -------------------------------------------------
D’un autre côté, 72 heures après le rejet de son Premier ministredésigné, René Préval n’avait toujours pas fait de déclaration, malgréle grave blocage que pourrait entraîner la décision de la Chambre bassedans une situation de crise déjà alarmante. Or, les noms de troispersonnes pouvant remplacer Éricq Pierre sont déjà cités au plus hautniveau. Le Ministre sortant de la Planification et de la Coopérationexterne, Jean Max Bellerive, Robert Manuel et Joanas Gué, Secrétaired’État à l’Agriculture, font figure de favoris pour occuper le prochainposte de Premier ministre désigné. Tous les trois sont proches duprésident et, à travers le choix du prochain chef de gouvernement,Préval révèlera son poulain pour les prochaines élections ;Enfin, l’ombre d’Aristide persiste sur l’échiquier politique haïtien. Selon certaines sources, Préval ne souhaiterait pas le retour de l’ailedure de Lafanmi [8] au pouvoir. Or, le Père Gérard Jean-Juste est citéouvertement sur les ondes des stations lavalassiennes de Floride commele poulain d’Aristide pour 2011. ---------------------------------------------------------------------------
Le rejet d’Éricq Pierre : quelles conséquences ?Le rejet d’Éricq Pierre par les députés de la Concertation desparlementaires progressistes (Cpp) prouve que ces derniers ne sont,contrairement à leur appellation, non seulement pas progressistes, maisils ont confirmé l’échec de la Chambre basse comme institution de laRépublique. --------------------------------
D’autre part, après la déception du vote de confiance accordé le 28février à Jacques Edouard Alexis, certains émeutiers avaient clairementmontré leur hostilité à l’encontre de certains députés. Cependant, cesderniers ont bien vite oublié qu’en démocratie, la politique est l’artde supprimer les mécontentements [9]. -----------------------------------------------------------
L’acte posé le 12 mai par les députés de la Cpp a aussi renforcé leconstat de l’échec de la Plateforme Lespwa, n’en déplaise auxprésidents des deux Chambres, qui ont qualifié « d’exercicedémocratique » le rejet du 12 mai, alors que Lespwa est l’objet detoutes les critiques. Ainsi, si Alexis avait été un fusible en avrildernier, à l’avenir, lors de l’éventuel -et très prévisible- éclatementde nouvelles émeutes, les nouveaux fusibles seront-ils certainement lesdéputés de la Cpp et même, possiblement, René Préval. --------------------------------------
Quant aux accusations du député Dorson Jean Beauvoir, elles sontvirtuellement soutenues par la circulation, sur l’Internet, des copiesde chèques de la BRH [10]signés par Alexis. Voilà donc une occasion enor de vérifier si l’allégeance, fièrement proclamée du Commissaire deGouvernement Claudy Gassant à Préval, est réelle, autant que sesprétentions de vouloir lutter contre la corruption ! ------------------------------------------------------------------------------------
Au moment où l’on évoque la possibilité de représenter Éricq Pierredevant la Chambre basse, il faut espérer que cet homme de savoir-faire et de bonne volonté, ne se laissera pas humilier une troisième fois àla face du monde entier ! --------------------------------------------------------
Alors que Joseph Jasmin, coordonnateur de Lespwa et ministre chargé desrelations avec le Parlement a affirmé que la page Éricq Pierre a ététournée après le vote de la Chambre basse, l’ex-Premier ministredésigné a donné une conférence de presse à l’Hôtel Montana le jeudi 15mai.
Avec une rare élégance, Éricq Pierre a remercié tout le monde : duPrésident de la République jusqu’à la Concertation des parlementairesprogressistes (Cpp), en passant par les partis politiques, la sociétécivile et la presse objective. Toutefois, il a aussi mis les points surles « i » en révélant ceci : « dès le début du processus, je me suisheurté aux forces de la corruption. Mon refus de pactiser avec elles mevaut aujourd’hui d’être écarté par la Chambre des Députés. Les mots «patrie » ou « intérêt du pays » n’ont jamais été présents dans lesmessages des émissaires qui me pressuraient pour négocier en faveur deleurs protégés des postes de Ministres, des enveloppes d’argent ou desprojets pouvant faciliter leur réélection. -----------------------------
J’ai toujours professé que je n’accepterais pas d’être Premier Ministre à n’importe quel prix. Etje ne pouvais pas non plus prendre des engagements qui hypothèqueraientles ressources du Trésor Public avant même d’entrer à la Primature.J’ai aussi voulu jouer cartes sur table, refusant d’entrer dans le jeude ceux-là qui pensent pouvoir se cacher indéfiniment derrière unmasque anti-néolibéral ».
