It is during our darkest moments that we must focus to see the light

Mwen se echantiyon yon ras kap boujonnen men ki poko donnen

Si vous voulez vous faire des ennemis essayer de changer les choses

Wednesday, November 23, 2011

Senat d'Haiti: Rapport de la Commission Spéciale d’Enquête sur l’Arrestation du Député Arnel Bélizaire


Introduction

Haïti est un État souverain, indépendant, libre et démocratique. Elle est constituée de trois pouvoirs :

ü l’Exécutif, chargé de veiller au respect et à l’exécution de la Constitution, à la stabilité des Institutions et à la continuité de l’État;

ü le législatif qui a pour mission de rédiger les lois de la République (légiférer) et de contrôler l’action gouvernementale.  Il est formé du Sénat et de la Chambre des Députés;

ü  le Judiciaire dont la mission est de donner la justice à qui elle est due, sans distinction de race, de classe et de religion.

Ces trois pouvoirs sont appelés en toutes circonstances à cohabiter, à vivre ensemble pour sauvegarder la souveraineté de la nation, favoriser le bien-être du peuple et garantir la sécurité des vies et des biens.

Mise en Contexte

Le jeudi 27 Octobre 2011,  entre 17h45 et 18h, différentes unités de la Police Nationale d’Haïti, accompagnées par des troupes de la MINUSTAH mobilisées pour la circonstance, ont procédé à l’arrestation du député en fonction, l’Honorable Arnel Bélizaire, représentant de la circonscription Delmas-Tabarre .  Les rumeurs qui circulaient depuis tantôt une semaine se sont enfin concrétisées.  Le député appréhendé a été conduit à la prison civile de Port-au-Prince,  le Pénitencier National et   y est resté toute une nuit. Il a été déposé  le lendemain après-midi, sur la cour des locaux de la Chambre des députés, sans autre forme de procès.

Cet acte a causé l’émoi au sein de la communauté parlementaire.  Il a suscité la réprobation de la société haïtienne  et a valu à la République les vertes remontrances des nations amies.  Une vague de confusion entoure l’arrestation du député.  Personne ne semble en mesure d’expliquer de manière convaincante les raisons qui ont porté un officier du ministère public à faire procéder à l’arrestation du député, acte qui selon toute évidence est en violation systématique de la Constitution et des lois haïtiennes en vigueur. Il n’a pas été non plus possible de déterminer, en dehors du Commissaire du Gouvernement, qui sont les autres responsables  du gouvernement et/ou de l’Etat impliqués dans cette affaire.  Le Sénat de la République d’Haïti, s’est donc retrouvé dans la situation  d’exercer ses prérogatives constitutionnelles en se proposant d’identifier les causes profondes à la base de ce dysfonctionnement des structures de l’État afin d’éviter que cela se reproduise dans le futur et de demander des comptes à tous membres du gouvernement ou tous fonctionnaires de l’État ayant à un titre ou à un autre  une responsabilité  dans cette affaire.

Composition de la Commission

A la séance d’interpellation du Ministre de la Justice, Me. Josué Pierre-Louis et du Secrétaire d’État aux Affaires Étrangères, Monsieur Michel Pierre Brunache, des sénateurs se sont rendus compte d’une  carence d’information autour  des événements liés  à l’arrestation du député. Aussi, sur une proposition du sénateur Riché Andris, notamment appuyée par les  sénateurs  Jean William Jeanty et Joseph Lambert,  l’assemblée du Sénat a décidé et voté la création d’une commission chargée d’enquêter sur le dossier de l’arrestation du député en fonction, l’Honorable Arnel Belizaire. La Commission sénatoriale ainsi formée est  composée des Honorables sénateurs suivants:
1-    Jean William Jeanty, Président 
2-    François Anick Joseph, Rapporteur
3-    Riché Andris, Membre
4-    Dieuseul Simon Desras, Membre
5-    Joel Joseph John, Membre

Méthodologie

La Commission, une fois constituée, a établi un calendrier de travail reparti sur un intervalle de 10 jours ouvrables. Elle a dressé une liste de personnalités à auditionner en vue d’éclairer sa lanterne autour de cette affaire. Elle a fait des auditions des personnes concernées la clé de voute de sa démarche. Aussi, a-t-elle adopté la méthode boule de neige consistant à collecter des informations d’une personne et des suggestions sur d’éventuels témoins ou responsables ayant des informations susceptibles de permettre à la Commission de faire la lumière autour du dossier. L’on devra dès lors comprendre que la liste des personnes à auditionner ne se limitera point  à  celle initialement dressée par la commission, seule compétente de décider de la fin de la période des auditions, de l’insuffisance ou de l’abondance des informations collectées avant de former sa conviction ou de dresser un rapport à l’assemblée du Sénat.

Les Faits

1.     Le mercredi 12 Octobre 2011, se tenait une réunion au Palais National. Cette rencontre réunissait des membres du gouvernement dont le Premier Ministre, le Président de la République et des députés du fameux Groupe 58 négociant avec l’exécutif les conditions de facilitation du vote positif de la déclaration de politique générale du premier ministre, M. Gary Conille .  Au cours de cette rencontre, une vive altercation a opposé le président de la république, M. Michel Joseph Martelly au député de la circonscription Delmas-Tabarre, M. Arnel Bélizaire. Les députés témoins de la scène ont rapporté avoir assisté à des échanges injurieux et orduriers entre le président et le député.  Ils ont aussi relaté que le président aurait à un moment de la discussion, proféré des menaces de mort contre le député Bélizaire qui a gardé le silence aux minutes de pointe de ses débordements. Des agents affectés à la sécurité du président aurait, de leur côté, fouillé systématiquement le véhicule du député, à sa sortie du Palais National.

2.     Dans les jours suivants, soit le 14 Octobre 2011, le président de la république, avant de prendre l’avion à destination de la république dominicaine, a encore émis, sans faire expressément mention du député, des menaces à peine voilées à l’égard de personnes qu’ils qualifient de criminels fugitifs, évadés de prison et de repris de justice en mal d’immunité ayant trouvé refuge au Parlement Haïtien, suite au désordre créé par le Conseil Électoral Provisoire (CEP), dans le cadre de la réalisation des dernières élections.

3.     Quelques jours plus tard, soit le mercredi 19 Octobre 2011, le nouveau ministre de la justice, Me. Josué Pierre-Louis, a précisé dans son discours d’investiture un nouveau rôle désormais assigné à son ministère.  Selon ses déclarations, en plus des tâches de formulation de la politique du gouvernement en matière de justice, de sécurisation des vies et des biens, d’organisation des parquets, cours et tribunaux de la république, etc. son ministère jouera le rôle de conseiller juridique à la disposition du gouvernement.

4.     Le mercredi 19 Octobre 2011, le commissaire du gouvernement, Me. Félix Léger, a adressé une correspondance au président de  la chambre des députés, l’Honorable Sorel Jacinthe, lui demandant de mettre à la disposition de la justice haïtienne le député de la circonscription Delmas-Tabarre, M. Arnel Belizaire pour qu’il soit entendu par la justice autour d’un dossier sur lequel travaille le Parquet de Port-au-Prince.

5.     Le samedi 22 Octobre 2011, le commissaire du gouvernement s’est rendu à la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) en vue de s’entretenir avec le directeur de  cette institution sur les modalités de recherche, d’appréhension et de déposition  à la prison civile de Port-au-Prince de dix personnes en contravention avec la justice.  Au cours de l’entretien, le commissaire du gouvernement a remis au directeur de la police judiciaire un document de trois (3) pages incluant   une requête, une liste mentionnant les noms des personnes à appréhender et la reproduction sur papier  de trois (3) photographies. Dix noms  dont celui d’un député en fonction, répondant au nom de Arnel Bélizaire figuraient sur la liste ; Parmi les photos recopiées, se trouvait également celle du député. Le directeur de la police judiciaire a fait valoir des réserves quant  à la faisabilité d’une telle action étant donné que l’accusation ne semblait pas tellement fondée et qu’elle concernait une personnalité importante. Face à l’intense interrogatoire du directeur de la DCPJ, M. Godson Aurelus, autour de l’exécution de cette requête, le commissaire du gouvernement a jugé bon de  reprendre le document et de s’en aller. 

6.     Cependant, depuis la soirée du samedi 22 Octobre 2011, des informations circulaient déjà dans différents organes de presse (radio, télévision, journaux, internet, etc.) sur l’arrestation imminente du député.

7.     Le mardi 25 Octobre 2011, au cours d’une réunion avec le directeur général de la Police Nationale d’Haïti (PNH), M. Mario Andrésol, le directeur de la DCPJ reçoit un appel de son chef de cabinet, Monsieur Francene Moreau, l’informant que la même requête de samedi a été envoyée de nouveau.  Le directeur se donne la peine d’appeler le commissaire du gouvernement pour lui demander si les dossiers autour de l’affaire étaient corrects et s’il fallait procéder à l’arrestation. Tout en soulignant qu’il était le seul maître de l’action publique, le commissaire du gouvernement a clairement signifié au directeur de la DCPG qu’il n’avait aucun autre choix que d’exécuter son ordre.  

8.     Le directeur de la DCPJ s’entretint avec le directeur général de la PNH sur la délicatesse et la faisabilité de l’arrestation du député en question.

9.      Le 26 Octobre 2011, s’est tenue au palais national une réunion sur la question de la sécurité nationale notamment dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Plusieurs membres du gouvernement ainsi que les responsables de la police ont attesté de la tenue de cette réunion. L’adoption d’une stratégie à l’encontre de la vague d’insécurité ayant récemment déferlé sur le pays tout entier et la capitale en particulier a été le point à l’ordre du jour de cette rencontre.   Différents témoignages notamment celui du ministre des affaires étrangères qui est arrivé au palais national quelques dix  minutes avant la fin de la réunion afin de remettre au premier ministre une feuille de route sur son voyage prévu le lendemain matin au Paraguay ont été dans le sens d’une préservation de la stabilité du pays.

