Wednesday, May 11, 2011

AMENDEMENT CONSTITUTION: LES ACROBATIES SÉMANTIQUES DE MIRLANDE MANIGAT SONT UN DANGER POUR L’AMÉNAGEMENT DU CRÉOLE HAÏTIEN Par Robert Berrouët-Oriol








La publication en ligne a le mérite, que je salue volontiers, de donner accès ce dimanche 8 mai 2011, au texte « Haïti - Constitution : Mirlande Manigat sort de son silence sur l’amendement de la Constitution » (Texte Manigat reproduit plus bas).

J’ai lu ce texte avec la meilleure attention et je me dois, Madame, de partager, avec vous et avec d’autres lecteurs de cette lettre ouverte, mes profondes inquiétudes quant à l’opinion que vous exprimez à propos du « problème de la langue en Haïti »…

Il y a des préalables éthiques et herméneutiques à mon propos : vous êtes mon aînée et je commettrai ma lettre ouverte dans le respect des règles habituelles qui gouvernent les échanges et débats publics entre pairs. Cela étant dit, je puis vous assurer, Madame, que je ne vous ferai aucun « cadeau » dans cette lettre ouverte, « cadeau » qui serait de l’ordre du ‘lese grennen’ ou du ‘kase fèy kouvri sa’, du ‘ jan l pase l pase’, à l’oeuvre dans une certaine sous-culture haïtienne pré-scientifique, sous-culture de compromission à tous crins, de bouzinaj politik jeneralize, borgne et amnésique, voire tolérante jusqu’à la mutité la plus toxique…
Madame, c’est précisément la dangerosité et la toxicité de votre extraordinaire opinion de « constitutionnaliste» à propos du créole et de la version créole de la Constitution haïtienne de 1987 que je conteste publiquement aujourd’hui.

PREMIÈRE INTOXICATION MANIGATISTE
À propos de la fort contestée tentative d’amendement constitutionnelle en cours ces jours-ci en Haïti, vous affirmez, Madame, et dehors de toute référence connue et reconnue en jurilinguistique, que « S’agissant d’une opération concernant la Loi-mère, on s’étonne que l’un et l’autre texte n’aient pas respecté la dualité linguistique proclamée dans la Constitution.»

D’entrée de jeu, Madame, vous induisez vos lecteurs en erreur –et cette erreur, qui atteste votre pitoyable méconnaissance de la situation linguistique haïtienne--, vous conduit à formuler des assertions toxiques et dangereuses pour l’aménagement tant du créole que du français en Haïti. Car selon notre Charte fondamentale il n’y a pas de « dualité linguistique proclamée dans la Constitution » : il y a bien, en Haïti, deux langues officielles, le français et le créole, et notre Loi-mère consigne que « Sèl lang ki simante tout Ayisyen nèt ansanm, se kreyòl la » (atik 5, Konstitisyon Repiblik Ayiti 1987). Hier comme aujourd’hui, il faut en mesurer les exigences au plan constitutionnel. Je vous invite donc instamment, Madame, à bien comprendre, désormais, les sèmes définitoires du terme « dualité » : « caractère de ce qui comporte deux principes différents, de ce qui est double.» Vous conviendrez avec moi, Madame, qu’en ce qui concerne la Constitution de 1987 et au plan de la configuration notionnelle du terme « dualité », nous sommes plutôt en présence d’un principe constitutionnel unique, le statut officiel des deux langues haïtiennes, et de l’unicité du principe linguistique intrinsèque à la Constitution de 1987, Charte fondamentale qui est historiquement attestée non pas en un double téléologique, mais bien dans les deux langues officielles du pays. En clair : le peuple haïtien a voté par référendum une seule Constitution, rédigée dans les deux langues haïtiennes.

Votre approche est porteuse d’une grande confusion conceptuelle car votre prétendue « dualité linguistique proclamée dans la Constitution » pourrait ouvrir la porte à deux régimes linguistiques, à deux traitements linguistiques : une Constitution ‘réservée’ aux créolophones, versus une Constitution amendée par la 49e Législature uniquement en français et qui serait, en toute hypothèse, destinée aux francophones (voir la judicieuse mise en garde de Jean André Victor dans Le Nouvelliste du 5 mai 2011).


DEUXIÈME INTOXICATION MANIGATISTE
Quant à la configuration bilingue de L’UNIQUE Constitution haïtienne de 1987, vous dites bien que « Celle-ci a été votée et publiée dans les deux langues, mais il lui manque une disposition que l’on retrouve à la fin de certains textes nationaux dans un pays bi ou trilingue ou dans des documents internationaux, à savoir les deux versions faisant également foi. Autrement dit, l’État, les juristes pourraient se référer à l’une ou l’autre version.»