Éricq Pierre a tenu aussi à avouer qu’il avait sous-estimé le poids desforces de la corruption. D’un calme olympien, il a précisé qu’il nevivait pas la décision de la Chambre des Députés comme un dramepersonnel. Il a noté qu’après sa rencontre avec les députés de laConcertation des parlementaires progressistes, qui avaient accepté dele rencontrer sur demande du Premier ministre Jacques Édouard Alexis qui, lui-même, avait acquiescé à la requête du Président de laRépublique, il était convaincu que la Cpp n’allait pas l’appuyer : « àmoins que le Président de la République et le Premier ministre JacquesÉdouard Alexis arrivent à persuader les membres de la Plateforme Lespwaet les membres de Cpp de m’accorder leur vote. Ceci n’a pas eu lieu etje ne veux pas spéculer sur ce qui s’est passé ». ------------------------------------------------------
Éricq Pierre a donc, semble-t-il, tiré sa révérence, et il l’a faitavec courage et une grande classe, malgré la bassesse des différentesautorités en place qui l’ont amené à la boucherie.
En effet, Préval sachant pertinemment qu’Éricq Pierre ne disposait pasde base politique, aurait dû faire campagne pour la candidature de sonPremier ministre désigné, autant auprès du public qu’auprès de laPlateforme Lespwa. Mais il n’a rien fait, absolument rien, ce quiprouve encore l’acuité de la pensée de Sénèque qui disait qu’ « aucunvent n’est favorable à celui qui ne sait pas où il va ». D’autre part,les déclarations d’Éricq Pierre viennent confirmer les informations decorruption contre la Cpp, notamment celles qui évoquaient que cesderniers souhaitaient obtenir cinq ministères au sein du prochaingouvernement. --------------------------------------
Une chose est certaine : plusieurs masques sont tombés après ce rejetdu Premier ministre désigné. De plus, le mécontentement est palpable àtous les niveaux de la société et les signes d’exaspération de lapopulation pourraient facilement s’envenimer. ------------------------------
En effet, on apprenait le 5 mai dernier que « des leaders populaires dela Savane des Cayes, la zone la plus défavorisée de la région du Sud,avaient lancé un ultimatum au Parlement haïtien et au président RenéPréval pour qu’ils s’assurent de la ratification d’un nouveau PremierMinistre ». Ces « leaders populaires » - qui avaient organisé lesémeutes de la faim dans la ville des Cayes au début du mois d’Avril -ont prévenu que des manifestations plus violentes que celles tenues récemment pourraient avoir lieu si, d’ici le 12 mai, « un nouveauPremier Ministre n’était pas ratifié, pour que ce dernier puissecommencer au plus vite à s’attaquer aux problèmes de la faim, du coûtélevé de la vie et de la hausse vertigineuse des prix des produits depremière nécessité » [11]. ------------------------------------------------------------------------------------------
Enfin, dans cette nouvelle impasse politique dans laquelle se trouveHaïti, comme stipulé par l’économiste Marc L. Bazin, « nous sommes unefois de plus à la croisée des chemins. La conjoncture est pleine depérils. Entre un président omni présent et un Parlement divisé, de plusen plus décidé à ne pas céder la moindre parcelle de son pouvoir, unnouveau Premier ministre va devoir se frayer sa voie vers l’efficacité.La crise alimentaire va certainement s’aggraver, car les causes quil’ont engendrée -notre faiblesse de production et la montée des prixinternationaux- ne vont pas disparaître du jour au lendemain » [12].Les conséquences du prolongement du vide gouvernemental actuel risquentdonc d’être incalculables, et plus dure sera la chute pour tout lemonde. ---------------------------------------------------------------------
Charles Péguy disait que « la politique se moque de la mystique, maisc’est encore la mystique qui nourrit la politique même [13] ».Connaissant le côté mystique qui domine l’imaginaire haïtien, si l’onse réfère à l’image du récent naufrage du bateau dénommé « Dieu soitloué » en provenance de Pestel… alors, nous préférons ne pas nousprononcer sur la vision de la catastrophe nationale qui se profile àl’horizon.
À bon entendeur, salut !