10.  Tôt dans la matinée  du jeudi 27 Octobre 2011, , des unités spécialisées de la police nationale d’Haïti ainsi que des policiers affectés au commissariat de l’aéroport assistés des polices militaires de la MINUSTAH ont été déployés le long des routes menant a l’aéroport de Port-au-Prince et également devant l’aéroport jusqu'à  l’entrée communément appelée porte 7. Les riverains et autres passants ont pu s’étonner de l’intense déploiement de la police nationale aux abords de l’aéroport. Certains estiment qu’environ un tiers de l’effectif de la PNH était déployé  pour l’opération Mais Gâté.

11. Ce même jeudi 27 octobre 2011, les medias de la capitale regorgeaient d’informations sensationnelles quant à l’arrestation imminente du député Arnel Belizaire. Celui-ci devait rentrer de France dans l’après-midi, via Pointe-a-Pitre sur un vol de la Air Caraïbes.

12.  Vers 14heures 30, on annonce au Directeur général de l’aéroport, M. Pierre André Laguerre, que le directeur de la DCPJ, M. Godson Aurelus est là et veut le voir. Il le fait entrer. Monsieur Aurélus explique à Monsieur Laguerre que ses hommes (DCPJ) vont procéder à l’arrestation du député Arnel Belizaire. Monsieur Laguerre suggère au directeur de la DCPJ de procéder autrement soit en laissant le député se rendre au salon diplomatique et que de là on pourrait discrètement procéder à son arrestation. Mais la DCPJ s’entête à faire comme  elle a déjà planifié. A sa sortie du bureau de Monsieur Laguerre, le directeur de la DCPJ  se rend au salon VIP de l’aéroport. Ce fait est attesté par Monsieur Louis Volel, chef de service de la sûreté de l’aéroport.

13. Sur la piste de l’aéroport, un certain Samuel Moreau qui est le frère du directeur de cabinet du directeur de la DCPJ s’affaire. Il est tantôt à la radio tantôt au téléphone. Il passe des ordres et positionne des agents qui  semblent travaillés sous son contrôle. Il parait n’avoir aucun titre officiel ni à l’aéroport ni à la DCPJ.

14.  Au même moment, le commissaire du commissariat de l’aéroport, M. Justin Marc et le président du sénat, l’Honorable Jean Rodolphe Joazile s’amènent et prennent place au pied de l’échelle servant au débarquement de l’avion.

15.   =Il est près de 17 heures et le directeur  de la sûreté de l’aéroport, M. Serge Simon, revient d’une rencontre à l’OFNAC avec les responsables de ladite institution et les évaluateurs de l’OACI qui avaient dans la matinée visité l’aéroport du Cap Haïtien en construction. Il reçoit un appel de Monsieur Yvon de Castro, responsable de Air Caraïbes en Haïti. Celui-ci s’inquiète de la possibilité pour le commandant de bord de dresser un rapport contre l’aéroport Mais Gâté. Il suggère que l’arrestation ait lieu en un autre endroit. Monsieur Simon fait part à Monsieur Moreau des inquiétudes de Monsieur De Castro. Celui-ci poursuit sans broncher. Monsieur Simon en parle aux agents du BRI et ceux-ci rétorquent ne recevoir d’ordre que de leur supérieur hiérarchique. Il en parle à nouveau à Monsieur Moreau qui appelle la DCPJ : réponse négative. Monsieur Simon essaie à nouveau de dissuader les agents du BRI: nouvelle réponse négative. Monsieur Simon  part finalement parler au commissaire Justin qui pour toute réponse lui explique que tout était déjà prêt pour l’opération.

16.Vers 17h45, l’avion de la Air Caraïbes atterrit à  l’aéroport de Port-au-Prince. Le tarmac de l’aéroport regorge déjà d’agents en uniforme tout comme de citoyens en tenue civile qui semblent faire partie de l’opération Mais Gâté. Les agents de la DCPJ et autres agents du SWAT Team, du BRI, et les gens en tenue civile étaient armés sur la piste de l’aéroport sans qu’ils soient munis du badge rouge qui donne accès aux gens armés sur la piste de l’aéroport. Ils s’approchent de l’avion.

17.                       Un véhicule arrive en trombe devant la porte d’entrée de la salle de départ #2. Du véhicule sautent le ministre de l’intérieur et d’autres individus pressés qui s’engagent dans l’entrée sans aucune formalité ni même réclamer une carte d’accès, ce à quoi a droit le ministre. Ils bousculent tout sur leur passage : d’abord l’agent Jackson Desgazon qui se trouvait dans l’entrée, ensuite Ralph Lazarre qui a essayé de s’interposer à eux au poste de filtrage #1. Là, c’est le ministre lui-même qui l’aurait frappé. Ils passent l’immigration et arrivent au deuxième poste de filtrage et traversent sans s’arrêter jusqu’à la porte donnant sur la rampe. Des policiers en uniforme affectés à la sûreté de l’aéroport venaient de passer par cette porte. Au moment où l’agent Fritz Dorcé (qui y était posté selon le vœu du manuel de sûreté de l’aéroport) allait la refermer, la porte est bloquée par quelqu’un qui en même temps lui sert un coup de pied. Le directeur de la sûreté est immédiatement informé de l’incident par le superviseur général, Monsieur Lesly Gustave.

18.                       Entre temps, le nombre de policiers et d’autres gens sans uniforme présents sur la piste augmente considérablement au point où le ministre de l’intérieur a  lui-même déclaré avoir vu près de mille personnes sur la piste.

19.                       Les opérations de débarquement ont commencé et le député Bélizaire paraît être le douzième ou le treizième passager à descendre de l’avion. Au bas de l’échelle qui conduit de l’avion sur la piste, le député Bélizaire a eu un bref entretien avec le sénateur Joazile à la fin duquel il remet son passeport et son sac au sénateur. Il s’apprêtait à suivre le sénateur Joazile qui l’avait invité à prendre place à bord de son véhicule quand quatre agents de SWAT Team et des agents de la DCPJ (dont certains étaient encagoulés) s’interposent et lui font signe de monter à bord d’un autre véhicule, un tout terrain pickup de couleur rouge appartenant a la police nationale. Alors, le directeur de la sûreté de l’aéroport qui se trouvait à quelques six mètres de là entend le député dire :«Messieurs, relax !» Il prend place dans le siège arrière du véhicule de la police au milieu de deux agents de SWAT tandis que deux autres agents de SWAT prenaient place à l’avant dont un au volant.

20.                       Le député ayant été appréhendé, le convoi sort de la piste par la porte donnant sur la SONAPI. Il part en direction du centre ville par la route de l’aéroport via l’ancienne piste de l’aviation militaire et la route du Bicentenaire. Arrivé sur la piste, le député a demandé aux agents ou ils le conduisaient ;  ils ont répondu qu’ils ne savaient pas. Sur la route du bicentenaire, au niveau de l’ambassade du Vénézuela, il a à nouveau formulé la même question   et les agents ont répondu qu’ils ne savaient toujours pas.  Soudainement, le convoi s’est arrêté et un des agents a eu différentes communications avec quelqu’un d’autre. A la fin de cette conversation, ils ont redémarré et ont pris la direction de la Rue du Champs de Mars. A ce moment, le député a compris qu’on le conduisait à la prison civile de Port-au-Prince.

21.                       A la prison civile, les officiers de l’APENA ont refusé d’admettre le député étant donné qu’il n’y avait eu aucun dossier le concernant comme évadé de prison, et qu’en plus il n’y a eu aucun ordre de dépôt. Le député a dû passer la nuit au greffe de la prison, les responsables ont accepté que des membres de sa famille lui apportent matelas et couverture pour la nuit.
22.                       Un peu après 19 heures, le Premier ministre  a été au pénitencier national rendre visite au député. Il lui a parlé quelques minutes. Avant de repartir vers les 20 heures, le premier ministre a tenu à faire remarquer aux agents de l’APENA qu’ils avaient  sous leur responsabilité un député en fonction et qu’il fallait le traiter avec toute la considération  dûe à son statut.

23.                       Comme le député a avait passé la plus grande partie de la nuit au téléphone avec des travailleurs de la presse, , on est venu le lendemain vers les dix heures lui confisquer son téléphone, sur ordre du commissaire du gouvernement.

24.                        Le vendredi 28 Octobre 2011, le député est transféré de la prison civile à la chambre des députés vers 14h, sans autre forme de procès.


Témoins et Acteurs de l’Événement
(Auxquels la nation devrait demander des comptes)

Ce qui ressort de l’analyse  des témoignages enregistrés à l’occasion des auditions tenues au sénat de la république, ’il ne s’agissait pas en ce jeudi 27 octobre 2011 d’une simple opération de police consistant en l’arrestation d’un citoyen haïtien recherché par la justice haïtienne. Il s’agissait plutôt d’une opération où sont mobilisées presque toutes les unités spécialisées de la police nationale d’Haïti, les forces de police militaire de la MINUSTAH, la police administrative cantonnée à l’aéroport, des membres du gouvernement, de hauts fonctionnaires de l’administration publique, et aussi de simples employés de l’Etat haïtien. Dans beaucoup d’étapes du processus sont intervenus des individus qui vraisemblablement ne remplissent aucune fonction connue dans l’appareil d’Etat.

Qui sont-ils les acteurs impliqués dans cette affaire ?

I.                         Il s’agit en tout premier lieu du commissaire du gouvernement, Monsieur Félix Léger, celui par qui le scandale est arrivé. Il est le maitre de l’action publique. Il décide de poursuivre ou non. Mais a-t-il agi seul ? Bon nombre  de personnes qui ont déposé par devant la commission le prétendent. Mais on y reviendra plus tard. Pour l’instant, il ne s’agit que de présenter les personnes impliquées dans l’affaire.

II.                      Ensuite vient le ministre de la justice, Monsieur Josué Pierre-Louis qui exerce une tutelle sur le commissaire du gouvernement. Il est garant du bon fonctionnement du système judiciaire. Les performances positives ou peu recommandables d’un commissaire de gouvernement le concernent au premier chef. Il a été informé de la démarche du commissaire du gouvernement dès le 20 Octobre 2011 (correspondance au président de la chambre des députés) et a suivi l’affaire jusqu’à son dénouement le 27 Octobre 2011.

