Il ne faut pas voir en nous un rabat-joie ou un empêcheur de danser en rond, ni un homme qui est opposé à toute forme de révision constitutionnelle.
Notre position en la matière a toujours été claire. « En matière d’amendements à la Constitution, nous ne pouvons pas faire n’importe quoi n’importe comment. » C’est bien ce qui risque de se produire pourtant si la 49e Législature accepte de travailler sur la Déclaration de révision votée par le Parlement le lundi 14 septembre 2009 dans les conditions que l’on sait et publiée au journal officiel Le Moniteur 22 jours plus tard le mardi 6 octobre 2009.
En tant qu’ancien constituant de 1987 et en tant que simple citoyen, nous avons le devoir de relever les causes de nullité absolue qui affectent ce document et de les révéler au public.
1ère cause de nullité
L’article 182 de la Constitution dispose que :
« Le Pouvoir législatif, sur la proposition de l’une des deux (2) Chambres ou du Pouvoir exécutif, a le droit de déclarer qu’il y a lieu d’amender la Constitution, avec motifs à l’appui ».
C’est la norme depuis la Constitution de 1950 dont l’article # 158, 1er alinéa repris par la Constitution de 1987 dispose également : « le Pouvoir législatif, sur la proposition de l’une des deux chambres ou du Pouvoir exécutif, a le droit de déclarer qu’il y a lieu de réviser telles dispositions qu’il désigne avec motifs à l’appui. »
« Motifs à l’appui », cela veut dire que la déclaration de révision ne peut s’accommoder de considérations vagues mais qu’au contraire les modifications proposées doivent être appuyées par des motifs sérieux, tant sur les articles à dénoncer que sur les solutions retenues pour ces articles à modifier, à supprimer. Ces motifs à deux volets bien distincts destinés à renseigner les citoyens sur la justification des amendements ainsi que sur les amendements eux-mêmes devaient être consignés de préférence dans le corps de la Déclaration ou bien si tel est le choix des parlementaires dans un commentaire justificatif et explicatif annexé à la Déclaration mais en ce cas voté par les 2/3 des membres des 2 Chambres selon le prescrit de l’article # 282-1 de la Constitution de 1987. Or, ce justificatif indispensable à la mise en route de la révision constitutionnelle manque.
Cette exigence de « motifs à l’appui » n’est pas une figure de style ou une redondance. Elle a un objectif précis : éviter toute révision constitutionnelle intempestive, farfelue, fantaisiste, inopportune, antidémocratique.
Cette exigence n’existe pas avant 1950 et comme on peut le supposer, elle a été supprimée des constitutions duvaliéristes de 1957, 1964, 1983 et pour cause.
Les constituants de 1950 avaient introduit cette nouvelle exigence pour prévenir une révision constitutionnelle injustifiée à la suite de la malheureuse expérience qu’ils venaient de vivre à la rentrée parlementaire de 1950 qui visait à permettre la réélection du président Dumarsais Estimé en 1952 mais qui aboutit plutôt à la chute de ce dernier le 10 mai 1950. Le concept de « motifs à l’appui » est devenu consubstantiel de toute déclaration de révision constitutionnelle en 1950 et en 1987, ce à peine de nullité absolue de cette déclaration.
2e cause de nullité
La déclaration de révision votée à la hâte le 14 septembre 2009 prend la forme d’une simple déclaration. En droit parlementaires il existe des actes non obligatoires et des actes obligatoires. Les actes non obligatoires sont notamment les résolutions et les déclarations, et les actes obligatoires sont les lois adoptées par le Parlement et les décrets de l’Assemblée nationale.
Or la déclaration de révision a pris la forme d’une simple « déclaration » non d’une loi qui devrait être envoyée au président de la République pour promulgation et pour publication immédiate. La Loi est un acte obligatoire, la déclaration ne l’est pas. Ainsi donc, les parlementaires le 14 septembre 2009 n’ont émis qu’un simple vœu que la Constitution de 1987 soit amendée, mais leur déclaration est inopérante pour déverrouiller la Constitution de 1987 et mettre en action les dispositions de l’article 283 de la Constitution qui dispose : « À la première session de la Législature suivante, les Chambres se réunissent en Assemblée nationale et statuent sur l’amendement proposé ».
La 49e Législature ne peut pas travailler sur un document nul. Des amendements qui seraient obtenus à partir de ce document nul seraient ipso facto nuls eux-mêmes. Nous y reviendrons.
Pour la pleine édification du public, et pour illustrer la différence entre une loi et une simple déclaration pour mettre en branle un processus de révision, nous avons retrouvé dans Le Moniteur les deux plus récentes déclarations de révision adoptées en fonction du mécanisme d’amendement constitutionnel contenu dans la Constitution de 1987 et qui se trouvait également dans les Constitutions de 1946 et de 1889. Ces déclarations de révision ont été votées sous forme de loi par les 34e et 27e Législatures en 1949 et 1913 respectivement. Ces lois, comme nous l’avons expliqué précédemment, n’avaient pas à satisfaire à l’exigence de « Motifs à l’appui » exprimée par les Constitutions de 1950 et de 1987 parce qu’elle leur est postérieure.
En 1949, nous avons donc :
LOI
Chambre des députés
Vu l’article 145 de la Constitution ;
Considérant que le Pouvoir législatif, par sa déclaration en date du 1er juillet 1949, a dénoncé à fin de révision l’article E des dispositions transitoires de la Constitution de 1946 ;
Considérant que comme conséquence de cette dénonciation, il convient de reconsidérer le statut des juges des tribunaux ;
A proposé
Et le Pouvoir législatif a déclaré qu’il y a lieu de réviser l’article 101 de la Constitution de 1946,
Et il demande au Pouvoir exécutif de publier immédiatement la présente Déclaration dans toute l’étendue du territoire.
Donné à la Chambre des députés, le 5 septembre 1949, An 146e de l’Indépendance.
Le Président Dr Jh Loubeau
Les Secrétaires
D. Michel, M. Maignan
Donné à la Maison nationale (NDLR au Sénat), à Port-au-Prince, le 6 septembre 1949, an 146e de l’Indépendance
Le Président a.i. Ernest Elysée
Les Secrétaires
B.Boisrond, P. Bayard a.i.
(Le Moniteur # 90 14/9/49)
Que nous apprend ce document ? Qu’il y a eu au préalable le 1er juillet 1949 une déclaration qui émettait le vœu des parlementaires de la 34e Législature de procéder à la révision de la Constitution de 1946, mais que l’acte législatif qui devait effectivement enclencher ce processus de révision constitutionnelle était bien une loi.
C’est la même démarche qui a été suivie par les parlementaires de la 27e législature en 1913 quand ils avaient enclenché le processus de révision de la Constitution de 1889.
LOI
Vu les articles 69 et 194 de la Constitution, la Chambre des Communes a proposé
Et le Corps Législatif a voté la loi suivante :
Article 1er.
Il y a lieu de réviser les articles suivants de la Constitution :
2,3,24,25,31,34,36,41,42,46,4,49,54,55,62,63,66,69,71,73,87,8,89,90,93,99,108,113,117,126,13,133,136,137,139,144,145,150,152,154,157,158(2emealinéa), 161,163,168,168,176,178,179,180,192 (dernier alinéa) ; les articles du chapitre 2, section 3, aussi que tout le titre 8.
Article 2.La présente loi sera immédiatement publiée dans toute la République, à la diligence du Secrétaire d’État au Département de l’Intérieur.
Donné à la Maison nationale (NDLR au Sénat), le 27 août 1913, an 110e de l’Indépendance
Le président du Sénat
Sudre Dartiguenave
Les Secrétaires
Th. Salnave, Cuvier Rouzier
Donné à la Chambre des Représentants, le 27 août 1913, an 110e de l’Indépendance
Le Président de la Chambre St Armand Blot
Les Secrétaires
P. Justin Lauture,
Au nom de la République, le Président ordonne que la Loi ci-dessus du Corps Législatif soit revêtue du Sceau de la République, imprimée, publiée et exécutée.
Donné au Palais National, à Port-au-Prince, le 10 septembre 1913, an 110e de l’Indépendance
Michel Oreste
Par le Président
Le Secrétaire d’État du Département de l’Intérieur,
Seymour Pradel
(Le Moniteur # 82 du samedi 11 octobre 1913).
La loi avait été publiée une première fois dans le Moniteur # 78 samedi 27 septembre 1913.
Nous relèverons que ces deux lois portant Déclaration de révision des Constitutions de 1946 et de 1889 ont été adoptées le dernier jour de la dernière session ordinaire des 34e et 27e législatures, c’est-à-dire respectivement les 6 septembre 1949 et 27 août 1913. En ce sens, en adoptant leur déclaration de révision le dernier jour de leur dernière session ordinaire, le 14 septembre 2009, les parlementaires de la 48e législature ont suivi leurs devanciers, mais dans leur hâte, ils ont oublié que cette Déclaration pour être valide devait prendre la forme d’une loi votée article par article en des termes identiques par les deux Chambres. Au moins, les parlementaires de la 34e et de la 27e savaient ce qu’ils faisaient.
