Tuesday, October 4, 2011

Rapport de la Commission Sénatoriale Spéciale chargée d’examiner le dossier du Premier Ministre Désigné, Dr Garry CONILLE



Introduction et Mise en Contexte

Le 5 septembre 2011, par lettre du Président de la République, Son Excellence Joseph Michel MARTELLY, le Docteur Garry CONILLE a été désigné comme Premier Ministre et le Corps législatif convoqué à l’extraordinaire par arrêté en date du 7 septembre 2011, à l’effet de poursuivre le processus de ratification de ce choix. Pareille procédure enclenchée antérieurement à la Chambre des Députés a conduit à un vote positif de l’Assemblée en date du 16 septembre 2011. Par la suite, le Président du Sénat de la République, l’Honorable Jean Rodolphe JOAZILE, par lettre en date du 21 septembre 2011, a invité le Premier Ministre désigné à faire le dépôt de ses pièces par devant le bureau du Sénat en vue des suites nécessaires.

Formation de la Commission Sénatoriale Spéciale

Une Commission spéciale a été formée au cours de la séance plénière du 20 septembre 2011. Les membres sont au nombre de (8) huit et répondent aux noms de:

1.- Sénateur Dieuseul Simon Desras          Président
2.- Sénateur Fritz Carlos Lebon                  Rapporteur
3.- Sénateur John Joël Joseph                    Membre.
4.-Sénateur Steven I. Benoit                       Membre.
5.-Sénateur François Anick Joseph            Membre.
6.-Sénateur Moïse Jean Charles                 Membre.
7.-Sénateur Jean Willy Jean Baptiste          Membre.
8.-Sénateur Nènèl Cassy.                           Membre.

Le dépôt des pièces

Dans la matinée du 21 septembre 2011, le Premier Ministre désigné a fait, par devant les membres de cette Commission spéciale, le dépôt des pièces suivantes:
1)       son acte de naissance;
2)       les actes de naissance de ses père et mère dont les dates de naissance respectives sont les suivantes: 9 juin 1942 et 14 septembre 1940;
3)       l’acte de naissance de son grand-père, M. Roc Jacques André Beauséjour Conille, né le 16 août 1915;
4)       un Certificat de nationalité délivré par le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique;
5)       un acte de notoriété sur l’identité de Guy Serge Benoit Conille;
6)       un acte de notoriété établissant l’identité de Roc Jacques André Beauséjour;
7)       un jugement rectificatif du nom de son père rendu par le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince en date du 9 septembre 2011;
8)       un jugement rectificatif du nom de sa mère rendu par le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince en date du 9 Septembre 2011;
9)       un jugement rectificatif du nom de son grand-père rendu par le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince en date du 9 Septembre 2011;
10)    son Curriculum Vitae détaillé;
11)    un certificat délivré par la Direction de l’Immigration et de l’Emigration attestant que les passeports soumis à la Commission sont authentiques;
12)    un certificat délivré par le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales via la Direction de l’Immigration et de l’Emigration;
13)    son attestation de résidence délivrée par la mairie de Pétion- Ville;
14)    un Procès-verbal de constat de résidence dressé par le Juge de Paix de Pétion-Ville;
15)    un acte de notoriété portant sur la résidence de M. Conille et dressé par le Juge de Paix de Pétion-Ville;
16)    son casier judiciaire délivré par le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince;
17)    un Certificat délivré par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (PNH) attestant que Dr Garry Conille ne fait l’objet d’aucune poursuite policière;
18)    un récépissé de la Direction Générale des Impôts (DGI) relatif au paiement des taxes pour l’obtention d’un Certificat de bonnes vies et mœurs;
19)    un certificat de l’Office National d’Identification (ONI) attestant que l’intéressé a sollicité une Carte d’identification Nationale (CIN);
20)    un certificat de patente au No 2107066003 pour l’exercice fiscal 2010-2011 attestant l’exercice de sa profession de médecin;
21)    son matricule fiscal à jour;
22)    Quatre (4) certificats de déclaration définitive d’impôts couvrant les quatre (4) dernières années fiscales échues;
23)    deux certificats délivrés par le notaire Me Garry Brisson Cassagnol attestant, d’une part, que le sieur Sony Rodney et son épouse ont vendu aux époux Garry CONILLE une propriété sise à Port-au-Prince, et d’autre part, que Monsieur Garry Conille est propriétaire de 5/8 d’un terrain d’une superficie de un (1) carreau ou un (1,29) hectare vingt neuf, situé sur l’habitation Moreau à Morne Calvaire;
24)    trois (3) quittances de la DGI de Pétion-Ville attestant du paiement de la CFPB de la résidence de Garry Conille, à Pétion-Ville, Morne Calvaire, Impasse Lex;
25)    une attestation en date du 31 août 2011 de la CIRH attestant que Dr Garry Conille exerce la profession de médecin en Haïti;

C’est ce dossier qu’il revient à la Commission d’examiner en vue de se prononcer sur la recevabilité du choix fait de Monsieur Garry Conille comme Premier Ministre désigné.