Diantre ! Madame ! Quelle joie de vous lire ! Voici qu’enfin une voix autorisée sous le ciel claudiquant et mutique d’Haïti confirme –comme ne cesse de le proclamer Georges Michel, membre de l’Assemblée constitutionnelle de 1987--, que notre Charte fondamentale a été rédigée, votée et publiée dans nos deux langues officielles…
Permettez-moi de vous signaler, Madame, que dans notre récent livre de référence, «L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » (Éditions du Cidihca, Montréal, février 2011) --dont la version haïtienne paraîtra en juin 2011 aux Éditions de l’Université d’État d’Haïti--, nous avons clairement identifié la lacune provisionnelle de la Constitution de 1987 relative au traitement linguistique paritaire que l’État a l’obligation d’appliquer lors de la rédaction de tout texte administratif et/ou juridique officiel, ou de tout autre document officiel émanant de l’État, dans les deux langues officielles du pays, bien au-delà de l’obligation de simple diffusion ou de publicité tel que prévu par l’article 40. Qu’est-ce à dire ?

Vous faites également fausse route, et comme aiment à le dire nos collègues juristes, vous errez au plan jurisprudentiel en laissant croire que l’absence de la formule consacrée « les deux versions font également foi » puisse éteindre la responsabilité et l’obligation relevant de l’État d’entamer tout processus d’amendement de la Constitution dans les deux langues officielles du pays. Mais, Madame, la non consignation de cette formule induit impérativement, au plan jurilinguistique, que les deux versions officielles, la créole et la française, sont égales au plan constitutionnel et qu’il ne peut y avoir de processus d’amendement dans l’une des langues officielles en dehors de l’autre.

Dans mon article « L'AMENDEMENT CONSTITUTIONNEL DE MAI 2011 ANNONCE-T-IL UN COUP D'ÉTAT CONTRE LA LANGUE CRÉOLE D'HAITI ? » paru dans Le Nouvelliste du 6 mai 2011, j'ai ouvertement défendu le mode opératoire qui relève de la jurilinguistique et de la terminologie, deux 'sciences régionales' de la Linguistique. Oyez : « Puisque la Constitution de 1987 a été votée « article par article » dans les deux langues officielles du pays, il est admis que ce mode opératoire, au plan jurilinguistique, a valeur de jurisprudence et devrait faire obligation à l’actuel Parlement de voter l’amendement constitutionnel, qu’il croit pouvoir instituer, selon le même mode opératoire, « article par article » dans les deux langues officielles du pays.»

Permettez-moi, Madame, d’insister l{-dessus : dans l’actuelle tentative d’amendement constitutionnel, il ne s'agit pas d'une 'simple' traduction d'une version française en créole –et certainement pas, en fin de processus, { l’aube du 9 mai 2011 !--, mais plutôt de la rédaction en amont et simultanément, « article par article », de la totalité des textes à amender dans les deux langues officielles avec le souci d’une stricte équivalence notionnelle, donc terminolinguistique entre les versions française et créole. Je le redis, au plan théorique comme sur le registre de leur méthodologie, la linguistique et la jurilinguistique ne sont pas des sciences aléatoires ou de ‘divination’ fantaisiste ou de l’{-peu-près notionnel. Il est donc tout à fait intolérable que la complexe question linguistique haïtienne, de votre part, soit traitée avec autant d’amateurisme et de légèreté…


TROISIÈME INTOXICATION MANIGATISTE
Et lorsque vous assumez, Madame, bien candidement il est vrai, qu’ « Autrement dit, l’État [et], les juristes pourraient se référer à l’une ou l’autre version » de la Constitution, vous effectuez une scandaleuse néantisation/banalisation et de la langue créole et de son statut officiel puisque le projet actuel au Parlement ne consigne que la version française des amendements à examiner. Or dans l’actuelle conjoncture, où il ne serait nullement question d’amender la version créole de notre Loi-mère, il importe au plus haut point de faire valoir que la Constitution de 1987 fournit bel et bien une orientation jurilinguistique (article 40) incontournable, qui pose au plan heuristique l’exigence de la stricte équivalence notionnelle (donc traductionnelle et terminologique) entre deux versions de tout amendement présumé de la Constitution haïtienne. Il ne s’agit donc pas de naviguer d’une version { l’autre ou de se référer { l’une ou l’autre version, la créole ou la française --quand ? comment ? et pour quels motifs juridiquement fondés ? Il s’agirait plutôt de parvenir en amont à une vision consensuelle de l’égalité statutaire entre le créole et le français –langues officielles déjà égales au plan jurilinguistique et constitutionnel--, pour que nos deux langues soient traitées sur un même pied d’égalité par l’actuel Parlement lorsqu’il se croit porteur d’un projet légitime de révision constitutionnelle.