Nous n’inventons rien, les parlementaires de la 48e législature peuvent aller consulter les différents numéros du Moniteur que nous avons indiqués, mais il est trop tard pour eux pour rattraper leur erreur, le délai constitutionnel du 14 septembre 2009 à minuit étant passé.
Nous avons dans un précédent article montré que la Déclaration de Révision publiée dans le Moniteur du 6 octobre 2009 était nulle et que la 49e Législature avait pour devoir de ne pas tenir compte de ce document invalide, inapte à enclencher régulièrement la procédure d’amendement prévue par la Constitution de 1987, et de passer directement à ses travaux législatifs ordinaires sans amender la Constitution.
Dans cette affaire d’amendement on s’y est mal pris. Le Président Préval avait en 2007 lancé une réflexion sur la Constitution en 2007 qui n’a jamais été menée sérieusement.
On est rentré plutôt dans un processus de révision qui s’est présenté comme une nébuleuse et qui a abouti au rapport Moïse lequel a été présenté par l’Exécutif au Parlement pour les suites nécessaires le 4 septembre 2009. Ce rapport était un gros travail qui contenait malgré tout des choses dangereuses et anti-démocratiques. Il était inacceptable du point de vue politique. Nous l’avons critiqué dans notre texte « Des Amendements Inacceptables » et il faut rendre un hommage aux parlementaires durant leur session marathon de négociation au Palais National le 14 septembre 2009, d’avoir pu éliminer la plupart des choses anti-démocratiques qui se trouvaient dans le rapport Moïse, bien que quelques unes leur aient malgré tout échappé. Cependant, dans leur précipitation, pressés par le temps, car le délai constitutionnel pour obtenir une déclaration de révision expirait le lundi 14 septembre 2009 à minuit, ils ont voté cette déclaration à la hâte, sans se rendre compte que le document qu’ils votaient était affecté de plusieurs causes de nullité. En substance, les réformateurs du 14 septembre 2009 ont cru qu’en se conformant seulement à deux prescriptions de la Constitution :
1.- voter la déclaration de révision au cours de la dernière session ordinaire de la Législature. (article 282-1),
2.- obtenir pour cette déclaration l’adhésion des 2/3 des membres de chaque
Chambre (article 282-1),
ils pouvaient réellement produire une déclaration de révision valable.
Ces deux conditions sont nécessaires mais non suffisantes, car il y a d’autres exigences constitutionnelles qui ne sont pas remplies, ainsi que nous l’avons démontré dans notre précédent article « la déclaration de révision est nulle ». Pour amender la Constitution, on ne peut voter n’importe quoi n’importe comment. Il faut se conformer à toutes les prescriptions qui constituent un ensemble très strict. L’article 282 n’a pas été respecté dans sa lettre et dans son esprit.
Le travail de la Commission Moïse qui a siégé pendant quatre mois est absolument insuffisant pour amender la Constitution de 1987. Il est intéressant aussi de noter que les différents « considérants » qui se trouvent dans la Déclaration, n’ont aucun lien de cause à effet avec les articles dénoncés et avec les amendements proposés. Ces considérants vagues ne peuvent en rien tenir lieu du commentaire justificatif exigé par la Constitution quand l’article 282 dispose « motifs à l’appui ». Ce qu’ils veulent faire est un véritable acte de brigandage politique.
Si on s’y était pris autrement, on aurait pu aboutir. Si on avait d’abord fixé les points essentiels qui devaient être amendés, si on avait ouvert un débat national sur ces points, si on avait discuté au préalable les points à amender avec les parlementaires, on aurait obtenu une déclaration d’amendement conforme à la Constitution et au droit, et qui aurait pu enclencher valablement le processus de révision constitutionnelle. Tout le monde aurait collaboré, et ceux qui crient aujourd’hui à la nullité de la Déclaration, auraient été justement ceux qui auraient signalé bien avant le vote les risques de nullité pour que les parlementaires puissent faire attention aux causes de nullité et voter une déclaration correcte qui aurait contenu un petit paquet d’amendements sur lesquels on se serait mis d’accord.
Malheureusement, ce n’est pas cela qui est arrivé et on a travaillé en vase clos, en circuit fermé pratiquement à l’insu des citoyens, dans une sorte de semi-clandestinité dans les circonstances que l’on sait. On a un véritable galimatias, un « bouyi vide ». C’est la conséquence directe de la précipitation dans laquelle on a travaillé. Nous signalerons pour mémoire que l’Assemblée constituante de 1987 a travaillé pendant quatre mois, portes et fenêtres ouvertes, qu’elle était constamment à l’écoute du public et était très attentive dans ses délibérations aux opinions et souhaits des citoyens.
Vive la différence !
Les citoyens ont le droit d’être renseignés sur les raisons d’un amendement constitutionnel à travers le commentaire justificatif que ces messieurs n’ont pas voté. C’est le vœu même de la Constitution.
Que trouve-t-on donc dans le document falsifié du 6 octobre qui a été publié et que nous allons étudier plutôt que dans celui du 14 septembre qui a été voté, parce que moins complet ? Nous insistons encore une fois sur le fait que ces deux documents sont juridiquement nuls. Notre étude n’a qu’un intérêt académique et ne vise qu’à informer le public. Nous écrivons aussi pour l’avenir.
L’article 1 supprime un adjectif à la définition de la République d’Haïti, car le rapport Moïse disait que cet adjectif « coopératiste a été enlevé » parce que non défini.
Nous n’avons pas de problème avec ce changement de rédaction.
La modification de l’article 11 ne pose pas de problème pour nous. Le document du 6 octobre publié a un ajout par rapport au document du 14 septembre voté, concernant la répudiation de la nationalité. Cet alinéa pourrait se trouver dans une loi.
En attendant une modification de l’article 11 de la Constitution, la définition de l’Haïtien de naissance pourrait être mise dans une loi sur la nationalité avec un autre article qui dirait de ces derniers : « Sauf pour les fonctions spécifiquement réservées par la Constitution de 1987 aux Haïtiens d’origine, les Haïtiens de naissance sont juridiquement assimilés aux Haïtiens d’origine ».
Par ailleurs, de l’avis de certains juristes, l’article 13 de notre Code Civil a son plein effet avec l’actuelle formulation de l’article 11 de la Constitution.
La suppression des articles 12.1, 12.2, 13, 14 est recommandée par le rapport Moïse qui veut faire passer les questions de nationalité et de naturalisation dans le domaine de la loi. Nous n’avons pas de problème avec cela non plus, car c’était la situation qui existait dans toutes nos Constitutions depuis 1888, où la naturalisation était incidemment mentionnée. La seule chose que l’on retrouve constamment dans ces Constitutions, c’est le délai pour que ces étrangers naturalisés puissent jouir de leurs droits politiques attachés à leur nouvelle nationalité. Ce délai était de un an en 1888 (art.10, 2e alinéa) de cinq ans de 1889 à 1932, de 10 ans à partir de 1935 jusqu’à 1983. La Constitution de 1987 octroiera aux étrangers le droit de vote immédiatement et leur donnera le reste des droits politiques cinq ans après leur naturalisation.
Notons que dans toutes les Constitutions haïtiennes à partir de 1843 l’étranger naturalisé était éligible à toutes les fonctions électives (moyennant un délai variable) sauf celle de Président de la République, et ceci jusqu’à la Constitution de 1946, où il ne pouvait plus être ni Ministre, ni Sénateur, ni Député. Ces fonctions seront de nouveaux ouvertes aux étrangers naturalisés par la Constitution de 1950 pour leur être à nouveau fermées à partir de la Constitution de 1983, à l’exception bien entendu de celle de Maire ou de membre d’une administration communale. C’est ce qui a été repris par la Constitution de 1987.
Ce n’est qu’à partir de 1957 qu’on aura dans la Constitution un titre particulier consacré aux étrangers.
L’article 12 se lit désormais comme suit :
« Tout haïtien est soumis à l’ensemble de droits et obligations attachés à sa nationalité haïtienne. Aucun Haïtien ne peut, à l’endroit des autorités haïtiennes, faire prévaloir sa nationalité étrangère sur le territoire de la République d’Haïti ». Cet article se trouve textuellement dans le texte de la Déclaration de révision qui a été votée sans discussion le 14 septembre 2009 et qui est une précaution salutaire pour le cas où le Législateur haïtien s’apprêterait à organiser juridiquement le cumul de nationalités. Cette Déclaration du 14 septembre 2009 reste logique avec elle-même quand elle ne supprime pas l’article 15 de la Constitution qui interdit la double nationalité.
La Déclaration publiée le 6 octobre qui est un document différent du premier supprime l’article 15, et semble donc choisir la double nationalité, auquel cas on ne peut pas empêcher l’individu de se prévaloir de son autre nationalité en Haïti. Pourquoi pas, puisqu’on reconnaît l’autre nationalité ? En droit, on ne peut pas faire une chose et son contraire. L’alinéa précédent a été voté en fonction du maintien de l’article 15 pour le cumul, non en fonction de son abrogation. Il semble y avoir ici une contradiction qu’il faudrait clarifier.