III.                   Le premier ministre, Monsieur Gary Conille qui a la responsabilité de veiller à la bonne marche du gouvernement. Il a la responsabilité de l’exécution des lois de la république et veille au respect de ces mêmes lois. Il déclare avoir été tenu à l’écart de toutes les démarches et du ministre et du commissaire. D’ailleurs, il ne pourrait aucunement s’immiscer dans une action de justice entreprise par un commissaire d’autant qu’il a été menacé d’obstruction à la justice, par le ministre de la justice, le jour de l’arrestation.

IV.                   Le ministre de l’intérieur, Monsieur Thierry Mayard-Paul qui a été impliqué au plus haut point dans l’affaire. M. Paul a des amis à la chambre des députés .   Ceux-ci l’avaient contacté pour obtenir de lui qu’il intervienne pour empêcher au gouvernement de plonger tête baissée dans l’illégalité.  M. Paul a même tenté de parler au député alors que celui-ci était en France pour le dissuader de revenir au pays. Il a même consenti un déboursement personnel afin de permettre au député de rester quelque temps encore en dehors du pays et prévenir l’arrestation. De plus, c’est en sa présence qu’a eu lieu la scène  où le président et le député se sont rivalisés dans la profération d’obscénités. Il était également témoin de la rencontre ou des sénateurs et des députés ont rencontré le président de la république afin de trouver une entente sur un possible abandon du projet d’arrestation du député.

V.                      Le directeur de la DCPJ, Monsieur Godson Aurélus, qui a posé mille questions au commissaire du gouvernement à la réception de la requête sur la faisabilité de l’arrestation. Alors comment expliquer son entêtement à exécuter cette requête le jour du jeudi 27 octobre 2011 et aussi sur la piste de l’aéroport malgré les tentatives de dissuasion du directeur général de l’AAN et du directeur de la sûreté de l’aéroport ? N’est-il pas tenu de discerner la faisabilité d’une action ? Le lieu et la date de l’exécution d’un ordre de justice ? Au pire comment interprète-t-il le texte de l’article 8 du manuel de la police qui l’interdit d’obéir à un ordre manifestement illégal ? S’il ne lui est pas donné d’interpréter un ordre de justice, il est tenu par contre de chercher à comprendre si et quand un ordre est illégal ou manifestement illégal ?

VI.                   Le directeur général de la police, Monsieur Mario Andrésol, qui a été immédiatement consulté sur un ordre reçu par son subalterne de la DCPJ. Le directeur de la DCPJ n’est pas obligé de consulter le directeur général sur un ordre reçu d’un officier du ministère public. Généralement, il exécute les ordres reçus et ne fait appel au directeur général que s’il a besoin de ressources dont il ne dispose pas comme par exemple argent et unités spécialisées. Si le directeur de la DCPJ avait cru bon de consulter immédiatement le directeur général, c’est justement parce que celui-là avait compris qu’il s’agissait d’un dossier sensible et délicat qui méritait la sagesse de l’analyse. De plus, le déploiement extraordinaire des forces de police le jour du 27 octobre 2011 témoigne de l’appréhension par les responsables de la police du caractère hautement explosif de l’ambiance créée par une telle décision.

VII.          Le secrétaire d’état à la sécurité publique, Monsieur Réginald Delva, qui avant d’accéder à ce poste était conseiller du président. Il est chargé d’évaluer les conditions qui peuvent être considérées comme génératrices de sécurité ou comme menaces à la sécurité. Même s’il ne pouvait agir en sa qualité de secrétaire d’état, il était tenu en sa qualité de conseiller du président d’intervenir sur la question pour empêcher à la nation de se trouver dans cet immense embarras. Mais il n’a rien fait sous le fallacieux prétexte qu’il n’avait pas encore été installé comme secrétaire d’état et qu’il n’avait pas encore vraiment pris les commandes.

VIII.       Le directeur de l’Autorité Aéroportuaire Nationale, Monsieur Pierre-André Laguerre qui après avoir essuyé un échec dans sa tentative de dissuader le directeur de la DCPJ d’exécuter son ordre au lieu et à la date convenus, n’a pas cru bon d’informer son ministre de tutelle (TPTCE). Qui pis est, même après l’incident impliquant des agents de sûreté sous sa responsabilité,  battus par les agents de sécurité du ministre de l’intérieur, il n’a fait un rapport que parce que le ministre des TPTCE le lui a formellement demandé. Mais notons que ce rapport n’a été fait que sur l’incident entre le ministre de l’intérieur et les agents de sécurité sur la piste de l’aéroport (une parenthèse significative) et pas sur l’arrestation sur la piste elle-même (l’événement fondamental)qu’il juge ne pas être un fait digne de mention parce que selon lui « tout s’est bien passé. »

En outre, il tolère dans les locaux de son administration un certain Samuel Moreau sans grade ni titre, qui aux dires de certains, fait le lien entre l’aéroport et la DCPJ et serait vraisemblablement un agent lié a une agence de justice des Etats Unis d’Amérique, la DEA. Si cela se confirmait, sa présence à l’aéroport pourrait être considérée comme une forme d’espionnage de l’Etat haïtien sur des citoyens haïtiens au profit d’un Etat étranger. Ce qui s’apparenterait étrangement à un crime de haute trahison.

IX.                    Finalement, il y a le président de la république, Monsieur Michel Joseph Martelly qui est en fait l’initiateur du scandale. Il n’a pas su faire montre de retenue et se garder de verser dans la provocation. Il est celui qui, après l’incident du 12 Octobre 2011, n’a raté aucune occasion de se montrer menaçant envers tout le monde et plus précisément envers ceux qu’il qualifie de repris de justice (fugitifs et évadés de prison) en mal d’immunité réfugiés au parlement. C’est en fait lui qui a donné le ton en déclarant publiquement à l’aéroport de Port-au-Prince alors qu’il allait prendre l’avion à destination de la république voisine, le vendredi14 Octobre 2011, qu’il a demandé à la justice de garder les yeux ouverts sur les fugitifs et autres évadés de prison qui se permettent de parler très fort.

De plus, le président a organisé plusieurs réunions au palais national au cours desquelles la question de l’arrestation du député a été abordé. Même la veille de l’arrestation, au cours d’une réunion avec les principaux responsables de la sécurité dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, la question a été soulevée ; et le ministre des Affaires étrangères qui n'avait pas participé à la réunion mais qui est arrivé au palais juste à la fin de la réunion a été interrogé sur la faisabilité de l’arrestation. Cela va sans dire qu’il s’agissait d’un projet bien pesé et mûrement réfléchi.

De plus, il y a ceux dont les noms ont été cités dans l’affaire, mais les informations recueillies ne permettent nullement d’établir leur responsabilité. Le cas du Secrétaire d Etat aux Affaires Etrangėres, M. Michel Brunache, en est un exemple.  Il figure sur la liste d’interpellation émise par le Sénat de la République, mais après avoir entendu près d une trentaine de témoins, aucune information n’est venue corroborer les informations initiales disant qu’il était présent à l’aéroport pour superviser l’arrestation et qu’il avait donné  ordre à M. Gérard Dorsainvil de fermer le Salon Diplomatique afin d’empëcher les parlementaires d’y avoir accės.  D’ailleurs,  M. Brunache lors de son audition a rappelé à la Commission qu’au moment de l événement, il n’était pas encore en fonction et pendant l’absence du Ministre des Affaires Étrangères, M. Laurent Lamothe,  la charge de ce ministère a été confiée à Mme Balmir, Ministre du Tourisme.

De son côté, M. Gérard Dorsainvil, Directeur du Salon Diplomatique, a catégoriquement nié le fait qu’il ait reçu de l’ordre d’un supérieur hiérarchique qui l’aurait demandé de fermer l’espace. Il a pris seul la décision en analysant la situation qui prévalait dans son périmètre. Quand il a pris cette décision, il n y avait aucun VIP au salon diplomatique. 

ANALYSE DES DONNÉES

Alors, comment comprendre que des responsables d’état chargés de veiller à la bonne marche des institutions républicaines se soient rencontrés en conciliabule pour décider de violer la loi ? Comment expliquer que  des hommes et des femmes d’état aient pu si consciemment errer, entrainant dans le coup toute la nation dans une véritable dérive antirépublicaine ? Qui a dû induire qui en erreur ?

1)   Voyons d’abord le commissaire du gouvernement. En tant qu’initiateur de l’action publique, était-il vraiment maître de toutes ses actions ? Cette question lui a été posée lors de son audition par devant la commission d’enquête du Sénat de la République, mais il a choisi de ne pas la répondre. Il s’est refugié dans une phrase-totem : «Je suis un magistrat, j’ai agi conformément à la loi.» Il a dû la répéter huit fois en un très bref moment. Il a pratiquement refusé de répondre à toute question qui lui a été posée, évoquant l’article 32 de la loi portant organisation du pouvoir judiciaire et sur le statut du magistrat pour signifier à la commission que seul un tribunal pouvait statuer sur son action. Il lui a été demandé s’il avait agi seul ou sous la dictée de quelqu’un d’autre. Pour toute réponse, il a clamé avoir agi conformément à la loi. Alors, avait-il pris connaissance des articles 114 et 115 de la Constitution de la république et de l’article 90 du Code Pénal. A ce moment, il a refusé de répondre en déclarant : «Je crois ne pas pouvoir répondre à cette question.» Pressé de dire s’il ne pouvait pas répondre ou s’il ne voulait pas répondre, il a précisé : «Je ne veux pas répondre.» Et il a plié bagages sans broncher. Que signifie un tel comportement ? Peut-être qu’il se rend compte que tous les autres l’ont lâché et qu’il a décidé stoïquement d’endosser toute la responsabilité de l’affaire.  Peut- être aussi qu’il a reçu des offres alléchantes en rémunération de son silence. Ou peut-être que ce n’est qu’après coup qu’il s’est rendu compte de l’ampleur du dégât causé par une certaine arrogance. Etant donné que le commissaire n’a lâché mot ni devant la commission du Sénat ni devant celle du ministère de la justice, on n’est pas vraiment en mesure d’apprécier ses mobiles dans le cadre d’une violation aussi grossière de la constitution et des lois de la république. Cependant, peu importent ses mobiles, ce qu’il   convient de saisir ici, c’est la qualification de l’acte posé par le commissaire.
Aux dires de plus d’un, le commissaire est un élément brillant. Il connait son métier. Il connait les méandres de la procédure. D’ailleurs, il l’a prouvé le mercredi 19 octobre 2011, par la lettre adressée au président de la chambre des députés  pour lui demander de mettre le deputé Bélizaire à la disposition des autorités judiciaires d’Haïti, notamment le Parquet de Port-au-Prince. Il était au courant de la démarche à entreprendre. Mais, il n’a envoyé aucun dossier pour soutenir sa demande tout comme il n’en a  transmis aucun au directeur de la DCPJ qui questionnait la légalité de l’action. Il n’a pas attendu la réponse de la chambre des députés pour demander l’arrestation du député. Pourquoi cet empressement ?