Méthodologie
À la première séance de travail de la Commission, le 22 septembre 2011, la méthodologie de travail a été définie. Dans un premier temps et par souci d’accélérer la procédure, la tâche de vérification des pièces de l’intéressé auprès des institutions concernées a été répartie entre quatre (4) sous-commissions. Dans un second temps, il a été procédé à l’analyse des documents par la Commission Spéciale appelée à produire une opinion sur le choix du Premier Ministre désigné et formuler autant que possible, des recommandations à l’Assemblée des Sénateurs.

Analyse des pièces déposées

La Commission a examiné, sous l’empire des articles 11, 16, 56 et 157 de la Constitution, la question de savoir si le Premier Ministre désigné répond aux critères exigés pour remplir une telle fonction, portant notamment sur:
1.- la nationalité d’origine jamais répudiée;
2.- l’âge de la (30) trentaine révolue;
3.- la jouissance des droits civils et politiques et l’existence d’un casier judiciaire vierge;
4.- la possession d’un bien immobilier ou l’exercice d’une profession;
5.- la preuve de résidence depuis cinq (5) ans consécutifs;
6.- la détention du certificat de décharge dans le cas d’ancien comptable des deniers publics.

La Commission Spéciale crut opportun de s’en rapporter, au cours de la phase de l’analyse du fond des pièces authentifiées, au concours d’experts de formation et de compétence plurielles disponibles au Sénat de la république.

Trois des (4) quatre premiers critères constitutionnels d’éligibilité d’un citoyen comme chef de gouvernement qui figurent au paragraphe ci-dessus ont été appréciés au regard des pièces soumises et cotées #: Un (1), deux (2), trois et quatre (4), etc.

L’analyse transversale de ces documents atteste:
1.- que le citoyen Gary Conille est âgé de 46 ans;
2.- qu’il est né haïtien et n’a jamais renoncé à aucun moment de la durée à sa nationalité;
3.- qu’il possède un immeuble en Haïti.

De la Jouissance des Droits Civils et Politiques

Monsieur Conille, né en Haïti d’un père haïtien et d’une mère haïtienne, n’ayant jamais renoncé à sa nationalité haïtienne, propriétaire de biens fonciers en Haïti où il a exercé la profession de médecin, a bien son domicile en Haïti et le conserve comme au temps de sa naissance, pour n’avoir jamais fait de déclaration contraire, comme le prévoit l’article 93 du Code civil d’Haïti. L’acceptation d’une fonction publique, temporaire ou révocable, n’emporte pas changement de domicile. Seule l’acceptation d’une fonction conférée à vie emporte, au vœu de l’article 94 du Code civil, translation de domicile dans le lieu où le fonctionnaire doit exercer ses fonctions. Toutefois, a été soulevée la question de savoir si M. Conille a joui de ses droits civils et politiques et les a exercés.

Les avis des experts consultés sont partagés sur cette question. En effet, pour certains, Monsieur Conille jouit de ses droits civils et politiques. Il détient un casier judiciaire vierge et peut, dès lors, se prévaloir de sa pleine capacité juridique, comme de fait, il a, en vertu de ses droits, fait récemment l’acquisition de biens mobiliers et immobiliers dans son pays. Par ailleurs, de l’avis des experts, le défaut de présentation de la Carte d’Identification Nationale (CIN) ne devrait pas être considéré comme une cause de rejet de ce choix dans cette conjoncture critique. Le certificat délivré par l’unique organisme compétent en la matière constitue la preuve que Monsieur Conille satisfait au vœu de la Constitution et de la loi, sous le rapport de la jouissance de ses droits civils et politiques.

Pour d’autres experts, au regard de l’article 16 de la Constitution, la qualité de citoyen est constituée par la réunion des droits civils et politiques; elle implique la jouissance et l’exercice de ces droits, ainsi que la soumission à certaines obligations (article 52), au nombre desquelles figurent le vote aux élections et le paiement des taxes. Ne détenant pas sa Carte d’Identification Nationale (CIN), Monsieur Conille n’a voté à aucune élection depuis cinq ans au moins. De ce fait, il n’aurait  pas satisfait à l’une des exigences de l’article 157 de la Constitution, à savoir, la jouissance de ses droits civils et politiques.