Nous répétons que dans l’état actuel du texte de la Constitution de 1987 en fonction des articles 10 et 15 de cette Constitution, ce dont nous avons réellement besoin, c’est d’une bonne loi moderne et intelligente sur la nationalité haïtienne, devant remplacer l’ancienne loi devenue obsolète. Depuis la loi Voltaire de 2003 concernant les « Haïtiens qui ont une autre nationalité », on s’orientait déjà vers l’acceptation du cumul de nationalité, qui répétons le, n’est pas interdit par la Constitution de 1987, mais la nouvelle loi sur la nationalité haïtienne qui devait venir entre autres choses organiser et gérer ce cumul, n’a jamais suivi.
En ce qui concerne la perte de la nationalité intervenue par naturalisation dans un pays étranger d’un Haïtien, le législateur peut aider cet Haïtien à conserver malgré tout sa nationalité par un artifice juridique qui demanderait à ce naturalisé de notifier aux autorités haïtiennes compétentes qu’il s’est naturalisé dans tel pays afin de les informer de la nouvelle situation.
On peut lui demander de faire accompagner sa notification d’une copie certifiée de son certificat de naturalisation. Tant qu’il ne se sera pas soumis à cette formalité, l’État haïtien continuera d’ignorer officiellement la perte de la nationalité et l’intéressé pourra continuellement jouir des avantages du cumul de nationalités, car en cette matière la cause du cumul importe peu pour l’État qui n’a pas à se préoccuper de la provenance de cette autre nationalité : que ce soit par filiation par un parent étranger, par naissance dans un pays de jus soli, par mariage, par engagement dans des forces armées étrangères etc …
L’État haïtien ne reconnaît pas la double nationalité pour la bonne raison qu’il l’ignore (article 15).
Rien n’empêche incidemment en vertu de l’article 10 de la Constitution à l’État haïtien d’accorder, comme c’est le cas partout en Amérique, le jus soli, c’est-à-dire la nationalité haïtienne automatique à des individus nés sur son sol de parents étrangers. La loi haïtienne le fait déjà pour les enfants nés de parents inconnus ou apatrides en fonction des accords internationaux que nous avons signés et ratifiés (cf Convention de San José).
Pourquoi supprimer l’article 16-1 ?
L’article 17.1 proposé qui prévoit un quota de 30 % pour les femmes, peut figurer dans une loi.
L’article 29.1 supprimé est fusionné avec l’article 127.
L’article 18 est rendu nécessaire par l’introduction de la notion d’Haïtien de naissance.
L’article 31.1.1 qui réserve un quota de 30 % pour les femmes peut aussi figurer dans une loi sur les partis politiques.
L’article 32 proposé concerne un changement de rédaction et un mariage avec l’article 33.
Dans leur précipitation, les auteurs du texte du 6 octobre ont oublié de supprimer l’article 33 qui non seulement fait désormais double emploi mais constitue une répétition. Ils devraient laisser les articles 32 et 33 tranquilles.
L’article 32-1 proposé est inchangé par rapport au texte de la Constitution de 1987 qu’il est censé remplacer mais il figure quand même dans la proposition de révision.
L’article 32-3 proposé subit un léger changement de rédaction.
L’article 33-4 proposé met la formation Pré-Scolaire et Maternelle à la charge de l’État et des Collectivités Territoriales. Rien qu’une simple loi n’aurait pu faire.
L’article 32-6 proposé subit un changement de rédaction en supprimant toute référence au mérite pour l’accès à l’Enseignement Supérieur. Ici on peut être amené à se poser des questions sur les intentions des réformateurs.
L’article 32-8 proposé dit la même chose, avec un changement de rédaction.
L’article 63 proposé qui ne figure pas dans le texte voté le 14 septembre mais qui figure dans le texte publié le 6 octobre, article qui n’a jamais été voté donc, met le mandat des dirigeants des Casecs à 5 ans. Un pareil changement ne peut intervenir que si l’article a été régulièrement dénoncé par un vote des 2 Chambres du Parlement (article 282-1 de la Constitution). Or, ce n’est pas le cas.
L’article 68 proposé qui ne figure pas dans le texte voté le 14 septembre mais dans le texte publié le 6 octobre, porte le mandat du Conseil Municipal à 5 ans (même cas que pour l’article 63).
L’article 74 proposé subit un changement de rédaction pour éliminer l’intervention de l’Assemblée Municipale.
L’article 78 proposé qui ne figure pas dans le document voté mais qui figure dans le document publié le 6 octobre augmente le mandat des dirigeants du Conseil Départemental à 5 ans. Même chose que pour les articles 63 et 68 proposés.
L’article 87.2 proposé combine les articles 87.2 et 87.3 relatifs au Conseil Interdépartemental avec un changement de rédaction mais qui ôte à ce Conseil la voix délibérative quand il assiste au Conseil des Ministres.
Le document publié le 6 octobre propose la suppression de l’article 87-3 combiné désormais avec l’article 87-2.
L’article 87-5 proposé subit un changement de rédaction.
L’article 90 proposé se lit comme suit selon le document du 6 octobre :
« Le territoire de la République d’Haïti est divisé en circonscriptions électorales dont la délimitation est basée sur le poids démographique des communautés.
Chaque circonscription électorale élit un député». Cette nouvelle formule peut poser des problèmes, attendu que l’idéal poursuivi par les Constituants de 1987 était d’un député par Commune. Seules des raisons financières nous ont empêché de le faire. Parfois deux Communes partagent le même député, exceptionnellement trois. Cette nouvelle formulation peut ouvrir la voie à des manipulations de circonscriptions appelées gerrymandering, encore inconnues chez nous. C’est le critère démographique que l’occupant américain avait utilisé à partir de 1917 pour réduire le nombre des députés de 101 à 36. Le député est un personnage important dans une Commune. Cet article 90 proposé est trop élastique pour être acceptable.
L’article 90 bis proposé est la suite logique du précédent. Il ne mérite aucun commentaire particulier.
L’article 90.1 proposé porte le mandat du député à cinq (5) ans.
L’article 90.2 proposé ajouté ouvre la porte à toutes les magouilles et fraudes électorales – Inacceptable !
L’article 91 proposé subit un changement de rédaction pour remplacer l’Haïtien d’origine par l’Haïtien de naissance, afin de suivre la logique du nouvel article 11 proposé.
L’article 92 proposé porte le mandat des députés à cinq ans.
L’article 92.1 subit un changement de rédaction pour aménager le début et la fin du mandat des députés. Rien qui ne pourrait être réglé par une loi, si l’on se base sur le fait que les aménagements dans le sens d’un raccourcissement de mandat sont admis, non les aménagements dans le sens d’une prolongation de mandat.
L’article 92-3 proposé prolonge le mandat des députés à 5 ans.
Les articles 94.4, 94.5 et 94. 6 donne de nouvelles modalités pour le calcul des voix des sénateurs. Porte ouverte aux magouilles électorales qui auraient de beaux jours devant elles.
L’article 95 proposé parle du commencement et de la fin du mandat des sénateurs.
L’article 95.3 de la Constitution qui prévoit le renouvellement du Sénat par tiers tous les deux ans est supprimé.
L’article 96 proposé subit un changement de rédaction pour accommoder la nouvelle notion d’Haïtien de naissance.
L’article 93-3 proposé concernant les attributions de l’Assemblée Nationale subit un changement de rédaction pour accommoder deux nouvelles dispositions. Ce sera à l’Assemblée Nationale désormais d’approuver ou de rejeter la déclaration de politique générale du Premier Ministre.
Elle reçoit des attributions également concernant l’état d’urgence.
Les articles 111.5, 111,6 et 111.7 concernant la Commission de Conciliation sont supprimés en raison de la création du Conseil Constitutionnel.
L’article 119.1 proposé ajouté, concerne les projets de loi votés en urgence. Le texte voté par le Parlement le 14 septembre dit que de pareils projets de lois seraient votés chapitre par chapitre. Le texte publié le 6 octobre dans le Moniteur dit qu’ils seront votés article par article, toute affaire cessante, ce qui nous semble plus conforme à la logique, à l’esprit démocratique et à la ligne suivie par toutes nos Constitutions depuis celles de 1843.
L’article 127 proposé concerne les pétitions adressées au Corps Législatif. Il combine l’ancien article 127 et l’article 29.1 supprimé.
L’article 129.3 proposé demande que ce soit le quart (1/4) d’une Chambre qui appuie une demande d’interpellation, non plus 5 parlementaires membres de cette Chambre.
L’article 129.6 proposé apporte deux innovations.
1) Un Premier Ministre ayant reçu un vote de confiance ne peut être interpelé avant un an.
2) L’échec d’une motion de censure équivaut à un vote de confiance. C’est quelque chose qui avait déjà été admis par notre pratique constitutionnelle.
L’article 134 proposé subit un changement de rédaction qui aurait pu être réalisé par la loi électorale.