La liste d’évadés (dix au total) qu’il a présentée à la DCPJ contient par ailleurs des noms de fugitifs qui ont déjà été appréhendés par la police. S’agit-il d’une manœuvre visant à masquer l’illégalité de l’affaire en insérant le nom du député  sur une quelconque liste et par ainsi donner le change sur sa véritable intention, c’est-à-dire faire croire à tout le monde qu’il s’agit de poursuites légalement justifiables alors qu’en fait il s’agit d’une vengeance personnelle, non pas celle du commissaire lui-même, mais celle du président à travers le commissaire.

Pire, le commissaire a fourni à la DCPJ une page contenant trois (3) photographies dont celle du député. Généralement, ce n’est pas le parquet qui fournit ce genre d’indice à la police,  mais, la police qui dans ses avis de recherche donne des indications par rapport  aux gens qu’elle recherche. Alors qu’est-ce que le commissaire avait voulu réaliser ? Que la police publie ces photographies sur le site d’Interpol et que l’intégrité du député soit devenue ainsi fragilisée ?

Comment comprendre qu’il a communiqué au ministre de la justice une copie de sa demande et n’a pas tenu bon de l’informer de la suite de la procédure ? Le commissaire prétend avoir agi conformément à la loi : à quelle loi fait-il référence ? Et la Constitution et le Code Pénal précisent les formalités à remplir  et les conditions dans lesquelles on peut procéder à l’arrestation d’un membre du parlement ou d’un haut fonctionnaire de l’Etat. Espérait-il voir le Parlement encaisser le coup sans broncher ? s’attendait-il aux habituelles petites grognes de la société civile ? Ou avait-il recu d’une plus haute autorité l’assurance qu’il serait couvert ?  Ou encore iavait-il pesé les conséquences de son action, mais a décidé quand même de frapper un grand coup afin de permettre au président de tenir sa promesse d’être un président cynique ? Certainement, les réponses à toutes ces questions ne sauraient être immédiates. C’est à la croisée des déclarations et comportements que jaillira la lumière de la vérité sur l’action initiée par le commissaire du gouvernement mais qui en toute vraisemblance a été pensée ailleurs et supportée aux plus hautes sphères de l’Etat. En tout état de cause, il convient de chercher à identifier la responsabilité des autres acteurs dans cette affaire pour que la nation soit tout simplement renseignée.

2)   Ce serait une injustice que de pointer du doigt le commissaire du gouvernement et faire croire à la nation qu’il a agi tout seul sans l’aval de son supérieur hiérarchique, son ministre de tutelle. Le commissaire du gouvernement est à cheval sur l’exécutif et le judiciaire. Il travaille au niveau du pouvoir judiciaire mais y est placé  par le pouvoir exécutif. Il aide donc le pouvoir exécutif à exercer sa fonction de protéger les vies et les biens, de garantir la paix et la sécurité, de promouvoir un ordre social juste et équitable. A ce titre, le commissaire du gouvernement travaille en étroite collaboration avec son ministre de tutelle : le ministre de la justice. Un exemple probant de cette collaboration est la correspondance adressée au président de la chambre des députés qu’il a communiquée au ministre de la justice. En effet, Monsieur Pierre-Louis confirme avoir reçu une copie de la correspondance envoyée au président de la chambre des députés. La correspondance a été envoyée le 19 octobre ;  il a recu sa copie le 20 octobre 2011. Il confirme aussi avoir eu une communication au téléphone avec le président de la chambre des députés, le soir de la réception par ce dernier de la correspondance du commissaire. Plus tard le 23 octobre 2011, il devra avoir une autre communication avec le vice président de la chambre des députés, suite à la tension créée par l’arrestation éventuelle du député.

3)   Le ministre a dit attendre une correspondance du bureau de la chambre des députés pour agir. Ce qui parait incompréhensible ici c’est l’attitude du ministre qui croit devoir être invité à intervenir dans une affaire ou l’acteur principal est un des agents travaillant sous sa tutelle. On comprend la démarche dans sa première partie, c’est-à-dire la demande formulée  auprès de la chambre basse pour que le député soit mis a la disposition de la justice. Mais lorsque le commissaire adresse une requête a la DCPJ pour exiger l’arrestation du député, il a tout simplement court-circuité la procédure., Dès lors, le commissaire devrait être en mesure d’apprécier l’action du parquet au regard des prescriptions constitutionnelles contenues dans les articles 114 et 115 et aussi le texte de l’article 90 du code pénal. C’est comme si le ministre devait recevoir un ordre ou une invitation de quelqu’un avant de faire ce que toute la nation attend de lui.

4)   On comprend que le ministre refuse d’accepter qu’il n’ait eu aucune connaissance du dossier au-delà de la copie de la correspondance reçue, le 20 octobre 2011.  Pourquoi ? Parce que cette correspondance ne fait aucune mention d’arrestation. Or, l’arrestation a bel et bien été effectuée au mépris de la constitution et des lois de la république. Le ministre veut être impliqué, seulement dans la partie de l’affaire qui du point de vue de la procédure est correcte. Au-delà de cette petite partie plus ou moins correcte, il ne veut rien à voir dans l’affaire.  Il disait attendre de la chambre une correspondance qui l’aurait autorisé à prendre part à l’affaire.  Et cette correspondance, il l’a recue le 27 octobre. Ce jour-là, il était aux Cayes pour l’ouverture du procès des policiers impliqués dans le massacre de la prison civile des Cayes. Donc, au moment où la correspondance a été reçue il n’était pas présent pour agir avec célérité.  Voilà qui nous amène à un autre questionnement.  un ministre est-il obligé d’être présent à l’ouverture d’un procès ? Cela dépend de la nature, de l’urgence et de la quantité de dossiers qu’il a à traiter. De toute façon, le ministre était physiquement absent du lieu, le jour de l’arrestation.

5)   Le ministre a même voulu imputer à un certain moment la responsabilité du dossier à ce que certains considèrent comme une dérive et d’autres une pratique.  De quoi s’agit-il au fait ? De la loi de 2007 sur le statut du magistrat. Il dit avoir relevé de 2007 à aujourd’hui environ une douzaine de ces pratiques/dérives. En quoi consistent ces dérives-là ? A convoquer au parquet des hauts fonctionnaires de l’État sans l’aval du ministère de la justice. Il parle d’interprétations extensives des prescriptions de la loi de 2007 de la part des commissaires du gouvernement qui s’autorisent des pouvoirs étendus au-delà de ce que dit la loi. Maintenant, quand l’ordre a été émis, le ministre a eu une communication avec le commissaire du gouvernement pour s’enquérir si la procédure a été respectée. Il lui a demandé, dit-il, s’il était sûr de ce qu’il entreprenait ? Il sait bien que tel n’a pas été le cas, mais il se retranche derrière son attente d’une correspondance de la chambre des députés.

6)   Le ministre refuse tout simplement de continuer sur la ligne de sa communication avec le commissaire du gouvernement quand il s’est enquis sur la légalité de la procédure. Ce qui étonne dans l’attitude du ministre c’est son insistance sur la question de la correspondance attendue de la chambre des députés. En sept occasions différentes, le ministre a dit avoir attendu une correspondance de la part de la chambre des députés afin d’être saisi de la question. Un ministre qui apprend qu’un de ses agents est en train de violer la loi, qui a eu une communication avec cet agent-là sur la légalité de l’affaire, qui a vent du scandale que cela fait dans les medias avant même que le forfait ait été consommé, ce ministre-là vient nous dire qu’il attendait d’être officiellement saisi par une correspondance de la chambre afin de pouvoir intervenir. On comprend que si du côté du parquet il y a interprétation abusive et extensive de la loi de 2007, du côté du ministère, il y a une interprétation restrictive et débilitante de cette même loi.  Selon la compréhension du ministre entre son ministère et les parquets, une action individuelle d’un commissaire engage la seule responsabilité du commissaire. Le ministre est tenu pour responsable seulement s’il a passé des instructions formelles, c’est-à-dire des instructions écrites. Tant qu’il ne peut être prouvé que le ministre avait passé des ordres au commissaire, la responsabilité du ministre n’est pas engagée. Alors n’est-on responsable que des actes qu’on a commis ? Qu’en est-il des actes commis par ceux placés sous notre responsabilité ? Ne pèche-t-on plus par omission ? Le ministre était informé de l’affaire du commencement jusqu’à la fin. C’est ce du moins qui ressort de la longue déposition qu’il a faite par devant la commission. Non seulement il était informé, il avait apprécié la situation et compris qu’il y avait la possibilité pour le commissaire d’initier une action incorrecte. Voilà pourquoi il l’a télephoné pour lui demander s’il croyait que la procédure était correcte. Si même le ministre s’inquiétait de la légalité de l’action, qu’avait-il fait pour empêcher à  un des agents placés sous ses ordres de violer la loi ? Le ministre s’est complu dans la négation pour essayer de se décharger de toute responsabilité dans une affaire où il est plus que partie prenante. Il dit qu’il aurait été étonnant que l’ordre de procéder à l’arrestation du député serait venu d’une autorité supérieure au niveau de l’exécutif sans que cet ordre ne soit pas passé par lui. L’ordre ne passerait pas par lui s’il est celui qui passe les ordres ou celui qui éduque les autres quant a la manière de violer la loi sans se faire avoir.

De toute façon, si le ministre n’est pas coupable d’avoir autorisé l’arrestation du député ou indiqué les manières de le faire sous une couverture de légalité (flagrance continue),  il est coupable de n’avoir rien fait pour empêcher à un des agents placés sous sa tutelle de commettre un forfait. Il a donc péché par omission.