Ainsi, trois tendances s’annonceraient-elles pour les prochainesélections : D’un côté, Jacques Édouard Alexis pourrait se présenter comme candidatavec une base plus solide et former son propre parti. Une sourceparlementaire nous a d’ailleurs confirmé l’existence de conciliabulesau sein de la Cpp pour que cette Concertation se transforme en partipolitique. De plus, certains observateurs avaient avancé l’hypothèseque Préval aurait pu avoir laissé les émeutes d’avril s’empirer pourdémettre Alexis. Ce dernier aurait donc pris sa revanche à travers lerejet du Premier ministre désigné par le Chef de l’État ; -------------------------------------------------
D’un autre côté, 72 heures après le rejet de son Premier ministredésigné, René Préval n’avait toujours pas fait de déclaration, malgréle grave blocage que pourrait entraîner la décision de la Chambre bassedans une situation de crise déjà alarmante. Or, les noms de troispersonnes pouvant remplacer Éricq Pierre sont déjà cités au plus hautniveau. Le Ministre sortant de la Planification et de la Coopérationexterne, Jean Max Bellerive, Robert Manuel et Joanas Gué, Secrétaired’État à l’Agriculture, font figure de favoris pour occuper le prochainposte de Premier ministre désigné. Tous les trois sont proches duprésident et, à travers le choix du prochain chef de gouvernement,Préval révèlera son poulain pour les prochaines élections ;Enfin, l’ombre d’Aristide persiste sur l’échiquier politique haïtien. Selon certaines sources, Préval ne souhaiterait pas le retour de l’ailedure de Lafanmi [8] au pouvoir. Or, le Père Gérard Jean-Juste est citéouvertement sur les ondes des stations lavalassiennes de Floride commele poulain d’Aristide pour 2011. ---------------------------------------------------------------------------
Le rejet d’Éricq Pierre : quelles conséquences ?Le rejet d’Éricq Pierre par les députés de la Concertation desparlementaires progressistes (Cpp) prouve que ces derniers ne sont,contrairement à leur appellation, non seulement pas progressistes, maisils ont confirmé l’échec de la Chambre basse comme institution de laRépublique. --------------------------------
D’autre part, après la déception du vote de confiance accordé le 28février à Jacques Edouard Alexis, certains émeutiers avaient clairementmontré leur hostilité à l’encontre de certains députés. Cependant, cesderniers ont bien vite oublié qu’en démocratie, la politique est l’artde supprimer les mécontentements [9]. -----------------------------------------------------------
L’acte posé le 12 mai par les députés de la Cpp a aussi renforcé leconstat de l’échec de la Plateforme Lespwa, n’en déplaise auxprésidents des deux Chambres, qui ont qualifié « d’exercicedémocratique » le rejet du 12 mai, alors que Lespwa est l’objet detoutes les critiques. Ainsi, si Alexis avait été un fusible en avrildernier, à l’avenir, lors de l’éventuel -et très prévisible- éclatementde nouvelles émeutes, les nouveaux fusibles seront-ils certainement lesdéputés de la Cpp et même, possiblement, René Préval. --------------------------------------
Quant aux accusations du député Dorson Jean Beauvoir, elles sontvirtuellement soutenues par la circulation, sur l’Internet, des copiesde chèques de la BRH [10]signés par Alexis. Voilà donc une occasion enor de vérifier si l’allégeance, fièrement proclamée du Commissaire deGouvernement Claudy Gassant à Préval, est réelle, autant que sesprétentions de vouloir lutter contre la corruption ! ------------------------------------------------------------------------------------
Au moment où l’on évoque la possibilité de représenter Éricq Pierredevant la Chambre basse, il faut espérer que cet homme de savoir-faire et de bonne volonté, ne se laissera pas humilier une troisième fois àla face du monde entier ! --------------------------------------------------------
Alors que Joseph Jasmin, coordonnateur de Lespwa et ministre chargé desrelations avec le Parlement a affirmé que la page Éricq Pierre a ététournée après le vote de la Chambre basse, l’ex-Premier ministredésigné a donné une conférence de presse à l’Hôtel Montana le jeudi 15mai.
Avec une rare élégance, Éricq Pierre a remercié tout le monde : duPrésident de la République jusqu’à la Concertation des parlementairesprogressistes (Cpp), en passant par les partis politiques, la sociétécivile et la presse objective. Toutefois, il a aussi mis les points surles « i » en révélant ceci : « dès le début du processus, je me suisheurté aux forces de la corruption. Mon refus de pactiser avec elles mevaut aujourd’hui d’être écarté par la Chambre des Députés. Les mots «patrie » ou « intérêt du pays » n’ont jamais été présents dans lesmessages des émissaires qui me pressuraient pour négocier en faveur deleurs protégés des postes de Ministres, des enveloppes d’argent ou desprojets pouvant faciliter leur réélection. -----------------------------
J’ai toujours professé que je n’accepterais pas d’être Premier Ministre à n’importe quel prix. Etje ne pouvais pas non plus prendre des engagements qui hypothèqueraientles ressources du Trésor Public avant même d’entrer à la Primature.J’ai aussi voulu jouer cartes sur table, refusant d’entrer dans le jeude ceux-là qui pensent pouvoir se cacher indéfiniment derrière unmasque anti-néolibéral ».