L’article 134 proposé ajouté se lit donc comme suit :
« À l’occasion des élections, le candidat à la Présidence le plus favorisé au premier tour n’ayant pas obtenu la majorité absolue est déclaré vainqueur dans le cas où son avance par rapport à son poursuivant immédiat est égale ou supérieure à vingt-cinq pour cent (25 %). C’est encore la porte ouverte aux magouilles. Il ne sera plus utile avec un pareil article d’aller se baigner dans la piscine de l’Hôtel Montana pour faire avancer la cause de son candidat. Pourtant, en Afghanistan, le président sortant Hamid Karzaï qui a obtenu plus de 48 % des suffrages sera quand même soumis à un second tour face à son rival aux présidentielles Abdullah Abdullah. Il aurait dû envoyer ses partisans se baigner plutôt dans la piscine d’un grand hôtel de Kaboul, cela aurait peut-être convaincu ses protecteurs internationaux. Il s’est retrouvé seul candidat à ce second tour après le retrait de M. Abdullah.
L’article 134. proposé fixe le mandat présidentiel à 5 ans. (Rien de nouveau).
L’article 134.2 se lit désormais comme suit :
« L’élection présidentielle a lieu à la fin de la cinquième année du mandat présidentiel. Le Président élu entre en fonction le 7 février suivant la date de son élection. Au cas où le scrutin ne peut avoir lieu avant le 7 février, le Président élu entre en fonction immédiatement après la validation du scrutin et son mandat est censé avoir commencé le 7 février de l’année de l’élection.
Cette disposition est louable. Cependant, rien n’empêche de l’inclure dans une loi, avant qu’un amendement constitutionnel puisse être obtenu régulièrement en respectant le prescrit de la Constitution.
L’article 135 proposé subit un changement de rédaction pour accommoder la nouvelle notion d’Haïtien de naissance devant remplacer celle d’Haïtien d’origine.
L’article 137 consacre le copinage et laisse les mains virtuellement libres au Président de la République. En effet, le 2e alinéa de cet article qui disposait :
« Dans les deux (2) cas le choix doit être ratifié par le Parlement » est purement et simplement supprimé, ce qui revient à dire que le Parlement n’aura plus son mot à dire dans le choix du Premier Ministre, qui pourrait être désormais dans tous les cas un super-copain du Président de la République.
Les Constituants de 1987 n’ont pas voulu un pareil copinage qui est nuisible au fonctionnement d’une démocratie véritable. Naturellement, la suppression de cet alinéa est inacceptable.
L’article 141 subit un changement pour s’accommoder du nouveau nom de l’armée nationale qui reprend son nom de 1947 d’Armée d’Haïti en lieu et place de Forces Armées d’Haïti.
L’Article 149 subit des modifications profondes. Le Président de la Cour de Cassation (ou les juges de cette Cour par ordre d’ancienneté) n’occupera plus la Présidence Provisoire de la République. C’est une modification très grave.
Cet article avait été voulu par les Constituants de 1950 pour assurer la continuité de l’État avec un personnage politiquement neutre et il fournit aussi une réserve, une pépinière de présidents provisoires de la République. Cet article barre la route aux ambitions personnelles des uns et des autres qui peuvent profiter de toute période de vacance présidentielle pour penser pouvoir installer leur propre gouvernement provisoire au timon de l’État. Ceci peut immanquablement aboutir à une cascade de gouvernements provisoires aussi illégitimes les uns que les autres, aussi boîteux les uns que les autres et aussi dangereux pour le pays les uns que les autres, comme cela a été exactement le cas après le 2 février 1957 qui a marqué le départ du pouvoir du président provisoire constitutionnel Joseph Nemours Pierre-Louis, quand les politiciens d’alors, avec la passivité du général Léon Cantave, ont déclaré l’article 81 de la Constitution de 1950 « épuisé » et ont jeté le pays dans l’aventure politique en installant un président provisoire de leur cru en la personne de Franck Sylvain, avec ensuite le Collégial, la tragique journée du 25 mai 1957, les 19 jours du Président Daniel Fignolé, le pouvoir sanglant et brutal du général Antonio Th. Kébreau qui remit l’appareil de l’État à Duvalier et à ses acolytes à la faveur de la mascarade électorale du 22 septembre 1957.
Cet article 81 de 1950, précisé et complété par les Constituants de 1987 avec l’article 149, est issu d’une expérience qui eut lieu en Allemagne en 1925 quand le Président de la Cour de Cassation allemande le juge Walter Simmons devint président provisoire de la République de Weimar, de la mort du Président Ebert en février à la prise de fonction en mai de son successeur élu au suffrage universel direct, le vieux maréchal Paul von Hindenburg. Beaucoup des Constituants de 1950 étaient des juristes haïtiens de l’ancienne génération, pétris de culture allemande et connaissant bien le droit allemand : Dantès Bellegarde président de la Constituante, Joseph Renaud, François Mathon, Victor Duncan, Emmanuel Leconte (ce dernier petit-fils du Sénateur Joseph Poujol Constituant de 1867 et neveu du grand juriste Alexandre Poujol fils de Joseph)… Cette même solution avait été aussi retenue plus près de nous par la Constitution cubaine depuis le début du XXe siècle. C’est ainsi qu’au renversement de Batista le 1er janvier 1959, le juge Manuel Urrutia devint président de Cuba, avant que Fidel Castro ne le remplace en juillet 1959 par une de ses créatures Oswaldo Dorticos.
Nous pensons que si l’expérience n’avait pas eu lieu en Allemagne, les Constituants de 1950 ne l’auraient pas retenue.
Dans les Constitutions républicaines de 1806 et de 1816, un article, respectivement 112 et 147, prévoyait que le Conseil des Secrétaires d’État assurerait l’intérim en attendant l’élection d’un nouveau président. Dans la pratique, c’est le Secrétaire d’État qui a été choisi comme président intérimaire : Bruno Blanchet (janvier-mars1806), Jean-Chrysostome Imbert (mars 1811, mars 1815 et mars-avril 1818), André Pilié (mars-avril 1843).
À partir de 1843 jusqu’en 1950, il n’y eut plus de concept de Président provisoire. Ce fut le Conseil des Ministres, sous la présidence du Président du Conseil (premier ministre) Chef du Gouvernement quand il y en avait un, que l’intérim était assuré, article 108 en 1843, 119 en 1846, 198 en 1867, 115 en 1874, 104 en 1879, 36, en 1888 avec en cas de défaillance du Conseil des Ministres, le Comité permanent de l’Assemblée Nationale, 93 en 1889, 77 en 1918, 81 en 1932, 39 en 1935 et 86 en 1946 …
Cette situation constitutionnelle, a débouché sur 2 cas de figure, selon qu’on se soit trouvé dans une hypothèse heureuse ou une hypothèse malheureuse.
- L’hypothèse heureuse a été le cas de mort du Chef de l’État en exercice, de causes naturelles ou accidentelles. Cas des Présidents Guerrier en 1845, Riché en 1847, Hyppolite en 1896, Leconte en 1912 et Auguste en 1913.
Le Conseil des Ministres a exercé un intérim très court et le nouveau président a été démocratiquement élu par l’Assemblée Nationale, tout en étant une personnalité membre ou bien proche du pouvoir en place.
- L’hypothèse malheureuse : Renversement de Rivière Hérard, Geffrard, Salnave, Domingue, Canal, Salomon, Légitime, fin du mandat de T. Sam, renversement de Nord Alexis, Antoine Simon, Michel Oreste, Oreste Zamor, Davilmar Théodore, Vilbrun Guillaume Sam, Elie Lescot, Dumarsais Estimé. Ici, cet article n’a jamais joué et il y a eu des gouvernements provisoires extra-constitutionnels : ceux de 1867, le gouvernement provisoire de Saget en 1869, le gouvernement provisoire de 68 jours du Président Joseph Lamothe en 1879 et celui de 20 jours de Salomon lui succédant à la suite du coup d’État militaire du général Richelieu Duperval, les trois gouvernements provisoires de Boisrond Canal 1876, 1888 et 1902, le gouvernement insurrectionnel d’Hyppolite en 1889.
En 1874, à la fin du mandat constitutionnel de Saget, on a un proche du pouvoir en place le général Michel Domingue qui s’empare du pouvoir après avoir fait sa propre Constitution et s’être fait nommer président dans un simulacre d’élection.
Après la première Occupation, à la chute des présidents Lescot et Estimé, on a eu des gouvernements de facto avec les mêmes personnages. Point n’est besoin de revenir sur ce qui s’est passé en 1957.
À partir de 1957, les choses étaient devenues encore plus simples : Duvalier avait supprimé dans ses Constitutions toute notion de vacance présidentielle.
L’article 149 et l’article 81 avant lui ont permis aux juges Nemours Pierre-Louis, Ertha Pascal Trouillot, Joseph Nérette, Emile Jonassaint et Boniface Alexandre d’occuper la présidence provisoire de la République, assurant une certaine forme de continuité de l’État, et évitant de tomber dans les schémas malheureux de 1844 à 1950 discutés plus haut.
D’après le nouvel article 149 proposé on retombe dans les 2 cas de figure déjà exposés.