7)   Quant au premier ministre, au regard de sa fonction de chef du gouvernement, il a toute la responsabilité de l’affaire. Même si dans ce cas il ne s’agit pas d’une responsabilité pénale, mais plutôt d’une responsabilité morale. Il a été au palais le jour de l’altercation entre le président et le député. Il a participé a presque sinon toutes les réunions au cours desquelles la question de l’arrestation a été discutée. Il n’a jamais pris aucune position en terme de respect du droit de la personne, de soumission à la loi, de renforcement des institutions républicaines et de stabilité de la nation. Il a fait preuve durant toute l’affaire de lâcheté en se retranchant dans son mutisme et en laissant courir les poulains du président dans l’immense savane  qu’est devenue la république.

8)   De l’audition des différents membres du gouvernement et de celle du premier ministre lui-même, il en est ressorti que celui-ci ne dirige rien ; que le gouvernement serait compartimenté dans le sens où chacun des membres se retrancherait dans son coin, ne sachant pas ce qui se passe chez l’autre et faisant ce qu’il croit être correct de faire suivant son bon vouloir.

Dans l’affaire du député Bélizaire, le premier ministre est au courant de tout, mais il n’ose appeler personne pour demander des explications.  Il n’a pas non plus cherché à s’interposer à l’arrestation de crainte que le ministre de la justice le menace de l’accusation « d’obstruction à la justice ». Il joue le bon samaritain comme s’il était le coordonnateur d’une quelconque organisation de charité. Il s’assure que le député soit bien traité à la prison civile alors que la question véritable est que le député est à la prison civile parce que la loi a été violée sous ses yeux, par son gouvernement.  La Constitution dans ses articles 159, 163 et 169 fait du premier ministre et de ses ministres les gardiens du temple.  Ils ont pour responsabilité de veiller à l’exécution des lois, c’est-à-dire à ce que les lois ne soient point violées tant par leur non application que tout bonnement et simplement par leur mise à l’écart.

De plus, le premier ministre est le président du CSPN (Conseil Supérieur de la Police Nationale).  Non seulement, il est supposé être au courant de ce qui se passe au sein de la PNH, il a l’autorité de mobiliser le déploiement des unités spécialisées au sein de cette institution.  Dès lors, comment comprendre qu’il ne soit pas au courant du déploiement de presque toutes les unités spécialisées de la PNH dans le cadre de l’arrestation du député.  Comment comprendre que les forces armées de la république ne soient pas sous son contrôle ? Cela donne des sueurs froides qu’une seule personne (le directeur général de la police) ait la capacité de déployer tous les gens en armes de la république sans le contrôle d’aucun dirigeant civil. Il y aurait lieu à ce moment de se questionner sur l’opportunité de la remobilisation de l’armée en cette période de crise de gouvernance.

9)   Le directeur de la DCPJ ne saurait ne pas être tenu pour responsable de ce qui est arrivé sur le tarmac de l’aéroport de Port-au-Prince, ce jeudi 27 octobre 2011.  Selon ses dires, il avait des doutes dès le commencement sur la faisabilité de l’action.  Cependant, un peu plus tard, il se révèle très zélé dans l’exécution d’un ordre qu’il avait au départ questionné la légalité. A-t-il été tenu d’obéir à un ordre illégal ou manifestement illégal ? L’article 8 du manuel de la police dit clairement non.  Mais le directeur semble avoir une autre interprétation de cet article qui selon lui fait référence à un ordre provenant d’un supérieur hiérarchique dans l’institution policière.

La loi du 29 novembre 1994 portant création et fonctionnement de la police nationale d’Haïti dit clairement en son article 32 que la DCPJ est l’auxiliaire directe des commissaires et de leurs substituts. Ainsi, ne devrait-on pas comprendre que l’ordre manifestement illégal viendrait en ce sens de ces commissaires et substituts ? Alors, d’où vient l’explication qu’il s’agit ici d’ordre émanant de supérieurs au niveau de la police nationale?

D’un autre côté, le directeur n’est pas tenu d’exécuter sur le champ un ordre de justice. Il lui revient de prendre le temps pour bien discerner la faisabilité de l’action, de l’endroit où l’ordre sera exécuté et aussi du lieu d’exécution de l’arrestation. Il n’y a rien qui suggère que l’ordre reçu le mardi 25 octobre 2011 et émanant du parquet de Port-au-Prince devait être exécuté deux jours après sa réception, soit le jeudi 27 octobre 2011. Pourquoi alors cette célérité ? D’où vient brusquement l’urgence ? Et pourquoi le tarmac de l’aéroport a-t-il été le lieu d’exécution de cet ordre ? On comprend que certains personnages ayant fait l’objet d’une filature de la police puissent être appréhendés dans ces circonstances.  Leurs domiciles n’étant point fixes ou n’étant pas toujours connus, ils peuvent en outre n’avoir aucune affiliation institutionnelle qui permettrait de les retracer facilement.  Mais aucun de ces critères d’opportunité n’est applicable au cas du député Bélizaire.  Le député représente la circonscription Tabarre-Delmas ; Il a un domicile fixe et connu de tous ceux qui le veulent et, en tant que membre de la chambre des députés, il peut être repéré à tout moment.  D’ailleurs, le commissaire l’a déjà prouvé à travers la correspondance adressée au président de la chambre basse pour lui demander de mettre le député à la disposition de la justice.  Le député revenait en outre d’un voyage officiel pour le compte de la chambre des députés. Il n’y a ici aucun indicateur pouvant nous permettre de comprendre qu’il s’agit de quelqu’un qui bouge beaucoup et qui peut s’offrir aujourd’hui pour disparaître demain sans difficulté.  Pourquoi alors cet empressement ? Pourquoi également le tarmac de l’aéroport spécialement à un moment particulièrement sensible pour l’aéroport ? Ce jour-la, une délégation de huit membres de l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale) était en Haïti depuis déjà cinq jours en vue d’évaluer la sécurité de nos aéroports (Port-au-Prince et Cap-Haitien). Ils ont visité le Cap-Haitien dans la matinée et tenaient une réunion à l’OFNAC dans l’après-midi quand le tarmac de l’aéroport a été envahi par des dizaines d’hommes et de femmes en uniformes et en civil. Le directeur de la DCPJ, n’avait-il pas pensé au risque qu’une telle intervention pourrait faire peser sur notre aéroport ?

Enfin, la mise en branle du processus d’exécution de l’ordre du Parquet n’a pas été facile pour le directeur.  Il s’est heurté à des difficultés diverses.  Il se rend d’abord compte que les partisans du député pourraient s’interposer pour essayer d’empêcher son arrestation.  Alors, il demande au directeur général de déployer les unités spécialisées. Plus tard, le directeur de l’AAN (Autorité Aéroportuaire Nationale) lui fait remarquer qu’il aurait été préférable de laisser le député  s’embarquer dans l’autobus qui l’amène au salon diplomatique.  On pourrait procéder sans trop se faire remarquer à son arrestation à partir de ce lieu. Il a refusé de céder et décidé de poursuivre le processus comme planifié.  Un peu plus tard, le directeur de la sûreté de l’aéroport, suite à une conversation avec le responsable en Haïti d’une ligne aérienne, intervient auprès de Samuel Moreau qui parait être le coordonnateur de l’action sur le terrain pour lui demander la même chose : procéder à  l’arrestation du député après le salon diplomatique.  Samuel Moreau qui a été appelé, est revenu avec une réponse négative. La même demande  a été produite par le même directeur de la sûreté de l’aeroport auprès du commissaire de police du sous-commissariat de l’aéroport, toujours la même réponse négative a été donnée. Qu’est-ce qui explique cet entêtement du directeur de la DCPJ à procéder à l’arrestation du député le jeudi 27 octobre et sur le tarmac de l’aéroport ? Ce 27 octobre, date de l’arrestation, coïncide étrangement avec la date du 27 octobre mentionné dans l’ordre du parquet, date à laquelle une seconde liste d’évadés serait fournie à la DCPJ. S’agissait-il d’un code car aucune nouvelle liste n’a été fournie le 27 octobre ? S’il s’agit ici d’un code, n’est-ce pas incorrect au regard des procédures en vigueur dans l’administration publique haïtienne ?

Pour quitter la piste de l’aéroport, le convoi qui emmène le député a dû sortir par la barrière donnant sur le local de la SONAPI. De qui le directeur a-t-il obtenu la clef de cette barrière, si l’on en croit le directeur de la sûreté affirmant n’avoir été jamais sollicité de la journée par une personne lui demandant cette clé ?

10)                      Le directeur de la DCPJ a bénéficié de l’appui, du support et de la complicité du directeur général de la Police Nationale d’Haïti. Le directeur général a été consulté dès la réception de l’ordre. Le directeur de la DCPJ s’est entretenu avec lui sur la légalité et la faisabilité de l’ordre. Le directeur général est, de toute évidence, celui qui a encouragé le directeur de la DCPJ à poursuivre dans cette voie, car il était conscient qu’on réclamait sa tête dans les plus hautes sphères de l’exécutif.  Il interprétait cet ordre d’appréhender un député en fonction comme une trappe a cons. S’il obéit, il sera grondé par la population. S’il n’obéit pas, il sera accusé d’obstruction à la justice et de refus manifeste d’obéir à un ordre d’un officier du ministère public et on aura sa tête. Alors, dans l’intention manifeste de sauver sa peau il a mis en péril l’aéroport de Port-au-Prince, le gouvernement de la république, la stabilité nationale.

Ce qui étonne le plus dans le comportement du directeur général, c’est sa lecture correcte de la situation et ses réactions inadéquates et inappropriées.  Comment comprendre que le directeur général de la police ait compris que l’aéroport était un site stratégique sensible et qu’il ait en même temps decidé d’y organiser une opération qui pouvait à tout moment se retourner au pire ? Il avait tellement bien compris cette situation qu’il avait dû mobiliser toutes les unités à sa disposition afin d’éviter tout dérapage. Il a mobilisé la CIMO pour contrecarrer une éventuelle réaction des partisans du député. Etant donné que celui-ci était une fois appréhendé en possession d’un fusil mitrailleur (T65), il était fort probable qu’il soit bien armé et que des gens équipées de simples armes de poing pourraient avoir du fil à retordre  avec lui.  Pour cela, il a déployé la SWAT Team. Comme les agents de la DCPJ n’ont normalement pas de grandes capacités d’intervention, une unité spéciale, le BRI, a été chargée de l’intervention.   Dehors, la possibilité d’une action isolée causant de la panique était toujours présente, aussi les BIM étaient sur place. Personne ne peut comprendre que le directeur général ait pu faire une lecture si complète de la situation, qu’il ait vu la sensibilité du site stratégique et la délicatesse de l’opération, et ait décidé quand même d’opérer à l’aéroport bien que des alternatives aient été disponibles.