J’estime tout { fait justifié d’avancer, Madame, que lorsque drapée sous votre intarissable bavardage sémantico-juridique, vous donnez libre cours à pareils errements juridico-constitutionnalistes, vous participez d’une inadmissible néantisation et du statut officiel de la langue créole et de sa place dans les tractations actuelles relatives à un présumé amendement constitutionnel. Aujourd’hui, il importe au plus haut point de faire valoir que le Parlement doit, au plan jurilinguistique, se référer aux deux versions officielles de la Constitution de 1987. Et en tirer sans délai les conséquences en dehors de cette ténébreuse « logique » prédatrice et hélas si petitement politicienne que vous semblez fort aise corroborer, et selon laquelle « la fin justifie les moyens »…


QUATRIÈME INTOXICATION MANIGATISTE
Mais de quelle éthique peut donc désormais se réclamer Mirlande Manigat, « brillante constitutionnaliste » [ah bon ?], lorsqu’elle est caution intellectuelle d’un processus d’amendement constitutionnel frauduleux en ces termes : « Dans la mesure où d’autres conditions seraient respectées, il ne semble pas trop laxiste de ne considérer qu’un texte français comme mesure probatoire, à charge pour les responsables politiques d’effectuer cette action postérieure de diffusion et d’explication des amendements réclamés et adoptés, ce qui aurait du être fait dès la première phase. Nous sommes donc en présence d’une anomalie à la fois sociologique et politique, mais pas d’un cas de nullité juridique qui bloquerait automatiquement le reste de la procédure » ? Certain anthropologue haïtien, élève du structuraliste Claude-Lévi Strauss, consigne que dans la tradition des pêcheurs affrontant le Nordé de La Gônave depuis 1804, il est un art de l’esquive, de l’affabulation et du magouillage dont ne se sont pas encore emparé nos romanciers les plus talentueux… Vous connaissez ?

Madame, le lecteur comprendra sans difficulté la gravité tout à fait scandaleuse ainsi que la forfaiture qu’ici vous assumez pince-sans-rire : il ne serait donc pas trop… laxiste « de ne considérer qu’un texte français » dans la mesure où tous les actants auraient préalablement entériné des « conditions » (des magouilles ?) dont ont devine la nature et les finalités dans la conjoncture actuelle ? Basta ! Ici s’exprime ouvertement votre mépris et pour la langue créole et pour son statut de langue officielle –ce en quoi vous vous placez sur le registre de l’illégalité de la forfaiture constitutionnelle. Car, dans votre système d’exclusion de la langue créole dans le présumé processus d’amendement constitutionnel actuel, vous n’hésitez pas { plaider –à rebours de l’Histoire--, pour d’illégales « mesures probatoires » qui néantiseraient non seulement le créole mais surtout les droits linguistiques de la majorité créolophone du pays.

Privée d’arguments jurilinguistiques cohérents et défendables, vous vous réfugiez, Madame, sous un voile d’arguties selon lequel il serait loisible « d’effectuer cette action postérieure de diffusion et d’explication des amendements réclamés et adoptés ». Alors, exit le créole, exit les droits linguistiques de la majorité créolophone du pays, votons une « nouvelle constitution » en gardant aux oubliettes de la mémoire de la nation la Constitution bilingue de 1987… Mais Madame, vous avez jusqu’ici cultivé l’image d’une « constitutionnaliste » respectueuse de la Loi : voici que vous avalisez maintenant une énième violation de la Constitution que vous vous dites défendre du bec et des ongles…

Enfin je note, Madame, que sur le fond du débat actuel, vous préférez louvoyer, souffler le chaud et le froid, verser dans l’approximatif brumeux, le compromis conceptuel borgne, voire dans la compromission claudiquante, dans l’à-peu-près ‘à l’haïtienne’, car encore une fois vous vous souciez d’éviter de trancher en toute rigueur intellectuelle et historique, pour à la fois plaire et ne pas déplaire… mais à qui ? En niant l’essentiel de l’éclairage qu’il importe d’apporter aujourd’hui sur la problématique linguistique haïtienne, vous faites reculer la pensée critique haïtienne de plusieurs décades …


PISTE OUVERTE AUX ÉCHANGES
La langue créole n’est pas seulement un outil de campagne électorale utilisé pour séduire, berner ou communiquer avec « la masse créolophone », qu’on a vite fait d’oublier une fois les résultats proclamés. N’est-ce pas ? Le créole, en tant que langue officielle, a droit au respect absolu de tous les citoyens haïtiens et aux mêmes égards que le français. Les unilingues créolophones ont des droits linguistiques tout comme les ‘privilégiés’ bilingues et créolophones…

Pouvez-vous, Madame, réfléchir à cette configuration réelle du champ sociolinguistique haïtien selon la vision de l’équité des droits linguistiques de tous les Haïtiens que nous avons hautement posée dans notre livre de référence « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » ?
Je vous le souhaite vivement.