Ou bien le Président disparaît brusquement par mort naturelle ou accidentelle, et le Premier Ministre assure l’intérim avec ses Ministres et peut avec l’aide d’un CEP complaisant propulser au pouvoir quelqu’un de son choix. (Hypothèse calme).
Ou bien, le départ du Président est le fruit d’un mouvement de protestation populaire de type GNB, et le Premier Ministre et les Ministres politiquement discrédités sont obligés de partir aussi. L’article 149 sera « épuisé » et il faudra créer à partir de rien un gouvernement provisoire qui pourrait être bientôt renversé à son tour (Hypothèse mouvementée).
Une pareille situation peut et doit être évitée en recourant à l’intérim assuré par les juges de notre Cour de Cassation.
Nous faisons remarquer que l’une des raisons avancées pour les amendements à la Constitution de 1987 est le souci d’économie avec des élections générales tous les cinq ans. Cependant personne n’est dupe quant à la finalité de ce changement majeur proposé.
Cela cache une volonté de s’emparer de l’appareil d’État et de se maintenir au pouvoir. Nous y reviendrons plus loin. Le nouvel article 149 proposé prévoit que si la vacance présidentielle se produit durant les trois premières années du mandat présidentiel un nouveau président est élu au suffrage universel pour le temps qu’il reste à courir.
Si c’est une vacance qui se produit à partir de la 4e année du mandat présidentiel, le nouveau président élu pour le temps qui reste à courir, le sera cette fois-ci par l’Assemblée Nationale, et il sera dans ce cas affublé du titre de « Président Provisoire ».
Cela est assez alambiqué et le risque de faire élire un homme du pouvoir en place s’en trouve accru.
Les rédacteurs des amendements proposés ont pris la précaution par un article # 149.1 ajouté, de dire que ces nouveaux présidents élus sous l’empire du nouvel article 149 seront réputés avoir complété un mandat présidentiel.
L’article 149.2 dit qu’aucune procédure d’interpellation du Gouvernement ne peut être entamée durant les périodes d’empêchement temporaire du Président de la République ou de vacance présidentielle. Dans le cas où une telle procédure aurait été entamée avant la période, elle est suspendue.
Cet article ajouté est-il vraiment nécessaire ?
Ne peut-on aménager son contenu par une loi ? Nous faisons ensuite remarquer que ce nouvel article 149.2 ajouté laisse ouverte la possibilité pendant ces périodes spéciales d’interpeler et de censurer individuellement les Ministres en vertu de l’article 172 (petite censure).
L’article 157 concernant le Premier Ministre aurait dû être dénoncé pour harmoniser son libellé avec la nouvelle notion d’Haïtien de naissance qui remplace celle d’Haïtien d’origine, comme on l’a fait pour l’article 135 concernant le Président de la République. Or il n’a pas été dénoncé. Il est trop tard pour le faire.
L’article 158 amendé fait recevoir la déclaration de politique générale du Premier Ministre par l’Assemblée Nationale, non plus par les deux Chambres siégeant séparément, mais ces dernières tout en siégeant en Assemblée Nationale voteront quand même séparément pour approuver la déclaration de politique générale. Cela frise l’absurde.
L’article 158.1 réduit la ratification du choix du premier ministre à un simple contrôle des pièces soumises à l’appui de sa candidature préalablement étudiées par une Commission Bicamérale Spéciale de (9) Députés et de six (6) Sénateurs. Elle se fera au cours de la même séance prévue pour la présentation de la déclaration de la politique générale et du nouveau Gouvernement. Encore la même philosophie expéditive. Les deux Chambres n’aurait plus leur mot à dire quant à la personne du Premier Ministre désigné. La voie est grande ouverte pour l’accession des copains ou des laquais du Président de la République au poste de Premier Ministre.
Le nouvel article 159 a un alinéa ajouté à l’ancien, dans lequel il est dit que le pouvoir règlementaire du Premier Ministre s’exerce par Arrêté du Premier Ministre (rien qui ne pouvait être dit par une loi !)
L’article 165 prévoit le cas où un premier ministre expédiant les affaires courantes serait empêché ou se retirerait du poste. Le Président de la République pourrait alors choisir un premier ministre intérimaire parmi les ministres en poste, en attendant l’installation du nouveau Gouvernement. Ceci est une bonne chose en soi, mais cette petite chose justifie-t-elle un amendement de la Constitution ?
Un article 172.1 ajoute précise les conditions pour être ministre (Rien qui ne puisse être réglé par une loi).
Un article 175 modifié concernant la nomination des Juges se trouve dans le texte publié au Moniteur mais non dans le texte qui a été voté.
L’article 183 qui donne à la Cour de Cassation le pouvoir de se prononcer sur la constitutionnalité des lois est supprimé, à cause de la création d’un Conseil Constitutionnel.
L’article 183.1 est supprimé, car il donnait au Parlement la possibilité de donner son interprétation d’une loi, par une autre loi interprétative.
Un article 184.2 proposé traite du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire déjà organisé par un texte ayant force de loi.
Un chapitre est ajouté au Titre VI traitant des Institutions Indépendantes concernant la création d’un Conseil Constitutionnel de 9 membres.
Nous signalons d’abord que du point de vue de la forme, le nouveau chapitre est volant et sa numérotation est bizarre.
Le chapitre est volant, parce qu’il et placé avant le chapitre I.
Tous les articles traitant de ce Conseil sont numérotés 190 bis et 190 ter avec une multitude de sous articles.
Ne serait-il pas plus rationnel de placer ce Conseil Constitutionnel à la place du chapitre III traitant de la Commission de Conciliation supprimée et de numéroter les articles relatifs à cette nouvelle Institution 206, 206. 1, 206.2, 206.3 etc au lieu de recourir à la numérotation alambiquée choisie ?
On pourrait aussi bien faire un chapitre VI de ce Titre VI avec une numérotation commençant par un article 216.1 etc.
Une instance de contrôle de la Constitutionnalité est une excellente chose en soi, bien que la formule de Conseil Constitutionnel soit plus politique que celle de Cour Constitutionnelle. La question de créer une instance de contrôle de la Constitutionnalité s’est effectivement posée à la Constituante de 1987, mais le principal obstacle qui a empêché la création d’une telle instance est de nature politique. Cet obstacle demeure aujourd’hui plus que jamais dans toute sa force : c’est le fait que le Conseil Constitutionnel ne soit qu’un instrument docile au service du pouvoir exécutif qui lui servirait pour domestiquer complètement toutes les autres composantes de l’appareil d’État et l’universalité des citoyens. À preuve de ce que nous avançons, nous constatons par exemple que le Conseil Constitutionnel proposé mettra son nez jusque dans les règlements des Chambres législatives, ce en contradiction avec l’article 112 de la Constitution. La non-création d’une instance de contrôle de la Constitutionnalité par la Constituante de 1987 est délibérée et ne constitue pas un oubli de sa part. Les discussions ont été assez âpres sur ce point. Nous pensons avec le recul du temps (plus de 20 ans) que la Constituante a agi avec sagesse et a pris la bonne décision en la matière.
Au sein d’un Conseil Constitutionnel ou même d’une Cour Constitutionnelle aux attributions et aux pouvoirs nécessairement exorbitants, les Constituants de 1987 étaient bien conscients que le Pouvoir Exécutif prendrait bien soin de n’y placer que ses fidèles, ses copains, ses séides et que cet organisme serait toujours peuplé des créatures du Président qui s’en servirait comme d’un bâton pour bastonner à volonté le Pouvoir Législatif, le Pouvoir Judiciaire, l’Administration publique, les Institutions Indépendantes et les citoyens. Chez nos cousins d’Afrique francophone, les diverses Cours Constitutionnelles, ne brillent pas par leur indépendance et à part de rares exceptions comme la Cour Constitutionnelle du Bénin, elles sont généralement soumises aux volontés du Président. C’est la raison majeure pour laquelle l’Assemblée Constituante de 1987 n’a créé ni Conseil, ni Cour constitutionnels, car cela aurait équivalu a créer un super-pouvoir, supérieur à tous les autres, et entièrement aux mains du Pouvoir Exécutif.
Il fut même dit à la Constituante que les membres de ce Conseil Constitutionnel finiraient par connaître un mauvais sort et voir leurs maisons par exemple déchouquées par des foules en colère à la chute d’un gouvernement, comme salaire de leurs décisions complaisantes ou serviles. Ce risque demeure bien réel.
Qui veut le prendre ?
En France, où il existe un Conseil Constitutionnel, on a la tradition d’y faire entrer des personnalités politiques proches des différents pouvoirs en place, des copains quoi, mais des copains prestigieux et capables. François Mitterand y fit rentrer ses amis Robert Badinter auréolé par l’abolition de la peine de mort et Roland Dumas ancien ministre des Affaires Étrangères qu’on devra faire partir plus tard du Conseil en raison de sa profonde implication dans le scandale de la compagnie pétrolière Elf-Aquitaine.
