Caricature du Nouvelliste |
Jocelerme Privert a prêté serment comme Président provisoire depuis le 14 février 2016. Sa mission, conformément à l’Accord du 6 Février 2016, est de finaliser le processus électoral en vue de la prestation de serment d’un Président constitutionnel, le 14 Mai. Un Premier Ministre de consensus M. Enex J. Jean-Charles a été ratifié par le Parlement puis installé le 28 mars. Les neuf membres du Conseil Electoral Provisoire devraient être aussi installés sous peu. Ce conseil électoral sera-t-il partisan ?
Conspirations
et manipulations
Depuis quelques semaines, certaines actions du
Secrétaire Général de la Présidence Anthony Barbier sont plutôt inquiétantes.
Bien que les syndicats aient choisi démocratiquement de confirmer leur
candidat, Madame Edith Lourdes Joseph pour le CEP, le Secrétaire Général essaie
de faire un choix personnel n’émanant pas vraiment du secteur syndical. C’est
ce genre de manipulations de Préval et de l’Inite qui avaient permis à Jacques
Belzin d’être aux cotes de Gaillot Dorsinvil au CEP de 2010 avec les résultats
qui s’en suivirent. Le secteur syndical a écrit
deux lettres au Président intérimaire Privert sur ces manipulations. Il en est
de même au niveau des organisations de Droits Humains. Vingt-huit organisations
ont voté pour choisir leur délégué. La personne élue avec dix-huit votes est
Madame Ketly Julien, pourtant le Secrétaire Général du Palais National avec une
personnalité de la Plateforme Haïtienne des Droits Humains ont choisi Jean
Simon St Hubert qui a reçu zéro vote le jour des élections
du secteur Droits Humains. La même chose s’est reproduite avec les
organisations de femmes. Le Secrétaire Général du Palais National, Anthony
Barbier, a ignoré les organisations de femmes, et a conspiré
avec une organisation dénommée SOFA (Solidarite Fanm Ayisien) pour recruter la
personne voulue. C’est la même chose pour trois autres secteurs devant déléguer
des personnalités au Conseil Electoral Provisoire. Allons-nous assister à la
mise en place d’un Conseil Electoral partisan au service du Président
provisoire Jocelerme Privert
chargée de manipuler les résultats des élections comme par le passé ?
Le
conflit électoral : une source permanente de crises politiques en Haïti
La source de toutes les crises politiques des
vingt-cinq dernières années à la base a été un conflit électoral. Depuis 1990
une partie de la classe politique haïtienne, conditionne sa participation aux
élections au contrôle sur le Conseil Electoral Provisoire (CEP) chargé
d’organiser les élections. Le CEP
ayant organisé les élections de 1990 était totalement à la dévotion de ce
secteur. Après les élections, ils furent tous récompenses. Le Président
Aristide nomme Jean Casimir Ambassadeur d’Haïti à Washington, Emmanuel Ambroise
Ambassadeur au Canada, le Président de ce CEP fut nommé Ambassadeur d’Haïti à
Paris, quand le Sénat de la république fit opposition à ce choix, Aristide par
Arrêté présidentiel fit de Jean Robert Sabbalat le Ministre des Affaires
Etrangères.
Le même scénario fut répété en 1995 avec
Anselme Rémy, un proche du secteur Lavalas qui travaillait à l’Université
d’Etat. La manipulation des résultats par les responsables du CEP et le boycott
des deux tours par les partis ont créé une division de Lavalas, qui a donné
lieu à deux partis. L’un de ces partis réunit Aristide et ses partisans, Fanmi
Lavalas qui menaient une politique électorale antidémocratique axée sur la
violence et la manipulation des résultats. L’autre parti a été formé de
l’Organisation Politique Lavalas qui devint l’Organisation du Peuple en Lutte
(OPL) dirigée par Gérard Pierre-Charles. Il faut y ajouter les autres partis de
l’opposition, c’est-à-dire la Convergence Démocratique, Le Grand Front Centre
Droit (GFCD) regroupant le parti Mobilisation pour le Développement National
(MDN) et trois autres partis, et plusieurs autres partis politiques.