Bien cordialement,

Robert Berrouët-Oriol
Linguiste-terminologue
tradutexte.inter@hotmail.com
[NDLR : Robert Berrouët Oriol, linguiste-terminologue, poète et critique littéraire, est coauteur de la première étude théorique portant sur « Les écritures migrantes et métisses au Québec » (Ohio 1992). Sa dernière oeuvre littéraire, « Poème du décours » (Éditions Triptyque, Montréal 2010), a obtenu en France le Prix de poésie du Livre insulaire Ouessant 2010. Il est également coordonnateur et coauteur du livre de référence « L’aménagement linguistique en Haïti : enjeux, défis et propositions » paru en février 2011 aux Éditions du Cidihca à Montréal
__._,_.___

L’amendement de la Constitution de 1987 : les leçons du passé, le poids du présent par Mirlande Manigat, 
Vice-Rectrice de l’Université Quisqueya


En plus de deux siècles, nous avons engrangé un héritage constitutionnel riche en enseignements, éclairants et utiles pour une meilleure appréhension du présent.

Dans l’histoire du constitutionnalisme, Haiti occupe d’ailleurs une place significative dans l’ordre de création juridique, car elle a produit, avant l’indépendance, le 8 juillet 1801, une première mouture avec la Constitution louverturienne et, le 20 mai 1805, la troisième Constitution moderne, après les États Unis (17 septembre 1787) et la France (3 septembre 1791). Les premiers ont conservé le texte originel, mais 27 Amendements l’ont transformé sur bien des points et leur importance autorise à soulever l’hypothèse que ces révisions majeures ont tenu lieu de nouvelles Constitutions. La France, elle, en a adopté une quinzaine et la dernière en date, celle de 1958, a subi une douzaine d’amendements.  Haiti quant à elle en a généré 22.

On peut estimer qu’il s’agit, dans notre cas, d’une boulimie stérile ou, au contraire, s’appliquer à rechercher la richesse qui se dégage de ce nombre impressionnant, car élaborer une nouvelle Constitution est une option à laquelle les dirigeants du passé ont recouru pour des raisons différentes tirées des conjonctures successives, mais qui ont obéi à une volonté de changement, à l’exploitation de situations propres à ces mutations et, certainement, à la croyance ou à l’illusion que cela était souhaitable et surtout possible à un moment donné.  L’appréciation de ces efforts ne neutralise toutefois  pas la lucidité de l’analyse.

L’histoire nous oblige à dégager le sens profond de ces évolutions constitutionnelles,  entre d’une part, un raidissement du Pouvoir Exécutif commencé déjà sous Pétion et poursuivi avec Boyer, de l’autre une progression du pouvoir parlementaire, produit du  libéralisme qui a marqué certaines périodes, comme par exemple entre la révolution de 1843 et l’arrivée au pouvoir de Boisrond Canal en 1876. Elle nous incline à mettre à jour des mouvements pendulaires qui ont marqué les oscillations du 19ème siècle,  pétrifiés dans la tension entre la recherche de la modernité à travers des Constitutions qui consacraient la formation et les idées des élites politiques et sociales  et les réalités du pouvoir fortement marqué par l’autoritarisme, d’abord militaire (tous les chefs d’Etat étaient issus de l’armée ou s’affublaient du titre de général comme Salomon et Michel Oreste aura été le premier président civil en 1913), mais aussi en dehors des casernes, incarné dans un personnage tel que Sténio Vincent qui, malgré sa culture et son expérience parlementaire, a vigoureusement combattu les Sénateurs et a produit, avec la Constitution de 1935, le texte le plus dictatorial avant les Chartes duvaliériennes.

L’histoire du constitutionnalisme haitien est marqué par ce rapport entre la volonté de changement par le Droit (les artisans de la révolution de 1843  présentaient bien leur mouvement comme étant l’ère de la régénération) et les réalités politiques fortement marquées par la dominante militaire. Et dans ce rapport inégal, le résultat se rapproche D’avantage du propos prêté au Président Antoine Simon, mais dont il ne détient pas le monopole Konstititisyon cé papié, bayonèt cé fè que d’une progression continue et soutenue vers l’état de droit.

Voila pourquoi il est illusoire et même stérile de rechercher quelle a été la meilleure Constitution de notre histoire. A cet égard, on peut rappeler que, compte tenu des contingences du moment, celle de 1843, affublée de l’étiquette péjorative de "`petit monstre", avait représenté une tentative de modernisation des institutions et des pratiques, mais elle n’a jamais été appliquée;  elle a sombré dans les péripéties de cette époque troublée et Rivière Hérard en a fait un spectaculaire autodafé. Par contre, "l’immortelle" de 1889 qui a duré 29 ans ne doit pas cette longévité à ses mérites intrinsèques, car le produit fini n’a pas correspondu à la qualité des débats de la constituante qui l’a vu naître (en particulier le fameux duel oratoire entre Antênor Firmin et Léger Cauvin). La dernière en date de nos Chartes, a elle aussi, reçu le label de meilleure et le doute méthodologique m’avait conduite à remonter le temps, à lire, analyser les 21 précédentes en les replaçant dans leur contexte de gestation; du point de vue de la production normative, elle a confirmé ou fait resurgir bien des apports anciens; elle en a généré de novateurs, mais elle n’est pas la meilleure de notre patrimoine. L’accueil enthousiaste qui l’avait saluée tient plus d’un soulagement, d’une opération de catharsis collective : on l’a parée de toutes  les vertus rédemptrices parce qu’elle était née. Cela suffisait et peu de gens l’avaient lue et soupesé ses implications pratiques.