En 1962, le Conseil Constitutionnel présidé par l’ex-ambassadeur Léon Noël, un proche du général de Gaulle, et bourré d’autres gaullistes, saisi par le président du Sénat Gaston Monnerville, refusa de condamner le coup de force contre la Constitution de 1958 effectué par le général de Gaulle lors de l’affaire de l’élection du Président de la République au suffrage universel. Souvent, les décisions de ce Conseil sont empreintes de partialité et sont parfois influencées par la politique. On doit encore remarquer que jusqu’au jour d’aujourd’hui les citoyens français n’ont par le droit de saisir ce Conseil Constitutionnel pour défendre leurs droits par voie d’action ou même par voie d’exception, comme c’est le cas dans d’autres pays européens, l’Allemagne par exemple. Dans un autre ordre d’idées, il est interdit au Conseil Constitutionnel français de s’autosaisir d’une question, même devant une injustice, une violation de droits, un abus flagrants et révoltants.
Le Conseil Constitutionnel qu’on nous propose pourra-t-il être saisi par les citoyens pour défendre leurs droits ? Ce n’est pas sûr, car l’article 190 ter.5 proposé dit en son dernier alinéa : « La loi détermine les autres entités habilitées à saisir le Conseil Constitutionnel ». Ce Conseil pourra-t-il s’autosaisir ? Probablement pas.
Les pouvoirs de ce Conseil Constitutionnels sont à géométrie variable, flous et exorbitants. Même en cas d’une disposition légale déclarée inconstitutionnelle par ce Conseil, cette décision n’est pas « erga omnes » comme c’est le cas des Cours Constitutionnelles en Allemagne par exemple, mais le texte des amendements proposés dispose : « Si la disposition est déclarée inconstitutionnelle, elle est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil Constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil Constitutionnel détermine les conditions et les limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ». Cette dernière phrase est la porte ouverte à tous les abus.
Pour être membre de ce Conseil Constitutionnel il faut être :
a) un Magistrat ayant une expérience de dix (10) ans au moins …
b) un juriste de haut niveau, professeur ou avocat ayant une expérience de dix (10) ans au moins …
c) une personnalité de grande réputation professionnelle ayant une expérience de dix (10) ans au moins…
Nous voyons très bien, en vertu de cette dernière disposition, la nomination au Conseil d’un éminent citoyen comme M. Frantz Gérard Verret qui a si brillamment dirigé le C.E.P., ou même son élection par ses pairs comme président du Conseil Constitutionnel.
Dans le contexte haïtien, les décisions de cette nouvelle instance seront nécessairement partiales et influencées par la politique. Les dés sont pipés d’avance. Le Conseiller Constitutionnel haïtien qui rendrait une décision contre le Pouvoir Exécutif n’est pas encore né. Il faut regarder la réalité en face.
Il faut aussi considérer la possibilité bien réelle, compte tenu de nos hommes, où des membres du Conseil seront grassement payés, parfois avec des fonds de l’État, pour rendre une décision dans un sens ou dans un autre.
On pourra aussi les inviter au Palais National pour leur faire des mamours ou pour « leur expliquer la position du Pouvoir Exécutif sur une question ».
Parfois, il suffira que Président de la République leur fasse simplement risette pour qu’ils soient parfaitement éclairés.
Le peuple ne manquera pourtant pas de réagir contre des décisions iniques ou serviles de ce Conseil en dénonçant les « magouilleurs du Conseil Constitutionnel » et en demandant leur renvoi en bloc.
S’il n’obtient pas satisfaction, il attendra, mais à la plus prochaine commotion politique, il ira déchouquer lui-même tous les Conseillers et saccagera en prime le local du Conseil.
Voilà tout ce à quoi on se prépare !
À notre avis, l’existence d’un Conseil Constitutionnel dans le contexte politique haïtien tel que nous le connaissons, ferait plus de mal que de bien.
Le nouvel article 192 concerne la nomination des membres du Conseil Electoral Permanent, où les Assemblées Départementales ne jouent plus aucun rôle. Le principe d’une juste répartition départementale au sein du CEP est supprimé. En théorie désormais, selon le nouveau texte proposé, tous les membres du CEP permanent peuvent être par exemple du seul Département de l’Ouest, ou du seul Département du Sud. La clameur publique prête au Président actuel la tendance à ne pas beaucoup aimer la participation des Assemblées Départementales dans le choix des membres du CEP.
Les articles 206 et 206.1 traitant de la Commission de Conciliation sont supprimés. Il n’est un secret pour personne qu’en réalité on n’a jamais voulu de cette Commission qui aurait pu rendre beaucoup de services au pays et nous éviter depuis 20 ans bien des crises politiques. On supprime cette pauvre Commission de Conciliation avant même qu’elle ait pu fonctionner et faire ses preuves.
L’article 207.2 ajouté enjoint au Protecteur du Citoyen d’avoir une attention particulière pour les plaintes déposées par les femmes. (Rien qui n’aurait pu être fait par une simple loi).
L’article 211 proposé parle de la création d’un Organisme public chargé de la régularisation et du contrôle de qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique sur tout le territoire. (Rien qui n’aurait pu être établi par une simple loi).
Le nouvel article proposé remplace l’ancien article 211.
L’article 211 proposé supprime ainsi :
1.- La primauté de l’Université d’État Haïti sur les autres Universités du pays ;
2.- L’autorisation de fonctionner de ces dernières qui est jusqu’à présent subordonnée
à l’approbation technique du Conseil de l’Université d’État d’Haïti ;
3. La participation majoritaire haïtienne au niveau du capital des Universités
privées ;
4.- La participation majoritaire haïtienne au niveau du corps professoral ;
5.- L’obligation d’enseigner en langue officielle du pays (français / créole). On verra donc en théorie proliférer en Haïti des Universités privées dispensant leur enseignement en langues anglaise, allemande, russe, arabe ou japonaise.
Le nouvel article 217 proposé supprime le principe de la décentralisation des finances de la République déjà prévue par l’article 157 de la Constitution de 1889, supprimé par la première Occupation étrangère mais repris par la Constitution de 1987.
Le nouvel article 217 peut être inclus dans une loi.
Le nouvel article 218 proposé escamote le consentement des autorités départementales pour d’éventuelles contributions départementales. On ne voit pas trop la raison de ce changement. Le nouvel article 220 proposé concerne une nouvelle rédaction pour l’indexation des pensions sur le coût de la vie.
Une loi pourrait se charger de cela.
Le nouvel article 223 proposé n’apporte rien de nouveau. Son libellé pourrait être inclus dans une loi. Nous constatons cependant qu’il parle de la « Cour Supérieure des Comptes » et non plus de la « Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif », alors que le nom de cette Institution n’a pas changé.
Le nouvel article 227 proposé dit : « Le budget est voté par entité administrative suivant la classification établie par la Loi ».
L’article 227 de la Constitution qu’il se propose de remplacer dit ceci : « Le Budget de chaque Ministère est divisé en Chapitres et en Sections et doit être voté article par article ». Jugez vous-mêmes lecteurs !
Cette exigence nous vient de la Constitution de 1946 en son article 128 et a été reprise par les Constitutions suivantes 1950 (article 139), 1957 (article 145), 1964 (article 151), 1971 (article 154). Cette exigence disparaît dans la Constitution jeanclaudienne de 1983 mais elle a été rétablie par la Constitution de 1987. On veut maintenant la supprimer à nouveau. Voilà où le commentaire justificatif qui est prescrit par la Constitution de 1987 en son article 282 et qui devait accompagner la déclaration de révision aurait été fort utile pour nous éclairer.
L’article 227.1 est supprimé et avec lui une référence explicite au bonus à payer aux employés publics (13e mois) qui leur est garanti par la Constitution de 1987. Il y a une autre mention de ce 13e mois pour les fonctionnaires à l’article 35.1 auquel on n’a pas touché, mais elle est beaucoup moins claire. Les réformateurs ont-ils simplement oublié de supprimer cette disposition ?
L’article 227.3 change encore le nom de la « Cour des Comptes et du Contentieux Administratif » pour celui simplement de « Cour des Comptes ». (Quelle mouche les a piqués ?). Le délai de 15 jours au plus tard pour la soumission des documents financiers aux Chambres Législatives est supprimé et laissé à la loi.
L’article 228 proposé enlève le membre de phrase concernant « l’aperçu et la portion des fonds alloués pour l’année à chaque Ministère ».
Ici encore, le commentaire justificatif contenant « les motifs à l’appui » des amendements voulu par l’article 182 et qui n’a pas été voté, fait cruellement défaut pour renseigner les profanes que nous sommes sur les raisons de ce changement.
La suppression proposée de l’article 228.2 est une bonne chose, mais il semble de toutes façons qu’on trouvait dans la pratique un moyen de contourner cet article.
Cet article concernait la difficulté d’augmenter les traitements des fonctionnaires publics.
La suppression proposée de l’article 229 est moins innocente. C’était le seul endroit dans la Constitution où il était spécifiquement mentionné que les Chambres Législatives étaient les seules compétentes pour accorder la décharge aux Ministres. Cette mention passe donc délibérément à la trappe. C’est très grave.