Le
recours au coup d’État électoral
Lors des élections du 6 Avril 1997 avec un CEP
sous leur contrôle, Lavalas réalisa un coup d’Etat électoral. L’opposition au
coup d’Etat de Lavalas émergea de la primature quand le Premier Ministre Rosny
Smarth bloqua aux archives nationales les résultats fabriqués par la
présidence. A l’époque René Preval était la doublure d’Aristide. Préval se révoltera
contre Aristide au début de son second mandat en 2006. C’est pour cette raison
que Préval maintiendra Aristide en exil en Afrique du Sud et va exclure Fanmi
Lavalas des elections de 2009. Smarth fut forcé de démissionner mais le faible
taux de participation, moins de 3%, la décision de Smarth et les boycott de
l’ensemble des partis politiques contribuèrent a l’échec coup d’Etat électoral
de Lavalas. Une négociation politique donna naissance a l’Accord du 4 Mars 1999
avec l’Espace de Concertation pour la mise en place d’un CEP équilibré ayant à
sa tête Me. Léon Manus un homme intègre et modéré. Il rassura la classe politique
et les secteurs variés de la société civile. Le 21 Mai 2000, le taux de
participation était de 60%, contrairement au 5% de 1997, l’ensemble des partis
était présent, la sécurité était satisfaisante ainsi que la gestion
administrative. Une fois encore Aristide tenta un nouveau coup d’Etat électoral
en menaçant de mort le président du CEP. Devant ces menaces, Me. Léon Manus, au
lieu de répondre aux diktats d’Aristide et publier de nouveaux résultats des
élections fabriquées par la présidence en lieu et place des résultats
représentant le vote de la population, décida de partir en exil aux Etats-Unis
plutôt que de trahir les principes démocratiques. Une lettre
rendue publique par Manus donne les détails de cette tranche de notre histoire
politique et électorale. Le 26 Novembre 2000 Aristide exécuta un coup d’Etat
électoral avec un CEP qui était dans sa poche. Le taux de participation était
de 1%. Il se donnera 83% de ce taux de participation. Ce coup d’Etat électoral
permit à Aristide de prendre illégalement le pouvoir le 7 Février 2001. Pour
sauver sa présidence le Président Bill Clinton délégua à Port-au-Prince son
Conseiller National à la Sécurité, M. Anthony Lake qui signa avec Aristide un
Accord en huit points pour le retour à l’ordre constitutionnel. Au lieu d’exécuter
l’Accord, Aristide sombra dans des violations systématiques de Droits Humains,
des assassinats politiques de journalistes, de leaders politiques et de membres
de la société civile, incendiant des locaux de partis politiques etc. Toutes
ces exactions ont conduit à sa démission en 2004.
De 2004 à 2006 Le Gouvernement Alexandre
Latortue créa les conditions pour l’organisation des élections. Ces élections
furent acceptables et René Préval devint pour la seconde fois Président
d’Haïti. Il y eut des débats autour de la décision du CEP de compter les votes
blancs qui permirent à Préval de recevoir 51.2% en lieu et place des 49% qui
ouvraient la porte à un second tour.
En 2009 Préval mit en place un CEP à sa solde
qui lui permit de nommer de nombreux conseillers et proches sénateurs de la
république. Parmi ces conseillers on retrouvait John Joel Joseph, Moïse
Jean-Charles, Jocelerme Privert etc...
L’opposition rejeta ce coup d’Etat mais les contestations perdirent leur
intensité. Ces parlementaires mal élus gardèrent leurs sièges.
Les
manœuvres politiciennes de Préval
En 2010, Préval et ses alliés de LESWA-INITE
avec Gaillot Dorsinvil et Pierre-Louis Opont préparèrent un coup d’Etat
électoral. L’objectif était de construire un parti unique en Haïti avec le
contrôle de l’Exécutif, deux tiers des deux chambres du Parlement. Un
amendement constitutionnel contesté en 2009 préparait la route pour ce contrôle
absolu. L’amendement constitutionnel de 2009 à 2012 avait été contesté à cause
de la falsification opérée par le Sénateur Privert, selon les écrits de
plusieurs journaux et des discussions à la radio. Le coup d’Etat électoral de
René Préval en 2010 échoua partiellement. Tout en réussissant à voler plusieurs
postes à la Chambre des députés et au Sénat, Préval et ses alliés perdirent la
Présidence. Malgré tout, en tirant parti de leur mainmise sur le Parlement,
Préval et l’INITE imposèrent l’amendement falsifié.
De 2011 à 2014 par des blocages systématiques,
une partie de l’opposition empêcha la tenue des élections. L’objectif était le
contrôle absolu du conseil électoral. Ce document
présente ces efforts de blocages de 2011 à 2014. A travers un Accord
politique, après les violences des rues, ayant pris le contrôle absolu du
Conseil Electoral Provisoire et partiel du gouvernement en Janvier 2015, cette
opposition
(Lavalas-MOPOD-INITE-FUSION) qui bloquait le processus électoral, décida
de se rendre aux élections. Les élections Législatives du 8 Aout 2015 étaient
caractérisées par la violence. 85 partis politiques ont participé à cette
violence, ainsi qu’aux irrégularités, à l’usage de la fraude et aux déficiences
administratives et techniques. Le 25 Octobre 2015 pour le second tour des
Législatives et le premier tour des présidentielles ce fut une réussite. Le 27
Octobre des candidats à la présidence, des mauvais
perdants, sans aucune documentation et en utilisant des rumeurs lancèrent une
campagne pour discréditer ces élections et demander leur annulation. Cette
campagne trouva un écho chez des journalistes qui accompagnaient ces candidats.
Le résultat c’est que le processus fut remis en question et une Commission
d’Evaluation Electorale fit des recommandations
à appliquer, pour le second tour des présidentielles entre les deux candidats
qualifiés, Jovenel Moïse et Jude Célestin.
Le
danger des manipulations de Privert : la dégradation du climat politique
Entre temps le mandat du Président Michel
Martelly prit fin et grâce à un Accord
entre l’Exécutif et le Législatif pour la continuité constitutionnelle, le Président
du Sénat Jocelerme Privert fut élu au second degré Président intérimaire d’Haïti
pour 120 jours dans le but de finaliser les élections et de s’assurer qu’un
Président constitutionnel choisi par le peuple à travers ces élections puisse
prêter serment le 14 Mai 2016. Mais Privert semble vouloir fabriquer une
machine électorale à sa dévotion.
Il est important que le Conseil Electoral qui
sera nommé cette semaine soit indépendant. Si les informations ci-dessus sont
confirmées, Haïti s’oriente vers une dégradation rapide de la situation
politique et une instabilité chronique.