La remise en vigueur d’une ancienne Constitution
Une dimension originale au demeurant de notre histoire a été la remise en vigueur d’une ancienne Constitution afin d’éviter que les péripéties politiques ne créent dans le pays une situation d’a-constitutionnalité lourde de dangereuses virtualités, car une telle béance juridique favoriserait le recours à l’exercice arbitraire du  pouvoir qui serait ainsi privé de repères contraignants et de balises. Cette procédure consiste pour les dirigeants à déclarer, à partir d’un certain moment, que le fonctionnement des institutions sera régi par une charte du passé, les droits et libertés respectés par référence à des prescriptions qui y sont contenues, et que les décisions qui seront prises pour résoudre les problèmes qui se présentent, seront conformes aux dispositions de la Constitution retenue, particulièrement en ce qui concerne les élections futures. Il s’agit d’un recours provisoire, le temps pour les dirigeants du moment de régler un certain nombre de questions pendantes et surtout de prendre les dispositions requises en vue d’élaborer une nouvelle Constitution.

Cette solution a été adoptée à sept reprises dans notre histoire : en 1846 (le "petit monstre" de 1843); en 1858 (Charte de 1816 et ce provisoire durera jusqu’en 1867); en 1876 (Constitution de 1867); 1879 (encore 1867); 1946 (Constitution de 1932); avril 1957 (Constitution de 1950). Enfin quelques mois plus tard, après une année passablement mouvementée qui a vu défiler pas moins de 5 Gouvernements provisoires, François Duvalier a été élu le 22 septembre; le 18 octobre, il avait exigé des parlementaires désignés en même temps que lui le rétablissement de la Constitution de 1950. A cette occasion, il avait déclaré :
"Je prête serment sur la Constitution de 1950, c’est dire que mon Gouvernement sera un Gouvernement constitutionnel".

En 1986, après la chute du Président Jean Claude Duvalier qui a vu l’effondrement total de l’ordre constitutionnel emportant la Constitution de 1983 amendée en 1985, le Pouvoir Exécutif et le Pouvoir Législatif, cette solution avait effleuré la conscience de certains citoyens, mais elle n’avait pas été sérieusement envisagée car il s’était avéré difficile de choisir un texte passé, celui de 1950 paraissant trop lié au régime du Général Magloire combattu en 1956 et "l’immortelle" trop lointaine pour s’adapter à la nouvelle conjoncture. Aussi, le pays a vécu dans une situation de totale a-constitutionalité entre le 8 février 1986 et le 28 avril 1987 date à laquelle la Constitution a été publiée dans Le Moniteur, et le Conseil National de Gouvernement  a exercé les pleins pouvoirs, un privilège d’ailleurs entériné dans les Articles 285 et 285-1 de la nouvelle Charte.

Une solution : la révision constitutionnelle
L’autre approche alternative à la confection d’une Constitution de substitution, c’est le recours à la procédure d’amendement, opération qui consiste à conserver un texte originel mais en le modifiant par trois altérations possibles : la suppression de dispositions jugées obsolètes, inappropriées ou même liberticides; la modification de forme ("la toilette") et de substance d’Articles maintenus afin d’en expliciter le sens et la portée; l’incorporation de nouvelles normes appelées à répondre à des revendications et à régir des situations inédites.

L’histoire révèle que toutes nos Constitutions, à l’exception de celle de 1805, ont prévu la procédure d’amendement ou la révision, deux expressions qui sont juridiquement équivalentes, même si la dernière évoque une intervention en profondeur tandis que la première pourrait passer pour une modification technique et surtout limitée, voire cosmétique. Disons tout de suite que les dispositions de la Constitution de 1987 sont parmi les plus rigides jamais envisagées car elles enserrent le chronogramme des étapes dans un carcan qui en rend la mise en œuvre difficile. A la décharge des constituants qui ont délibérément choisi un modus operandidissuasif, il convient de souligner qu’en 24 ans, on aurait pu amender la Constitution quatre ou cinq fois, en respectant le calendrier fixé. Il n’est toutefois pas sans intérêt de rappeler le martyrologe subi depuis sa mise en œuvre : de 1987 à nos jours, elle a été maintes fois violée et subi deux manipulations formelles,  son abolition par les militaires en juin 1988 après le coup d’état contre le Président Leslie Manigat; elle a été partiellement récupérée par le Général Prosper Avril qui en avait retranché une trentaine d’Articles parce que, a-t-il tenu à expliquer de manière ahurissante "ils étaient incompatibles avec la forme de [mon] Gouvernement". Elle sera rétablie dans son intégralité, quelques mois plus tard, par la Présidente Provisoire Ertha Pascal Trouillot.