Est-ce à cause d’intentions inavouées ou inavouables ? Ici encore le commentaire justificatif aurait pu nous éclairer.
Un article 234.1 est ajouté, faisant une distinction dans l’Administration publique entre l’Administration d’État et celle des Collectivités territoriales.
Le commentaire justificatif que les parlementaires dans leur hâte ont oublié de voter aurait pu encore ici nous éclairer.
Néanmoins, ne peut-on pas considérer qu’il vaut mieux qu’il y ait une seule Administration publique à l’échelle du pays ?
Deux articles 253.1 et 256.1 concernant l’écologie sont ajoutés. Ils pourraient figurer dans une loi sur l’Écologie.
Les changements affectant les articles 263, 264.1, 264.2, 265, 266, concernent exclusivement un changement d’appellation de l’Institution Militaire nationale de « Forces Armées d’Haïti » en « Armée d’Haïti ».
« Paris vaut bien une messe » aurait dit le bon roi Henri IV. Un changement d’appellation vaut bien une messe pourrions nous dire.
L’article 266 proposé au lieu d’énumérer les attributions de l’armée nationale qui demeurent les mêmes de a) à f), le fait de 1 à 6 désormais.
L’article 267.1 proposé raccourcit un peu le délai de séparation de service d’un militaire de « un (1) an avant la parution du délai électoral » à « un (1) an avant les élections ».
L’article 267.2 ne concerne que le changement de nom de « Forces Armées d’Haïti » en « Armée d’Haïti ».
L’article 267.3 proposé voit la suppression du second alinéa qui permettrait au militaire de recourir à un Tribunal administratif ou autre, en cas de séparation de service jugée arbitraire par lui. En quoi ce recours ouvert devant la Justice dérange-t-il ? Le commentaire justificatif qui est consubstantiel à la déclaration de révision mais qui n’a pas été voté aurait pu nous renseigner ici sur l’intention des réformateurs en supprimant cet alinéa.
De toutes façons, ce recours devant la juridiction administrative peut être prévu par la Loi sur les personnels militaires que le Parlement haïtien devra voter au moment de la réorganisation de l’Armée nationale en vertu de l’article 111 de la Constitution.
Au niveau des Dispositions transitoires de la Constitution de 1987, les suppressions d’articles proposées concernent des articles épuisés. Ainsi donc, les articles 285, 285.1, 286, 287, 288 qu’on se propose de supprimer sont des articles épuisés. On enfonce des portes déjà ouvertes. Ceci reviendrait à vouloir tuer un mort.
L’article 289 proposé prévoit l’établissement d’un Conseil Électoral Provisoire de 9 membres recrutés sur de nouvelles bases : des représentants du Secteur Public, des Partis Politiques et des Organisations de la Société Civile. Le nouvel article ne prévoit pas cependant les proportions au sein de ce nouveau Conseil Électoral Provisoire entre ses différentes composantes. Nous supposons qu’il s’agit de 1/3, 1/3, 1/3, mais ce n’est qu’une simple supposition de notre part.
Les suppressions des articles 291, 292, 293, 294 concernent également des articles transitoires épuisés.
Nous pensons cependant que les suppressions des articles 293-1 et 294 sont condamnables. Il vaudrait mieux laisser ces articles en place. Pour la pleine édification des lecteurs nous citons le texte de ces articles : « Article 293.1 : tout individu victime de confiscation de biens ou de dépossession arbitraire pour raison politique, durant la période s’étendant du 22 octobre 1957 au 7 février 1986 peut récupérer ses biens devant le Tribunal compétent.
Dans ce cas, la procédure est célère comme pour les affaires urgentes et la décision n’est susceptible que du pourvoi en Cassation ».
Une disposition similaire de la Charte Européenne des Droits est justement la cause pour laquelle le Président tchèque Vaclav Claus refusait de signer le Traité de Lisbonne réorganisant l’Union Européenne. Le Président Claus a fini par obtenir la dérogation sur cette clause qu’il exigeait pour son pays en échange de sa signature.
S’il avait signé le Traité sans la dérogation, cela aurait permis aux millions d’Allemands des Sudètes expulsés de Tchécoslovaquie à la suite des décrets de 1945 du Président Edouard Benes après la Seconde Guerre Mondiale, de récupérer les biens dont ils avaient été dépossédés lors de leur expulsion, en introduisant des actions devant des tribunaux tchèques. Avec la dérogation, ces actions sont irrecevables.
L’article 294 est d’une nature voisine et dispose : « Les condamnations à des peines afflictives et infamantes pour des raisons politiques de 1957 à 1986, n’engendrent aucun empêchement à l’exercice des Droits Civils et Politiques ».
De tels articles qui ont en plus de leur contenu juridique une haute valeur éducative et symbolique mériteraient de demeurer dans la Constitution.
Il est de même de l’article 297 dont on recommande aussi la suppression.
Cet article dont l’ossature consiste dans les mots suivants : « Toutes les Lois, tous les Décrets-Lois, tous les Décrets restreignant arbitrairement les droits et libertés fondamentaux des citoyens … sont et demeurent abrogés. », mériterait d’être conservé dans la Constitution.
Il vise de plus de manière non limitative quatre (4) textes, mais la liste est bien plus longue. Les Constituants de 1987 avaient recensés plus de 40 textes violateurs de droits qu’on ne pouvait pas énumérer tous dans la Constitution.
On peut remonter à des textes datant de l’époque de la première Occupation.
Des textes, comme les dispositions de la loi sur le divorce des étrangers du régime Duvalier qui violent de manière flagrante les droits fondamentaux du conjoint haïtien dans le cas d’un couple mixte, alors que le Législateur haïtien se devait plutôt de protéger son national, tombent aussi sous le coup de cette disposition particulière de la Constitution de 1987. D’une manière plus large, l’article 297 dans son esprit interdit au Législateur de faire des textes « restreignant arbitrairement les droits et libertés fondamentaux des citoyens ». La Constitution de 1987 est très sensible au respect scrupuleux des libertés publiques et ce souci se traduit aussi dans l’article 297 qui a une forte charge symbolique.
La suppression de cet important article 297, allant dans la ligne de l’autoritarisme, était déjà dans le Rapport de la Commission Moïse et semble avoir échappé à l’attention des parlementaires qui ont négocié avec le Président Préval dans cette séance marathon au Palais National le 14 septembre 2009.
Le nouvel article 298 proposé établit que la Constitution amendée entrera en vigueur à l’installation du futur Président de la République, le 7 février 2011, ce qui est conforme à la lettre de l’article 284-2, de la Constitution de 1987 qui dispose : « L’amendement obtenu ne peut entrer en vigueur qu’après l’installation du prochain Président élu.
En aucun cas, le Président sous le gouvernement de qui l’amendement a eu lieu ne peut bénéficier des avantages qui en découlent ».
Résumé
Les amendements proposés par la déclaration de révision nulle du 14 septembre 2009 / 6 octobre 2009 peuvent se résumer de la manière suivante :
1.- Des amendements qui recommandent des modifications de notre droit de la nationalité. Nous avons démontré que la plupart de ces changements peuvent être obtenues dans l’état actuel des textes de la Constitution de 1987. Une loi sur la nationalité votée en vertu de l’article 10 de la Constitution pourrait organiser le cumul de nationalités, octroyer le jus soli à la naissance, assimiler les Haïtiens de naissance aux Haïtiens d’origine sauf pour les 4 fonctions spécifiquement prévues pour ces derniers par la Constitution (Président, Premier Ministre, Sénateur, Député), en attendant une révision constitutionnelle réalisée dans les normes.
2.- Tous les mandats électifs ramenés à 5 ans et le principe d’élections générales tous les cinq ans. Nous allons faire un commentaire final sur ce point des amendements proposés, car il nous paraît le plus nuisible parmi les changements envisagés.
3.- Le renforcement des pouvoirs du Président de la République avec un amoindrissement symétrique de ceux du Parlement dans le choix du Premier Ministre.
4.- L’élimination des juges de la Cour de Cassation comme potentiels présidents provisoires de la République.
5.- Le changement de nom de « Forces Armées d’Haïti » en « Armée d’Haïti » pour l’institution militaire nationale.
6.- La création d’un Conseil Constitutionnel qui est une chose à double tranchant et qui mérite d’être davantage discutée.
Rien qui ne puisse être mis dans des lois ou qui ne puisse attendre une future révision constitutionnelle faite dans les normes. On ne voit pas là des amendements indispensables ou urgents. On ne voit pas là des amendements destinés à servir la Communauté ou à améliorer la Constitution. Cette déclaration de révision nulle contient encore des choses politiquement inacceptables qui doivent être combattues.
Relativement à l’échelonnement des élections, ce qui est le point qui semble intéresser plus que tout nos partenaires étrangers qui financent à grands coups de millions nos élections périodiques d’ailleurs le plus souvent frauduleuses, est l’argument financier qui a été avancé par le pouvoir en place pour justifier sa solution de 5 ans. Cette argumentation ne résiste pas à l’analyse. De prime abord, l’argument de faire des économies semble bon, mais la démocratie avec ses élections a un coût qu’il faut assumer.