De plus, on n’arrête pas de s’étonner par rapport à la puissance d’un seul homme : le directeur général de la police nationale d’Haïti. Il a été capable en ce jour de déployer autant d’hommes armés sans qu’il n’ait eu besoin d’une quelconque autorisation de qui que ce soit.  Que vaut alors le CSPN ? Que vaut le premier ministre ? Le président est absent du pays et le directeur général de la Police Nationale d’Haiti peut mobiliser autant de forces, qui pourraient l’empêcher d’organiser un coup de force et s’emparer du pouvoir ? Les questions valent mieux que les réponses.

11)                      Et voilà, comme une cerise sur le gâteau, ou un cheveu sur la soupe, le ministre de l’intérieur qui a passé la journée à essayer de convaincre le député Arnel Belizaire à ne pas revenir en Haïti, débarque en trombe à l’aéroport de Port-au-Prince, bousculant tout sur son passage y compris un agent de sûreté de l’aéroport qui osait s’interposer pour l’empêcher d’accéder à une zone stérile, tout cela explique-il afin de saluer son épouse et son fils qui partaient en vacances. Il a une copie de l’itinéraire de voyage des siens comme justification de sa présence a l’aéroport. Le voyage de son épouse et de son fils aurait suffi pour expliquer sa présence à l’aéroport, mais non sur la piste.  Comment le ministre a-t-il pu se retrouver sur la piste de l’aéroport ?  S’il voulait y aller, pourquoi n’avait-il pas sollicité de la direction de la sûreté de l’aéroport une carte d’accès ? L’article 4.2.60 de         demande aux autorités de l’état à être les premiers à donner l’exemple en se soumettant volontiers au filtrage dans les aéroports. La délégation qui accompagnait le ministre était-elle obligée de rabrouer tout ce qui se trouvait sur son passage et même tabassé l’agent Fritz Dorcé qui en essayant de faire son travail, a dû fermer une porte pour empêcher à un groupe de personnes d’accéder sans autorisation à la porte R6 donnant accès sur la rampe.

Le ministre et sa troupe se sont d’abord introduits à l’entrée de la salle de départ #2 sans avoir pris le temps de faire un salut à ses gouvernés. Dans un premier temps, c’est Jackson Desgazon qui a du s’esquiver pour ne pas être emporté dans la furie de cette cohorte de gens visiblement anxieux.  Ensuite, c’est Ralph Lazarre qui est giflé parce que tout simplement il cherchait à faire son travail. Enfin, c’est Fritz Dorcé qui s’est retrouvé par terre sous les coups de tous les agents de sécurité du ministre.  Pour clôturer la série, un policier affecté au sous commissariat de l’aéroport allait lui passer les menottes quand Roro Nelson, une personne accompagnant la délégation du ministre de l’intérieur, et qui habite le même quartier de Peggy Ville que Dorcé, l’en empêcha.

A son corps défendant, le ministre de l’intérieur a rejeté toutes les accusations portées contre lui. Ni lui, ni ses agents de sécurité n’ont battu personne.  Cependant, le lendemain sur la Radio Scoop FM, Ralph Lazarre retrace les faits accablants survenus à l’aéroport de Port-au-Prince, le 27 octobre 2011.  Il aura en outre à dresser un rapport en bonne et due forme à son supérieur hiérarchique, M. Lesly Gustave qui en fait de même au directeur de la sûreté de l’aéroport,  M. Serge Simon.  Ce dernier acheminera de son côté un rapport au directeur général de l’AAN, M. Pierre André Laguerre qui à son tour dressera également un rapport à la demande du ministre des travaux publics.

Monsieur le ministre de l’intérieur nie avoir jamais frappé quiconque à l’aéroport et pour preuve il sort de ses dossiers un acte de désistement portant la signature de Fritz Dorcé (celui qui a été copieusement battu), et contresigné par  deux temoins : Ralph Lazarre et Ernst Saintus.  Le ministre ne saurait mentir.  Le mensonge doit donc venir de quelqu’un d’autre. Ceux qui se plaignaient à la radio d’avoir été battus, ont signé n’avoir jamais été battus. Qui faut-il croire ? Qui avait poussé Ralph Lazarre et son copain Fritz Dorcé à intervenir à la radio, le matin suivant. Faut-il douter de la valeur juridique de l’acte de désistement présenté par le ministre ?  S’il est authentique, à quel prix l’a-t-il obtenu ?.  Nous n’avions pas été en mesure de tester ces questions car Fritz Dorcé et Ralph Lazarre ont préféré se soustraire aux questions de la commission malgré les efforts de leur supérieur hiérarchique à favoriser une communication entre eux et la commission. Ils se sont discrètement éclipsés et ne répondent plus au téléphone du directeur de la sûreté et de leur superviseur.  Cette attitude soulève des questionnements au niveau de la commission.  Qu’est-ce qui permet à ces messieurs de rester chez eux en dehors d’une lettre de disponibilité et sans jamais en parler au directeur de la sûreté.  Depuis ces événements, Ralph Lazarre et Fritz Dorcé viennent souvent à l’aéroport pas pour travailler mais pour s’enquérir de ce qui se passe.  Qui les protège ?

Par ailleurs, à signaler le début de grève du matin du 28 octobre 2011à l’aéroport.  En effet, ce 28 octobre 2011, il y avait un début de grève pour protester contre les faits survenus la veille.  Les principales victimes de cette grève étaient les cinq (5) membres de l’OACI qui devaient partir ce jour-la pour les Etats Unis et qui n’avaient trouvé aucun agent pour le filtrage des passagers et des bagages. Qu’est-ce qui explique ce début de grève ? Pourquoi les agents faisaient-ils la grève à six heures du matin s’il n’y avait rien d’anormal la veille ?

Ce n’est certainement pas cette question qui nous intéresse dans cette affaire, mais la présence du ministre à l’aéroport coïncidant étrangement avec l’arrestation du député.  Il est arrivé au moment de l’arrestation.  Il a dit-il vu environ 1000 sur le tarmac de l’aéroport. C’est qu’il avait pu voir de près, à partir de la piste. Qu’est-ce qui explique l’empressement du ministre à accéder à la piste de l’aéroport au point de rabrouer passagers et bagages sur sa route? Voulait-il avoir le scoop de l’arrestation spectaculaire du député Bélizaire ? Voulait-il prendre le député en photos avec les menottes en main ? publier la photo sur l’internet ? donner satisfaction au président et finalement humilier le parlement haïtien qui lui a donné du fil à retordre au cours du long processus de nomination du premier ministre ?

Durant toute la journée, le ministre s’affairait à obtenir du député qu’il reste encore quelques jours de plus en dehors du pays,  juste pour donner du temps aux négociations entre le président et les autres pouvoirs de l’État.  Le ministre avait demandé l’aide de l’ambassade de France pour obtenir que les autorités françaises gardent  le député dans ce pays.  Mais le député avait déjà pris l’avion à destination de Pointe à Pitre.  Le ministre et un groupe de députés ont alors essayé de prendre en contact avec des parlementaires de la Guadeloupe afin de dissuader M. Bélizaire de rentrer en Haïti au regard des menaces graves contre sa personne.

Mais la présence de M. Bélizaire à Pointe à Pitre avait un coût.  S’il y restait, quelqu’un devrait payer la facture  du séjour.  Le ministre demanda alors aux députés qui étaient avec lui qui allait endosser cette charge ?  Les députés ont décliné.  Le Ministre déboursa alors US$3000 (cash) pour envoyer à Arnel Bélizaire.  Entre-temps, l’ambassadeur de France, M. Didier Lebret appelle pour annoncer une mauvaise nouvelle.  Arnel s’est déjà embarqué de Pointe –à-Pitre vers Haïti.  Le ministre reprend son argent et se contenta de réaliser qu’il n’y avait plus d’autres options et que Arnel Bélizaire allait se faire arrêter.

Nous devons souligner la participation du ministre de l’intérieur aux différentes étapes de l’opération.  Il rapporte avoir participé à au moins trois réunions au palais national où la question de l’arrestation du député a été évoquée. Toujours d’après le ministre, une dernière réunion au Palais National où des députés et des sénateurs tentaient de persuader le président d’abandonner son projet, s’est terminée en queue de poisson. 

7) Le secrétaire d’état à la sécurité publique, M. Réginald Delva est la personne dont la responsabilité administrative ou pénale est la moins engagée dans cette affaire. Cependant, rien ne le blanchit ou le place au-delà de tout soupçon comme il aurait voulu nous le faire accroire. Avant de devenir secrétaire d’état, M. Delva était le conseiller du président pour les affaires de sécurité. De plus, comme secrétaire d’état à la sécurité publique, il est censé participer aux réunions du CSPN. Personne ne comprend que le secrétaire d’état participe à la fameuse réunion du mercredi 26 octobre 2011 au palais national, réunion à la fin de laquelle la question de l’arrestation du député Arnel Belizaire a été abordée sans pouvoir donné son point de vue de la situations. Même le ministre des affaires étrangères qui n’avait pas participé à la réunion mais qui est arrivé à la fin de la réunion a été requis de donner son avis sur la question. On sait par contre qu’il avait tout simplement suggéré qu’en toutes choses il fallait considérer la stabilité de la nation. Cela sous-entend que cette arrestation pouvait en quelque sorte constituer une menace pour la stabilité de la nation. Alors comment comprendre que le secrétaire d’état à la sécurité publique, un officier de l’armée d’Haïti, formé à la prestigieuse académie de West Point dans l’Etat de New York aux Etats Unis ne soit pas en mesure d’apprécier la situation et de dire à ses collaborateurs que, quelques bonnes que puissent être les raisons d’arrêter un député en fonction, la menace que cela constitue pour la stabilité de la nation commande de différer l’arrestation ? Comment comprendre aussi qu’il n’ait pas pu signifier aux non-militaires du groupe de ceux qui étaient assemblés au palais national ce soir-là que l’aéroport était un site stratégique sensible et qu’il fallait à tout prix éviter une action qui pourrait compromettre sa sécurité, surtout au moment où la délégation de l’OACI était en Haïti justement pour évaluer la situation sécuritaire de nos aéroports ? Il n’était pas nécessaire qu’il fut secrétaire d’état à la sécurité publique pour qu’il fit ces recommandations-là. Sa seule fonction de conseiller du président pour les questions de sécurité devait l’attirer sur ces sentiers. Il clame n’avoir pas eu de contact direct avec le président, et que pour le conseiller il devait s’adresser au directeur de son cabinet qui n’est autre que M. Thierry Mayard Paul.