En plus de deux siècles, seulement six Constitutions sont passées par le moule complet de l’amendement : 1846 en 1859,1860 et 1866; 1879 à cinq reprises 1880, 1883, 1884, 1885, 1886;1918 en 1928; 1935 en 1939 et en 1944; 1964 en 1971; 1983 en 1985.

Mais l’histoire enregistre aussi des initiatives inachevées, c’est-à-dire qu’une procédure a été enclenchée  selon les normes et  le calendrier prévus en la matière, mais sans aboutir au résultat final comprenant l’adoption, la promulgation et la mise en œuvre des amendements. Mise à part une initiative tentée par le Président Boisrond Canal le 24 août 1878 relative à la Constitution de 1867, elles concernent toutes la Charte de 1889 qui est restée, de ce fait, intouchée jusqu’à son remplacement en 1918.

Chaque tentative (1892, 1898, 1910, 1913, 1916) présente un intérêt spécifique, autant en ce qui concerne la substance des propositions que les écueils de procédure qui ont conduit à leur inanité.
Le cas enregistré en 1913 est particulièrement révélateur des influences externes capables d’affecter le cours d’une procédure. Introduit le 7 juillet 1913 à la Chambre des Députés, le Projet a été confié à une Commission spéciale formée par des ténors de la 27ème Législature, qui a produit un travail minutieux lequel sera remis le 30 août, puis transmis au Sénat. Ainsi, après d’âpres discussions, les deux branches du Parlement ont entériné les 62 propositions d’amendement. Elles se sont ensuite réunies en Assemblée Nationale le 14 mai 1914. Entre-temps, le Président Michel Oreste a été renversé, de nouvelles élections législatives ont été organisées envoyant à la Chambre de nouveaux élus, même si les promoteurs du Projet avaient vu leur mandat renouvelé, deux secousses qui ont conduit non à l’inanité de la procédure parvenue à la dernière étape, mais à la remise en cause du contenu même des aménagements nouvellement adoptés. Finalement, à la clôture de ses travaux, l’Assemblée Nationale a adopté le 22 août  une Adresse au peuple haïtien dans laquelle elle a pratiquement enterré ses responsabilités par ces propos surprenants :
"Haitiens, la nécessité d’un remaniement rationnel de notre Constitution étant unanimement reconnue, l’Assemblée Nationale ne laissera pas avortée l’œuvre commencée".

La dernière opération de révision constitutionnelle a eu lieu en 1985 et elle concerne la Constitution de 1983 : la principale nouveauté concerne l’institution de la Primature, même si le Président Jean-Claude Duvalier n’a jamais nommé un Premier Ministre.

Nous pouvons dire en considérant ce rapide bilan, en tout 12 initiatives présentant une surprenante symétrie (6 achevées et 6 qui n’ont pas abouti), que les dirigeants du passé ont inversé l’ordre des choses. En effet, la norme devrait être le recours à l’amendement et l’exception la fabrication d’une nouvelle Constitution. C’est l’inverse qui s’est produit au cours de notre histoire car on a préféré la voie chirurgicale du changement radical avec toutes les difficultés inhérentes à la mise en œuvre, souvent précipitée, des nouvelles Chartes. Les Assemblées, qu’elles aient été convoquées ad hoc à 11 reprises (1805, 1806, 1807, 1816, 1843, 1867, 1874, 1888, 1889, 1950, 1987),  issues de la transformation de l’Assemblée Nationale en instance constituante, opération intervenue à 8 occasions (1879, 1918, 1932, 1935, 1946, 1957,1964, 1983), ou limitée au Conseil d’Etat du Nord (1811), au seul Sénat (1846) ou aux deux Chambres agissant séparément (1849) ont duré peu de temps, entre 6 jours (1888) et 3 mois et 26 jours (1816). A trois reprises, les constituants ont été envoyés en province afin de les soustraire des agitations de la capitale, en 1816 au Grand Goâve, en 1889 et en 1950 aux Gonaives. Lors de la dernière initiative qui s’est déroulée sur 3 mois, du 10 décembre 1986 au 10 mars 1987, des efforts ont été entrepris afin d’informer la population sur la marche des travaux car les débats étaient retransmis en direct sur la Radio Nationale; malgré tout, on ne peut pas dire que la population a été véritablement associée et elle ne s’est intéressée qu’à des questions telles que le sort des anciens duvaliéristes (l’Article 291) ou la double nationalité. Par ailleurs, les constituants, malgré la compétence indéniable de certains d’entre eux, n’ont pas songé à effectuer un exercice de simulation par la mise en œuvre de dispositions novatrices qui réclamaient au moins une appréciation théorique avant leur adoption définitive.