La Commission est d’avis que M. Conille a bien la jouissance de ses droits civils et que le fait de ne pas les exercer ne les lui enlève pas. 

Considérations Fiscales

S’agissant de la question de l’impôt sur le revenu, les experts consultés notent que Monsieur Conille, médecin de profession depuis dix (10) ans, est à jour avec le paiement de ses impôts. Pour eux, l’exercice d’une profession ou la propriété d’un bien immobilier exigent dans l’un et l’autre cas la soumission aux impôts. À ce titre, le Docteur Conille a versé dans le dossier, à l’appui de sa candidature, une série de récépissés délivrés par la DGI, lesquels attestent de la bonne tenue de ses registres de redevances fiscales versées à l’État haïtien.

De surcroît, le statut de Haut fonctionnaire de M. Conille au sein d’une institution engagée dans la diplomatie multilatérale est celui d’un diplomate. En porte témoignage la remise de ses lettres de créance au Premier Ministre du Niger où il exerçait les fonctions de Représentant résident du PNUD et de Coordonnateur résident des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies. Des prélèvements ont été indubitablement et immanquablement effectués sur son salaire pendant toute sa carrière aux Nations-Unies. D’après l’article 3.3 du statut du personnel de l’ONU et la résolution 973A(X) de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, si les recettes ainsi obtenues ne sont pas employées autrement, elles contribuent aux cotisations de la République d’Haïti à cette organisation. De ce fait, Monsieur CONILLE bénéficie de l’exonération fiscale en Haïti sur les traitements perçus aux Nations Unies.

En outre, il résulte des faits et documents que Monsieur Conille a été engagé dans les rangs de cette organisation d’abord comme employé local en Haïti et sur la base du quota haïtien pour l’embauche des agents et des fonctionnaires de ladite institution. (Voir article 101 alinéa 3 de la charte des Nations-Unies).

Ce raisonnement n’est pas partagé par d’autres experts de la Commission qui observent que le décret du 5 octobre 2005 modifiant celui du 29 septembre 1986 relatif à l’impôt sur le revenu retient parmi les personnes physiques imposables celles «ayant leur domicile fiscal en Haïti en raison de l’ensemble de leurs revenus» (art. 4a). Bien plus, au nombre de ces personnes qui ont leur domicile fiscal en Haïti, on relève notamment:
1)   celles «qui ont en Haïti leur foyer ou qui y séjournent pendant plus de cent quatre-vingt-trois (183) jours au cours d’une année d’imposition» (art. 5a);
2)   les «agents de l’Etat qui exercent leur fonction ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de leurs revenus» (art. 5d).

Il résulte de cet énoncé légal que les fonctionnaires internationaux de l’ONU ou de toute autre Organisation internationale, de nationalité haïtienne ne sont pas mentionnés dans ce décret. L’article V, Section 18b de la Convention de 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies dispose: «Les fonctionnaires internationaux sont exonérés de tout impôt sur les traitements et émoluments versés par l’ONU». Cependant, le Règlement du Personnel révisé en 2002, à l’article 3.3f ne s’oppose pas à ce que l’État haïtien opère des retenues sur les revenus d’un fonctionnaire international de l’ONU de nationalité haïtienne.

Au plan fiscal, il n’existe donc aucun obstacle à la recevabilité du candidat désigné à la fonction de Premier Ministre.

Considérations sur la Carte d’Identification Nationale
La Commission a pu constater que M. Conille n’a pas présenté sa Carte d’Identification Nationale exigée par l’article 11-a du Décret du 1er juin 2005 sur la carte d’Identification Nationale, à tout citoyen qui doit occuper une fonction publique et politique. Cependant, la Commission Spéciale a trouvé dans le dossier un certificat authentifié, émané de la Direction de l’ONI, attestant que M. Conille a bien produit une demande y relative et qu’elle n’a pas été en mesure de délivrer la carte pour des raisons techniques (voir: Certificat de l’ONI).

Ce certificat a fait l’objet d’une analyse soutenue ayant donné lieu à des débats contradictoires, car le décret créant la carte d’identification nationale n’exige pas, en la matière, un certificat, mais bien une carte. Cependant, cette analyse a permis de comprendre que le certificat, dans ce cas précis, sert de tenant lieu. En effet, il s’agit bien, en l’espèce, d’une défaillance de l’ONI dont le citoyen ne peut être tenu pour responsable.