A ce niveau, on est en droit de se poser la question : que valent les conseillers du président ? Ou autrement dit, que valent les conseils des conseillers du président s’ils doivent transiter par un intermédiaire ?

Quelles que furent les contraintes auxquelles Monsieur Delva a du se heurter, il ne peut être excusé de n’avoir pas fait son devoir  soit en tant que secrétaire d’état à la sécurité publique ou en tant que conseiller du président.

8)  On vient de passer en revue tous les membres du CSPN sauf l’inspecteur général. Nous allons maintenant quitter le niveau gouvernemental pour regarder de plus près l’implication d’un haut fonctionnaire de l’administration publique. Il s’agit ici du directeur de l’Autorité Aéroportuaire Nationale, Monsieur Pierre-André Laguerre. Celui-ci est censé ne pas être impliqué dans l’affaire jusqu’à cette heure fatidique (14h30) où l’on est venu lui annoncer la visite de Monsieur Aurelus de la DCPJ.  Quand il le recoit, il devient un acteur d’ans l’affaire  et non un spectateur passif comme il a voulu durant toute l’audition nous le faire accroire.

Monsieur Aurelus aurait pu procéder sans qu’il eût à juger de la nécessité d’avertir le directeur général de l’AAN. D’ailleurs, il avait décidé de procéder à l’arrestation du député sans l’aval du directeur de l’AAN. Pourquoi choisit-il au dernier moment d’avertir celui-ci qu’il va procéder à une arrestation sur son territoire ? Courtoisie ou déférence?

De toute façon, Monsieur Laguerre a bien compris la démarche et a donné son avis. Il a suggéré à Monsieur Aurélus de procéder autrement ou de procéder en un autre endroit. La DCPJ refuse de changer de plan. Il quitte le bureau du directeur de l’AAN et visite brièvement le salon diplomatique.

On était en droit d’espérer qu’après que le directeur de l’AAN eut apprécié la situation et ait conseillé a la DCPJ de procéder autrement et qu’il ait essuyé un refus, il appellerait son ministre de tutelle pour le mettre au courant de cette situation pour le moins singulière. Il n’en fut rien.

On était également en droit d’espérer qu’il aurait fait un rapport à son ministre sur l’événement : là encore, il n’en fut rien. C’est plutôt le ministre qui lui demandera un rapport sur le passage à tabac des agents de la sûreté de l’aéroport. Rien ne sera dit sur le caractère insolite d’une arrestation qu’il avait lui-même jugée mal venue sur son territoire.

Qui pis est, le directeur général de l’AAN s’est confondu sur plusieurs sujets face à la commission. Ses omissions ont rapport à la dernière réunion au Palais national sur cette question et à la date de départ du président du pays.  Il s’est également embourbé quant à l’endroit où s’est déroulée la bagarre entre le ministre de l’intérieur et l’agent de sûreté, Fritz Dorcé.  En dépit des  remarques d’un sénateur relatives aux dates des événements, il a affirmé que les autres avaient erré.   Pour ce qui a trait à la bagarre, il a précisé qu’elle a eu lieu dans la salle de départ #2 alors que tous y compris l’ancien commissaire du gouvernement Maitre Claudy Gassant ont témoigné que la bagarre a eu lieu sur la piste. Me Gassant a même précisé que tous les passagers de la salle de départ #2 se pressaient contre la vitre afin de voir ce qui se passait sur la piste.

Nous devons rappeler que la personne coordonnant l’opération sur le tarmac de l’aéroport est le nommé Samuel Moreau. Il est toujours au bureau d’une employée de l’administration, Madame Veillard. Qu’est-ce qu’il fait la ? Pourquoi il se tient au bureau de Madame Veillard ? Personne ne sait. Le directeur général le voit toujours dans l’enceinte de l’administration. Il a posé des questions relatives à la présence de ce Monsieur mais ne lui a jamais  questionné directement.  Comment le directeur général de l’AAN peut-il tolérer Monsieur Moreau dans les locaux de son administration sans qu’il n’en soit un employé ? Un visiteur ne  saurait y être présent tous les jours et durant toute la journée.

Certaines des personnes auxquelles nous avons parlé à l’aéroport de Port-au-Prince nous ont raconté que Monsieur Moreau est semble-t-il un agent affilieé a la DEA (Drug Enforcement Administration) : une agence du ministère de la justice des Etats Unis d’Amérique. Si cela devait se révéler vrai, comment cet agent des forces répressives d’un état étranger peut-il s’installer de façon constante et permanente dans une administration haïtienne ? Et pourquoi a l’aéroport ? Serait-il en train d’espionner des citoyens haïtiens au bénéfice d’un état étranger ? Avec bien sur la complicité ou la nonchalance et l’indifférence des autorités haïtiennes ? Cela n’a-t-il pas odeur, saveur et couleur de crime de haute trahison ? Autant de questions qui mériteraient d’être élucidées par la justice haïtienne.

9) Nous arrivons finalement au Président de la République qui ne saurait être exempt de notre analyse, bien qu’il soit considéré comme un mineur et que selon le vœu de la constitution le premier ministre et les ministres avec qui il contresigne, doivent répondre de ses actes  Cette façon de considérer le président de la république est une position de sagesse de nos législateurs qui ont compris qu’une nation est trop importante pour la laisser aux mains d’un seul président.  De plus, il n’y a nulle part un acte écrit du président que les ministres et le premier ministre auraient contresigné avec lui. Alors, il n’est pas possible de lui demander des comptes directement.

Nous savons tous que le président a initié l’affaire quand il a déclaré le vendredi 14 octobre 2011 à l’aéroport de Port-au-Prince avoir demandé à la justice d’ouvrir les yeux sur les fugitifs et évadés de prison réfugiés au parlement haïtien, par la faute du CEP. Et cinq jours plus tard, le commissaire du gouvernement adresse une correspondance au président de la chambre des députés pour demander de mettre le député Bélizaire à la disposition de la justice. N’est-ce pas exactement en ces termes qu’il traitait le député Arnel Belizaire, au palais national lors de l’altercation il y a plutôt deux jours ? N’a-t-il pas en maintes occasions averti qu’il allait sévir contre des repris de justice en mal d’immunité,  refugiés au parlement ? N’a-t-il pas menacé tous ceux qui s’avisaient de venir au palais pendant son quinquennat et lui manquer de respect n’en sortiraient pas vivants ? N’a-t-il pas organisé une série de réunions pour as’enquérir de la meilleure façon de procéder à l’arrestation du député? N’a-t-il pas la veille de l’arrestation soulevé la question à l’occasion d’une réunion sur la sécurité dans la région métropolitaine de Port-au-Prince ? N’a-t-il pas téléphoné au président du sénat de la république à 2 heures un matin pour l’informer que le président de la chambre des députés avait tenu à la radio des propos qui le dérangeaient et qu’il n’avait plus l’intention de régler la question à l’amiable ? N’a-t-il pas téléphoné à son chef de cabinet alors qu’il était à l’étranger le jour de l’arrestation pour lui intimer l’ordre de ne pas s’immiscer dans cette affaire tandis que ce dernier recevait huit députés sur la question? Il y a de quoi impliquer le président et peut-être l’inculper formellement. Mais le président est censé être un mineur. Il n’est pas toujours responsable de ses actes. Cela dit, on comprend que même s’il n’est pas celui à qui on demandera des comptes ici, il demeure la personne par qui le scandale est arrivé.

Aussi faudra-t-il que la nation demande des comptes aux huit (8) autres personnages épinglés plus haut.


Constats et Interprétations

À partir des auditions des témoins et acteurs de l’affaire qui ont défilé devant la commission, celle-ci a fait un certain nombre de constats au nombre desquels on retient les plus importants.

A.- Par rapport au gouvernement
A.1.Le pays n’est pas gouverné. Personne ne sait rien de tout ce qui s’est passé. Des membres du gouvernement ont défilé devant la commission et chacun cherche à se disculper ou au mieux à se décharger de toute responsabilité dans l’affaire. Pire, certains membres du gouvernement en accusent d’autres d’avoir été celui par qui le scandale est arrivé. La commission aurait pu mettre face à face dans une même salle quatre membres du gouvernement ou mieux quatre membres du CSPN et cela aurait été la grande bagarre ou pire, l’éclatement du gouvernement.
A.2.Le gouvernement n’est pas une équipe comme on devrait s’y attendre. Ceux qui ont comparu devant la commission ont fait montre d’un extrême isolement. Chacun gouverne pour lui-même. Personne n’est solidaire du gouvernement et le groupe n’a pas de direction.

A.3.- Au niveau de ce gouvernement triomphe une certaine interprétation de la loi qui produit un gouvernement très compartimenté. Chacun se réfugie dans sa solitude et ne sait pas ce que fait l’autre en essayant de protéger au mieux son territoire pour que l’autre ne s’y infiltre pas. Personne n’ose non plus dialoguer avec l’autre sur ce qu’il fait ou ne fait pas. Tout se passe ainsi  comme à l’intérieur d’un un film western.