Et il est utile de souligner le destin variable des Constitutions. La plus brève, celle de 1888, a survécu 10 mois. Quatre n’ont duré que 3 ans (1843, 1846, 1932, 1983). Neuf se situent entre 4 ans (1807) et 11 ans (1935). Au-delà nous trouvons les "seniors" : 1918 (14 ans), 1964 (19 ans), 1816 (27 ans) et 1889 (29 ans).  Avec ses 24 ans d’existence, la dernière en date se situe ainsi en 3ème position, après l’immortelle et la charte de 1816 qu’elle talonne.

La durée d’une Constitution crée nécessairement les conditions permissives ou adverses de l’efficacité politique et fonctionnelle d’un ou des amendements. On peut avancer que plus ceux-ci sont nombreux, plus il est difficile pour la population de se prononcer sur leur opportunité. De ce fait, il y a un risque lié au nombre qui peut diluer la valeur du ou des changements réduits que réclame une conjoncture précise. Mais qu’il s’agisse d’un thème ou d’un ensemble, la procédure demeure la même (en cas d’amendements multiples, il convient de les voter un par un) et on ne peut pas amender une procédure : pour en avoir une autre, il faudrait élaborer une autre Constitution.

Une conjoncture délicate et incertaine
C’est à la lumière des dispositions du Titre XIII qu’il convient d’analyser la situation présente.
En effet, la mise en œuvre de la procédure d’amendement entamée en septembre 2009 occupe une partie de l’actualité après l’inauguration de la 49ème Législature de la Chambre des Députés et l’arrivée de nouveaux membres qui complètent le Sénat, lequel n’avait pas été dysfonctionnel, mais ne parvenait que difficilement à réunir le quorum de 16 présents. Est ainsi créée une problématique d’amendement de la Constitution de 1987, la première sérieusement posée depuis 24 ans.
Je suis professionnellement et politiquement intéressée par le débat, mais il me faut rappeler que si j’ai toujours insisté sur le fait que je n’avais nulle objection contre la procédure d’amendement, à condition que l’on respecte la procédure idoine, je me suis toujours prononcée en faveur de l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Et cette position, je l’ai assumée depuis 1995 avec la publication de mon livre Plaidoyer pour une nouvelle Constitution. Je l’ai maintes fois reprise dans des articles et des interventions publiques et, en 2010, j’ai fait paraître une nouvelle édition de l’ouvrage,  mais revue et corrigée et j’ai même soumis à l’attention de mes compatriotes le texte complet d’une Constitution.

Dans cette mouture inédite j’ai proposé et justifié un certain nombre de modifications. Il me parait souhaitable d’en rappeler brièvement  les plus importantes et, sans doute, les plus exposées à la controverse.
1) La suppression de l’Article 15 et son remplacement par un autre (Article 10) qui formalise le jus sanguinis comme critère d’identification de la nationalité. La reconnaissance de la double nationalité avec l’extension de l’éligibilité citoyenne à des compatriotes qui la détiendraient, même en ce qui concerne le poste de Président de la République, à condition de remplir les autres conditions requises et de renoncer à la seconde nationalité.
2) Je soumets aussi à la réflexion l’établissement d’un système présidentiel avec un Vice-président pour remplacer la dyarchie bâtarde et inefficace de la Primature actuelle (14 Premiers Ministres en 23 ans…).
3) Pour favoriser l’égalité de genre, j’ai systématiquement féminisé tous les titres afin d’intégrer dans les habitudes l’évidence du quota de 30% à respecter dans les instances variées du pouvoir d’Etat.
4) Enfin, il me paraît souhaitable de préserver le bicamérisme parlementaire qui a prévalu dans notre histoire, 151 ans contre 51 de monocamérisme qui a commencé avec le Sénat omnipotent de 1806 à 1816, puis le Conseil d’Etat imposé par l’occupation américaine de 1918 à 1930, enfin la Chambre Unique duvaliérienne de1957 à 1986. Mais il m’a paru judicieux de formuler deux nouveautés : la réduction du mandat des Sénateurs à 5 ans en supprimant le rythme, bi-séculaire au demeurant, du renouvellement par tiers; mais surtout de modifier la base territoriale des circonscriptions en substituant l’arrondissement à la commune pour les Députés ce qui donnerait une Chambre de 42 membres, mais en l’élargissement pour les Sénateurs en en prévoyant 9 pour le Département de l’Ouest, 6 pour l’Artibonite et le Centre, 3 pour les 7 autres, ce qui générerait un Sénat de 42 membres, en symétrie avec la Chambre, avec pour effet immédiat une équivalence numérique dans la composition de l’Assemblée Nationale.