De plus, l’article 3 dudit décret fait obligation à l’Etat de délivrer aux citoyens la Carte d’Identification Nationale. Il précise, en effet:
«La Carte d’Identification Nationale est délivrée à tout haïtien ou haïtienne qui a atteint l’âge de dix huit (18) ans accomplis. La délivrance de la Carte d’Identification Nationale est une obligation de l’Etat. La première délivrance de la Carte d’Identification Nationale est gratuite.»

En vertu de ce qui précède, et étant donné que la loi ne fixe aucun délai pour qu’un citoyen sollicite cette carte, la Commission Spéciale juge que le Premier Ministre désigné satisfait à cette exigence légale.

Le critère de la résidence

La Commission Spéciale a tenu à examiner la question de résidence de M. Conille en Haïti au cours des cinq dernières années.

A cet égard, certains experts affirment que Monsieur CONILLE n’a pas résidé dans le pays depuis sept années consécutives. Récemment, il représentait au Niger non pas son pays mais travaillait, à titre personnel, pour l’ONU. Il ne remplirait donc pas la condition de résidence posée à l’article 157 de la Constitution. Lorsque cet article exige que le candidat à la fonction de Premier Ministre réside dans le pays depuis cinq années consécutives, le constituant avait à l’esprit que ce candidat devait être bien imprégné de la réalité politique et socio-économique du pays pour pouvoir s’attaquer efficacement aux problèmes liés à ces aspects.

Seuls les chefs et membres des missions diplomatiques d’Haïti auprès d’États ou d’organisations internationales sont considérés comme résidents en Haïti et relèvent de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques qui ne fait référence nulle part aux fonctionnaires internationaux de l’ONU ou de toute autre Organisation Internationale (OI).

Ces agents diplomatiques représentent Haïti et reçoivent continuellement des directives de la part de leur gouvernement. De plus, ils doivent faire rapport à leur État sur ce qui se passe dans le pays accréditaire et s’informer de la situation globale de leur pays pour pouvoir mieux vendre son image.

Les privilèges et immunités dont tous les fonctionnaires internationaux de l’ONU jouissent «leur sont nécessaires pour exercer en toute indépendance leurs fonctions en rapport avec l’Organisation» (Art.105, paragraphe 2 de la Charte), 2econsidérant et article 2, section 14 de la Convention de 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies et article 1.1f du Statut du personnel de l’ONU révisé en 2009). Le Secrétariat Général de l’ONU, à travers ces privilèges et immunités, s’efforce de soustraire ces fonctionnaires aux pressions et aux influences des États membres et notamment l’État national.

D’autres experts réfutent ces arguments. Ils signalent que relativement au critère constitutionnel traitant de la résidence du Docteur Conille, la Commission Spéciale doit orienter son travail à la lumière du droit interne et du droit international public.

Au premier compte, les certificats délivrés par les différentes autorités haïtiennes appartenant tant à l’administration centrale de l’État qu’au pouvoir judiciaire, tous deux crus jusqu’à inscription de faux, attestent qu’une résidence légale assimilable au domicile et/ou à une demeure, a été maintenue par le Docteur Garry Conille depuis une période de bien plus longue durée que celle de cinq (5) ans minimum requise par la Constitution.

En second lieu, en vertu de la notion de l’exterritorialité ou extraterritorialité, la résidence du diplomate constitue une excroissance du territoire du pays représenté par ce dernier. La même solution doit être appliquée aux fonctionnaires internationaux à qui il est délivré une catégorie de visas liée exclusivement à leur fonction. Bien plus, il est généralement demandé par les Nations-Unies à leurs fonctionnaires du siège de renoncer à leur statut de résident permanent aux États-Unis d’Amérique du Nord. En sa qualité de haut fonctionnaire, il a eu à exercer pour l’organisation des fonctions diplomatiques comme souligné plus haut. Ces experts s’appuient sur l’article de la Convention de Vienne de 1961 ainsi que sur le rapport du Secrétaire Général du 7 août 2006 et sur l’article 5-3 du statut du personnel des Nations-Unies.

Ainsi à ce double compte, le Docteur Garry Conille satisfait à cette cinquième exigence constitutionnelle applicable à sa candidature, la sixième ne lui étant pas opposable puisqu’il n’a jamais été comptable de deniers publics.

Ces arguments n’ont pas convaincu certains experts. Ceux-ci soutiennent que la question de résidence n’a rien à voir avec la notion d’exterritorialité qui n’est pas consacrée par le droit international public positif. Cette théorie qui veut que les locaux de la mission soient considérés comme une sorte de portion du territoire national à l’étranger échappant à la juridiction territoriale de l’État accréditaire a été jugée erronée et abandonnée parce qu’elle aboutirait à des solutions inacceptables sur le plan du droit.