Éricq Pierre a tenu aussi à avouer qu’il avait sous-estimé le poids desforces de la corruption. D’un calme olympien, il a précisé qu’il nevivait pas la décision de la Chambre des Députés comme un dramepersonnel. Il a noté qu’après sa rencontre avec les députés de laConcertation des parlementaires progressistes, qui avaient accepté dele rencontrer sur demande du Premier ministre Jacques Édouard Alexis qui, lui-même, avait acquiescé à la requête du Président de laRépublique, il était convaincu que la Cpp n’allait pas l’appuyer : « àmoins que le Président de la République et le Premier ministre JacquesÉdouard Alexis arrivent à persuader les membres de la Plateforme Lespwaet les membres de Cpp de m’accorder leur vote. Ceci n’a pas eu lieu etje ne veux pas spéculer sur ce qui s’est passé ». ------------------------------------------------------
Éricq Pierre a donc, semble-t-il, tiré sa révérence, et il l’a faitavec courage et une grande classe, malgré la bassesse des différentesautorités en place qui l’ont amené à la boucherie.
En effet, Préval sachant pertinemment qu’Éricq Pierre ne disposait pasde base politique, aurait dû faire campagne pour la candidature de sonPremier ministre désigné, autant auprès du public qu’auprès de laPlateforme Lespwa. Mais il n’a rien fait, absolument rien, ce quiprouve encore l’acuité de la pensée de Sénèque qui disait qu’ « aucunvent n’est favorable à celui qui ne sait pas où il va ». D’autre part,les déclarations d’Éricq Pierre viennent confirmer les informations decorruption contre la Cpp, notamment celles qui évoquaient que cesderniers souhaitaient obtenir cinq ministères au sein du prochaingouvernement. --------------------------------------
Une chose est certaine : plusieurs masques sont tombés après ce rejetdu Premier ministre désigné. De plus, le mécontentement est palpable àtous les niveaux de la société et les signes d’exaspération de lapopulation pourraient facilement s’envenimer. ------------------------------
En effet, on apprenait le 5 mai dernier que « des leaders populaires dela Savane des Cayes, la zone la plus défavorisée de la région du Sud,avaient lancé un ultimatum au Parlement haïtien et au président RenéPréval pour qu’ils s’assurent de la ratification d’un nouveau PremierMinistre ». Ces « leaders populaires » - qui avaient organisé lesémeutes de la faim dans la ville des Cayes au début du mois d’Avril -ont prévenu que des manifestations plus violentes que celles tenues récemment pourraient avoir lieu si, d’ici le 12 mai, « un nouveauPremier Ministre n’était pas ratifié, pour que ce dernier puissecommencer au plus vite à s’attaquer aux problèmes de la faim, du coûtélevé de la vie et de la hausse vertigineuse des prix des produits depremière nécessité » [11]. ------------------------------------------------------------------------------------------
Enfin, dans cette nouvelle impasse politique dans laquelle se trouveHaïti, comme stipulé par l’économiste Marc L. Bazin, « nous sommes unefois de plus à la croisée des chemins. La conjoncture est pleine depérils. Entre un président omni présent et un Parlement divisé, de plusen plus décidé à ne pas céder la moindre parcelle de son pouvoir, unnouveau Premier ministre va devoir se frayer sa voie vers l’efficacité.La crise alimentaire va certainement s’aggraver, car les causes quil’ont engendrée -notre faiblesse de production et la montée des prixinternationaux- ne vont pas disparaître du jour au lendemain » [12].Les conséquences du prolongement du vide gouvernemental actuel risquentdonc d’être incalculables, et plus dure sera la chute pour tout lemonde. ---------------------------------------------------------------------
Charles Péguy disait que « la politique se moque de la mystique, maisc’est encore la mystique qui nourrit la politique même [13] ».Connaissant le côté mystique qui domine l’imaginaire haïtien, si l’onse réfère à l’image du récent naufrage du bateau dénommé « Dieu soitloué » en provenance de Pestel… alors, nous préférons ne pas nousprononcer sur la vision de la catastrophe nationale qui se profile àl’horizon.
À bon entendeur, salut !