Les avantages d’élections échelonnées sur des élections générales l’emportent largement. Ils sont les suivants :
- - possibilité de consulter le corps électoral plus souvent ;
- - impossibilité de réaliser des élections générales frauduleuses qui permettraient à un parti malhonnête de rafler d’un seul coup tous les postes. Le plus bel exemple est celui des élections frauduleuses du 22 septembre 1957 qui ont permis à Duvalier et à ses séides de s’emparer de l’ensemble de l’appareil d’État : 1 Président, 21 Sénateurs, 37 Députés moins un, toutes les mairies.
On a vu le résultat : 29 ans de dictature.
Il faut éviter absolument que cela n’arrive à nouveau.
- Les élections séparées permettent de rectifier le tir. On ne peut pas tout voler d’un seul coup. Nous venons de le voir. Les dernières sénatoriales ont été partiellement frauduleuses. La pression de l’opinion a fait partir M. Frantz Verret, et pour les législatives et le prochain tiers du Sénat, électeurs, partis politiques, candidats, observateurs nationaux et internationaux seront plus vigilants.
- Des élections rapprochées permettent de donner espoir à l’opposition en la rendant plus encline à attendre des échéances électorales toutes proches et moins encline à recourir à la violence et aux moyens illégaux. L’espoir fait vivre dit le vieux dicton.
- Le renouvellement par tiers du Sénat a un aspect technique. Tous les Sénats haïtiens se sont renouvelés par tiers de 1806 jusqu’à 1928. Le Sénat américain se renouvelle par tiers tous les deux ans, comme le nôtre. Le Sénat français, jusqu’à un passé très récent s’est renouvelé par tiers lui-aussi (actuellement par moitié, mais non intégralement).
Le nombre de trois sénateurs par département a été choisi en fonction de ce renouvellement bisannuel du Sénat, permettant de remettre en jeu à chaque élection périodique un siège de sénateur par département.
Le mandat du Président de la République est de cinq ans, celui du sénateur est de six ans. Il est plus long. Un sénateur élu à la même époque que le Président de la République sera encore sénateur pour un an alors que le président aura quitté le pouvoir.
- D’autres sénateurs élus pendant le mandat de ce président seront encore sénateurs alors que le président aura quitté le pouvoir depuis longtemps.
Ce mode de renouvellement par tiers du Sénat évite des changements politiques trop brusques au niveau de la haute Assemblée et il renforce l’indépendance et la force des sénateurs. Madame Michèle D. Pierre-Louis en a fait l’expérience à ses dépens. Tout en restant stable, un Sénat qui a reçu du sang neuf après un renouvellement partiel a plus de punch et plus d’enthousiasme, en même temps que les collègues plus anciens tempèrent l’ardeur des nouveaux venus. La Chambre des Députés se renouvelle elle intégralement. Toutes ces élections n’ont pas la même portée et la même signification.
Les élections tous les cinq ans augmentent dangereusement les possibilités pour un seul parti politique de s’emparer en totalité de l’appareil d’État et de s’y maintenir en réalisant tous les cinq ans une seule ronde d’élections frauduleuses à tous les niveaux. Il ne fera pas une si bonne affaire, parce qu’avec le temps, les citoyens se lasseront de sa présence, se mobiliseront et recourront à la violence. Un autre régime surgira de ce mouvement et il aura tôt fait de s’emparer de l’appareil d’État et de s’y maintenir contre vents et marées, au moyen d’élections générales frauduleuses organisées tous les cinq ans. Et le même manège recommencera. Et le même cycle infernal des gouvernements illégitimes se maintenant au pouvoir par des moyens frauduleux recommencera. C’est ce que les Constituants de 1987 ont voulu éviter en choisissant la solution des élections échelonnées. Le droit de vote ne s’use que quand on ne s’en sert pas. On est resté 29 ans sans élections sous Duvalier. On a vu le triste résultat. Avec le nouveau système proposé, pendant cette période, on n’aurait eu que six (6) élections générales.
Avec le changement proposé concernant les élections, le risque qu’un seul secteur s’empare de l’appareil d’État, s’y maintienne et le monopolise est énorme dans le contexte haïtien actuel. Depuis la seconde occupation, nous n’avons jamais encore connu l’alternance démocratique. Or, c’est justement cette alternance démocratique paisible qui est le vrai test de la réussite d’une transition démocratique. En effet, depuis que les Américains ont envahi notre pays pour la deuxième fois, c’est un seul et même secteur politique qui accapare le pouvoir, le plus souvent au moyen d’élections frauduleuses : 1995, 1997, 2000, 2009.
Quand c’était un autre secteur qui était au pouvoir, on n’était pas mieux loti, car des sénatoriales frauduleuses furent organisées le 18 janvier 1993. On ne doit pas prendre cette chance avec les voleurs d’élections et leur faciliter la tâche en leur permettant de s’emparer d’un seul coup tous les cinq ans de tous les postes électifs, ce qui sera bien plus facile avec le système proposé qu’avec le système actuel. Les prétendus réformateurs savent très bien ce qu’ils font en se préparant une période plus longue et plus confortable dans l’appareil d’État sans avoir à repasser trop souvent devant les électeurs. Quand les échéances électorales sont échelonnées, il y a une meilleure décantation au niveau du personnel politique et ceci empêche les voleurs d’élections de toutes tendances politiques de voler un maximum de choses en seul coup.
Aux États-Unis, les élections ont lieu avec une régularité d’horlogerie tous les deux ans au niveau fédéral et local. Quand on y ajoute certaines élections locales, la fréquence de ces élections est encore plus courte. En République Dominicaine, dont le Président au mépris des convenances internationales, se fait l’avocat de réformes constitutionnelles en Haïti pour instaurer un système électoral différent, les élections depuis 1996 ont lieu tous les deux ans, alternées entre législatives et présidentielles.
On s’interroge sur l’utilité pratique des amendements. On ne voit pas où les amendements proposés présentent un caractère impératif ou urgent. On ne voit pas où ces amendements contribueront à améliorer la Constitution de 1987 ou bien à rendre son fonctionnement plus harmonieux. Il faut attendre avant de modifier la Constitution si elle doit être modifiée.
Nous pensons que les amendements proposés par la Déclaration nulle du 14 septembre 2009 / 6 octobre 2009 peuvent représenter une base de départ pour une réflexion constitutionnelle sérieuse, non passionnelle, mené par des gens de l’art et à laquelle tous les citoyens pourront participer, et qui devrait conduire à un processus d’amendement effectué selon les normes constitutionnelles et selon les principes du droit, à initier par la 49e Législature et à réaliser par la 50e Législature.
En aucun cas, la 49e Législature n’a le droit de travailler sur une Déclaration de révision nulle. Des amendements constitutionnels intempestifs, bâclés et mal fagotés ne feront aucun bien au pays. Personne n’y gagnera, nous sommes absolument clair sur ce point. Nous tenons à lancer aux parlementaires de la 49e Législature à venir un avertissement solennel qu’ils n’ont aucun intérêt à travailler sur une déclaration de révision nulle. Une déclaration nulle, on ne peut rien en faire, on doit tout simplement la mettre de côté. Il est trop tard pour la sauver. Tous les réformateurs sont actuellement forclos.
Quand le pouvoir politique avec lequel ces parlementaires se seraient compromis aura disparu, ces députés et sénateurs complaisants auront des comptes à rendre à la Nation et ils tomberont sous le coup des articles 21 et 21-1 de la Constitution qui assimilent le crime contre la Constitution à une haute trahison et qui disposent :
« Article 21. – Le crime de Haute Trahison consiste en toute violation de la Constitution par ceux chargés de la faire respecter.
Article 21.1.- Le crime de Haute Trahison est puni de la peine des Travaux forcés à perpétuité sans commutation de peine ». À eux de choisir.
De plus ils doivent bien comprendre que des amendements frauduleux obtenus frauduleusement à partir d’une déclaration frauduleuse ne seront reconnus par personne et seront un jour balayés. La Constitution a quelques problèmes certes, mais il faut les régler à tête reposée, dans la concertation et le dialogue, non dans la politique du fait accompli. Il ne faut pas lancer le pays dans une aventure politique, pour vouloir essayer de les régler unilatéralement à sa manière. On ne comprend pas vraiment quel est l’enjeu des amendements proposés.
Ces amendements connaîtront le sort de la Constitution de 1918 qui nous fut imposée manu militari. Dès que les troupes d’occupation auront le dos tourné, le pays sera plongé dans une crise institutionnelle et politique majeure, probablement plus terrible que toutes celles que nous avons connues depuis 1986.
On pourra dire adieu pour longtemps à la stabilité politique qui est si chère au Président René Préval. Tout le monde perdra. Ce ne sera pas profitable au pays et ce n’est pas dans cette direction qu’il faut aller.
En cette matière de révision de la Constitution de 1987, le pouvoir en place n’a pas su convaincre les citoyens de la pureté de ses intentions ni de la justesse des amendements constitutionnels qu’il proposait. Nous sommes le premier à le regretter.
Dr Georges Michel
Ancien Constituant de 1987