Cette théorie a été forgée au 17e siècle pour justifier les privilèges et immunités dont jouissent les locaux d’une mission diplomatique à l’étranger ainsi que son chef et ses membres. D’ailleurs, la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques n’en a pas tenu compte car elle justifie l’existence des privilèges et immunités par le caractère représentatif des agents diplomatiques et de la mission diplomatique et par les nécessités fonctionnelles. Aussi le préambule de cette convention affirme-t-il que: «(…) le but desdits privilèges et immunités est non pas d’avantager les individus mais d’assurer l’accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentant des États».

Pour ce qui est des fonctionnaires internationaux de l’ONU, l’article 105, paragraphe 2 de la Charte), le 2e considérant et l’article 2, section 14 de la Convention de 1946 sur les privilèges et immunités des Nations Unies et article 1.1f du Statut du personnel de l’ONU révisé en 2009) ne leur octroient pas ces privilèges et immunités parce qu’ils représentent leurs États ou sont des diplomates mais parce qu’ils «leur sont nécessaires pour exercer en toute indépendance leurs fonctions en rapport avec l’Organisation».
Bien plus, les fonctionnaires de l’ONU ne bénéficient de la protection fonctionnelle et non diplomatique de l’organisation dans l’exercice de leurs fonctions (Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, avis consultatif, CIJ, 1948).
Il est évident que seuls les chefs et membres des missions diplomatiques d’Haïti auprès d’États ou d’organisations internationales sont considérés comme résidant en Haïti et relèvent de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques qui ne fait référence nulle part aux fonctionnaires internationaux de l’ONU ou de toute autre organisation internationale (OI).

Conclusion et recommandations
L’analyse du dossier du Premier Ministre désigné a été faite à la lumière des dispositions de l’article 157 de la Constitution Haïtienne, des Conventions ratifiées par Haïti et des lois de la République. Dans l’accomplissement de sa mission, la Commission Spéciale a pris le soin de recueillir l’avis de divers experts tant en droit public interne et international qu’en droit privé afin de faire le point sur un ensemble de questionnements légitimes concernant le dossier du Premier Ministre désigné. Assistée par des cadres supérieurs et consultants tant du Sénat de la République qu’ailleurs, ladite Commission reconnaît avoir analysé avec sérénité, sérieux et minutie le dossier de l’intéressé tout en tenant compte des préoccupations de chacun de ses Membres. Au terme de son travail, elle a l’avantage de soumettre son rapport à l’Assemblée des Sénateurs en conformité avec l’article 198 des Règlements intérieurs du Sénat de la République.

Honorables Collègues l’Assemblée, le moment est venu pour nous de prendre une chance, pas pour nous, mais pour Haïti. La patrie est aujourd’hui menacée par des actions illégitimes au sein de l’Administration Publique que seul un gouvernement établi peut arrêter. Toutefois, ce gouvernement aura le souci de l’équilibre démocratique, d’une bonne gouvernance et d’un partage équitable des pouvoirs. De part et d’autre, il faudra accepter la concertation.  Haïti d’abord!

Nous sommes tout aussi convaincus, chers collègues de l’assemblée, que le temps est venu pour nous, au-delà de notre petite personne, d’offrir une chance aux générations montantes et de fermer à jamais, chez nous, les portes de l’angoisse.

Il est grand temps de pouvoir dire à nos filles et nos fils que: «Demain ne sera plus comme hier et qu’il leur est permis de reprendre confiance en eux-mêmes et dans leur pays»

Honorable Président, Messieurs les Membres du Bureau, chers Collègues de l’Assemblée, l’installation d’un nouveau Gouvernement  en Haïti constitue aujourd’hui une condition sine qua non pour le bon fonctionnement des institutions et l’avancement du pays. Sans avoir la prétention d’avoir accompli une œuvre parfaite, la Commission est convaincue  d’avoir fait un travail qui saura répondre à vos attentes.

Nonobstant certains points encore discutables qui ont fait l’objet des débats animés au cours de nos séances de travail au cours desquelles les points de vue contradictoires ont été également appréciés, et tenant compte des impératifs d’une conjoncture nationale dont il faut reconnaître la précarité, la Commission recommande à l’assemblée des honorables Sénateurs de ratifier le choix du Premier Ministre Désigné, Dr Garry CONILLE.

Présenté au Bureau du Sénat le 29 septembre 2011, pour être distribué à tous les honorables Sénateurs de la république, conformément à la résolution adoptée en la séance plénière du 21 Septembre 2011.

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