A.4.Le plus effrayant de toute l’affaire est de constater comment une seule personne dans tout le pays a la capacité de mobiliser autant d’hommes et de femmes armés sans que personne d’autre n’ait un droit de regard sur ce qu’il fait. Clemenceau disait que ‘la guerre était une chose trop importante pour la laisser aux mains des seuls militaires’. Nos dirigeants ne semblent pas avoir compris le message de la sagesse de Clemenceau. Comment laisser au seul directeur de la Police Nationale d’Haïti la latitude pour mobiliser toutes les unités spécialisées de la PNH ? À un moment où le président de la république est en dehors du pays et que le directeur mobilise toutes ces forces, qu’adviendrait-il s’il avait la malveillante volonté de faire un coup de force ? Cela dénote de la nullité ou tout simplement de l’inexistence du CSPN.


B.- Par rapport aux Comportements

B.1.Il est à remarquer que tout le long du processus il y a une certaine obstination à procéder à l’arrestation du député Bélizaire.
B.1.a. D’une part, il y a le président de la république qui refuse de faire marche arrière. Du moins, c’est ce que dénotent ses alternances d’acquiescement et de négation. Tantôt, il veut arranger l’affaire à l’amiable ; Tantôt il veut quand même continuer. Mais quelle affaire avait-il voulu arranger à l’amiable ?
B.1.b.Le ministre de la justice qui dit vouloir intervenir mais il se cache derrière une correspondance qui n’arrive pas pour donner au commissaire du gouvernement tout le temps nécessaire de consommer le forfait.

B.1.c.Le ministre de l’intérieur qui fait semblant de vouloir protéger celui qu’il appelle son ami mais qui conseille à des députés et des sénateurs de se retirer de l’affaire.

B.1.d.Le commissaire du gouvernement qui, malgré les doutes soulevés par le directeur de la DCPJ et les réserves émises par son ministre de tutelle, s’enfonce tête baissée dans l’affaire jusqu’à obtenir l’arrestation du député.

B.2.On a constaté aussi un ensemble de démissions, d’omissions et de permissions dans les actes et les comportements des membres du gouvernement et/ou autres cadres de l’administration publique.

En effet, certains hauts responsables de l’état ont tout simplement démissionné de leur fonction en étant là et laissant faire sans que cela ne les dérange. D’autres ont tout bonnement négligé de faire ce qu’ils avaient à faire pour barrer la route aux violations des droits de la personne, des prescriptions constitutionnelles et des lois de la république. D’autres encore ont affiché une attitude permissive facilitant toutes formes de violations de la loi sous leurs yeux complaisants.

Recommandations

L’arrestation illégale et arbitraire du député en fonction, Arnel Bélizaire, a eu le mérite de mettre en lumière la défaillance totale de nos institutions, au-delà même des responsabilités ou de la culpabilité des uns et des autres.

Les mesures à prendre en dehors de toute émotion doivent permettre de renforcer le crédit, le respect et la dignité de nos institutions.  Au-delà des dispositions rapides visant la punition des responsables, il faut surtout s’atteler à envoyer des messages pouvant permettre à la population de reprendre confiance en ses institutions et en ses dirigeants. 

C’est aussi une occasion offerte au président de la république pour rectifier le tir, s’élever au-dessus de la mêlée afin de rechercher l’harmonisation nécessaire entre les trois pouvoirs.  Les dirigeants haïtiens ont le devoir de s’entendre pour chasser l’impression que le pays est une savane et que les haïtiens sont incapables de se diriger.

Face aux dérives et faiblesses constatées dans la conduite des affaires de l’état, la commission recommande :

1)   Recommandations générales

a)    Que de nouvelles dispositions légales soient prises quant à la question de l’autonomie des parquets non pour leur enlever des droits acquis mais pour harmoniser et réguler les relations des parquets avec le ministère de la justice.

b)    Que des concours soient organisés pour le recrutement des commissaires de gouvernement et des juges d’instruction.

c)     Que de nouvelles lois soient promulguées afin de responsabiliser les dignitaires de l’état en ce qui a trait à l’exécution des lois et au devoir d’ingérence.

d)   Qu’un nouveau code de conduite soit établi pour le gouvernement. Ce code visera à harmoniser les relations entre les différents services de l’état par des échanges d’informations et des décisions collégiales quand il s’agit de responsabilités transversales.

e)    Que soit mis en place au plus vite le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire en vue de réguler les conduites des acteurs des différentes instances de ce pouvoir.

f)      Que des lois d’application soient promulguées afin d’adapter nos codes aux nouvelles réalités de la Constitution de 1987.

2)   Recommandations spécifiques

a)    Que le sénat de la république demande au gouvernement de la république que des sanctions administratives et disciplinaires soient prises à l’encontre de certains cadres de l’administration publique comme par exemple le directeur de l’AAN qui a servi comme facilitateur à la commission d’une infraction qui aurait pu coûter à la nation la fermeture de son aéroport principal.
b)    Que le sénat de la république demande au gouvernement de la république que des sanctions administratives conservatoires soient prises à l’encontre du commissaire du gouvernement, Me Félix Léger.

c)     Que le Sénat de la République d’Haïti intente une action auprès des tribunaux haïtiens pour demander que des mesures conservatoires soient adoptées pour empêcher que Me Félix Léger n’échappe pas à la justice haïtienne.

d)   Que le Sénat de la République d’Haïti intente une action auprès d’un tribunal compétent pour que l’action initiée par Me Félix Léger du Parquet de Port-au-Prince soit déclarée illégale et arbitraire.

e)    Toutes autres actions en justice soient entreprises par devant un tribunal compétent pour obtenir que la justice haïtienne prononce des sanctions pénales à l’encontre de Me Félix Léger pour violation de la Constitution en ses articles 114 et 115 et de l’article 90 du Code Pénal haïtien.

f)      Que le Premier Ministre M. Garry Conille, les ministres  Me. Josué Pierre-Louis de la justice et de la sécurité publique, et Me. Thierry Mayard-Paul de l’intérieur, des collectivités territoriales et de la défense nationale soient interpellés par devant le sénat pour qu’ils répondent des actes commis ou des actes que le gouvernement a posés et auxquels ils se sont soustraits.

g)    Que le CSPN soit convoqué pour son expliquer son laxisme, sa faillite dans la gestion de cet événement qui a mis á nu les faiblesses de l’état et l’absence de tout contrôle des autorités civiles sur les structures de sécurité du pays.

h)   Que des mesures disciplinaires soient prises á l’encontre du Directeur Général de la PNH qui a outrepassé ses droits en mobilisant toutes les structures spécialisées dans le but de déjouer le piège  « qu’on lui aurait tendu ».

i)      Que des dispositions soient adoptées rapidement afin de limiter la capacité d’un Directeur Général de la Police á mobiliser les Unités spéciales de la dite institution sans l’aval des autorités civiles compétentes.

j)      Que le sénat de la république obtienne du CSPN que des mesures disciplinaires soient adoptées afin de freiner les dérives observées dans le comportement du directeur de la police judiciaire.

Conclusions

Nous voilà au terme de cet éreintant voyage qui nous a conduit d’une banale (mais triviale) altercation entre deux hommes d’état a une grossière violation de la loi, de la constitution et des droits de la personne. On aurait pu éviter d’en arriver là, mais le mal est déjà fait. Tout compte fait, cela ne peut nullement être le fruit du hasard qu’autant d’intelligences soient mises à profit pour violer la loi, contrarier le gouvernement de la république et mettre à rude épreuve la dignité et la stabilité de la nation . Un résultat symboliquement plus important doit avoir été visé.

Le commissaire du gouvernement connaît son métier. Le ministre de la justice est un magistrat de carrière ; il l’a répété plusieurs fois devant la commission.  Le ministre de l’intérieur est un avocat ayant accumulé plus de vingt-cinq ans de carrière sous la basoche. Le premier ministre a combattu sous les feux des administrations internationales et connaît les risques du métier. Le directeur de l’AAN n’est pas un nouveau-né de l’administration publique haïtienne, il connaît l’aéroport de Port-au-Prince et son importance stratégique pour la nation.

Comment peuvent-ils tous se permettre de violer ou de laisser violer la loi alors que certains ont prêté serment ou ont fait la promesse de respecter les institutions républicaines et de travailler au bien-être du pays ?

Le but visé par cette violation grossière de la constitution et des lois de la république de la part des agents de l’exécutif et de cadres de l’administration publique doit avoir été et est en fait un renforcement des pouvoirs de l’exécutif.   À l’occasion des derniers démêlés entourant le processus de mise en place du gouvernement, celui-ci a compris la réalité du pouvoir réel législatif.  Il a voulu lui porter un grand coup en ternissant son image et en sapant par ainsi les bases tant légales que symboliques de ses pouvoirs.

Ce dont il est vraiment question ici est une dispute de gorilles où tous se disputent la force la plus brute. Entre temps, la nation agonise.  Le pays pourrait sortir grandi de cette épreuve si tous les responsables étaient véritablement imprégnés des défis  dont fait face le pays. Les menaces sont concrets, visibles et palpables. Certains veulent exploiter nos faiblesses pour maintenir le pays sous tutelle. Cette escalade survenue quelques jours après un vote unanime  á la chambre des députés pour mettre en place ce nouveau gouvernement tend à donner raison á tous ceux qui essaient de nous faire passer pour des enfants ou qui ne peuvent s’entendre, voir même diriger seul le pays.

En ce moment crucial de la vie nationale, le pays a besoin d’envoyer au monde entier des images fortes d’unité, de solidarité et de cohésion sur la voie à emprunter pour re-construire la nation haïtienne. Le Président de la république a un rôle déterminant à jouer en ce carrefour historique.   Il doit  s’élever à la dimension des défis actuels pour se projeter en tant que chef  d’état responsable garant de l’unité nationale indispensable devant aboutir à la récupération de notre souveraineté bafouée, souillée par nos inconséquences. Il doit en permanence s’assurer que les trois pouvoirs fonctionnent harmonieusement. En ce sens, il est impératif que le Président s’asseye rapidement avec les autres branches de l’état afin de trouver une entente honorable capable de sauvegarder la cohésion indispensable devant nous amener à coup sûr vers la stabilité et le progrès du pays.

Fait à Port-au-Prince, le 21 novembre 2011

Pour la Commission Sénatoriale :



Jeanty Jean William/Président                       ______________________________

François Anick Joseph/Rapporteur              ______________________________

John Joseph Joël/Membre                                ______________________________

Riché Andris/Membre                                       ______________________________

Simon Desras Dieuseul/Membre                   ______________________________