Les circonstances n’ont pas offert l’occasion de débattre du texte qui n’avait d’ailleurs pas un caractère officiel permettant de le verser au dossier de la procédure en cours. Par ailleurs, celle-ci avait subi une longue césure due à l’ajournement des élections législatives qui devaient avoir lieu en février 2010, entraînant l’ouverture de la 49ème Législature non en janvier comme cela se devait, mais probablement en mars. La résurgence des discussions s’effectue donc avec un retard de quelques 14 mois ce qui a assoupi les réactions citoyennes interpellées par d’autres problèmes.
Il ne m’avait pas échappé qu’étant candidate à la Présidence, une décision prise bien avant et annoncée le 5 janvier 2009, j’encourais le risque d’être mal comprise en dépit du fait que j’avais pris la précaution d’affirmer dans le livre (p.16) que, si j’étais élue, j’assumerais la responsabilité de la mise en œuvre des dispositions avec lesquelles je pourrais ne pas être d’accord ou qui seraient même contraires à mes intérêts du moment.

Auparavant, le 14 septembre 2009, la Chambre des Députés et le Sénat ont séparément voté l’opportunité de l’amendement avec une rapidité lourde de soupçons, tel qu’en témoignent les Procès verbaux des deux séances : à 6h12 p.m., 69 Députés étaient réunis et, à 7h, soit 48 minutes plus tard, le texte était adopté. Au Sénat, la séance a commencé à 7h19 avec 22 Sénateurs et elle s’est achevée à 8hp.m. : elle a donc duré 41 minutes. Les deux séances ont ainsi formellement respecté, in extremis, le moment constitutionnel de  la dernière session de la 48ème Législature.
Il convient de souligner que l’opération a été substantiellement bâclée, remplie d’incohérence et traduit le manque de sérieux avec lequel les parlementaires ont expédié la première phase de la procédure. De toute évidence, ils n’avaient ni lu ni analysé le document acheminé le 4 septembre par l’Exécutif et qui reprenait l’essentiel du travail soumis le 10 juillet par le Groupe de Travail sur la Constitution, GTC, présidé par mon éminent ami Claude Moise et dont les membres comptent parmi les personnalités du monde académique et de la société civile.

Il s’agit d’un travail méticuleux, sérieux de recherche et de synthèse réalisé en 4 mois, organisé autour de 3 axes principaux : régime politique, gouvernance administrative, problèmes spéciaux (Armée, nationalité, procédure d’amendement).

Une première confusion se dégage en ce sens que le texte voté le 14 septembre n’est pas celui soumis le 4. Le premier est un document présenté en trois colonnes : les articles originaux, les propositions d’amendement et les justifications. Le second voté sous forme de Déclaration est précédé de visas et de considérants, ce qui est une présentation normale. Logiquement, l’Exécutif aurait du opérer formellement le retrait du premier pour respecter les exigences du Droit Parlementaire. Mais à cette époque, peu de gens accordaient de l’importance à cet accroc qui aurait pu affecter la validité non du vote lui-même mais de son objet et jeter les premières ombres sur la suite du processus.

Par ailleurs, le texte portait le titre de Constitution de 1987 amendée et contenait 284 Articles. L’expression Constitution sera reprise dans la version du 14 septembre, une anomalie identificatrice, car il s’agit d’un ensemble d’amendements et non d’une nouvelle Constitution, malgré le nombre impressionnant de modifications. Cette aberration a été reprise dans la Déclaration votée le 14 septembre car on lit à la fin :
La présente Constitution entre en vigueur à l’installation du futur Président de la République, le 7 février 2011.
Cette affirmation imprudente est suivie  d’un Article 2 (où est l’Article 1 ?) qui stipule
La présente résolution sera publiée sur toute l’étendue du territoire.
Le 9 octobre 2009, la Déclaration était publiée dans Le Moniteur (164ème Année, No 109). Parmi les Visas, on relève :
"La Proposition du Pouvoir Exécutif en date  du 4 septembre demandant  au Pouvoir Législatif de déclarer qu’il y a lieu d’amender la Constitution de 1987".
Cette laborieuse gestation appelle quelques observations.

La nature du document
Cette précision reprend la confusion introduite auparavant. Ainsi, une première observation concerne la nature du texte. Il n’était pas nécessaire, à mon avis, de le voter sous forme de loi, comme l’affirme mon collègue Georges Michel. Pour fonder son argumentation il se réfère à deux initiatives prises, l’une en 1913 pour déclencher un amendement de la Constitution de 1889, initiative, rappelons-le demeurée infructueuse, l’autre en septembre 1949 se rapportant à la Constitution de 1946.

Dans les deux cas, les deux branches du Parlement avaient voté une Loi, mais elles n’étaient pas obligées de le faire car une telle voie n’était pas indiquée par les dispositions concernant l’amendement dans les deux Constitutions. A cet égard, il n’est pas sans intérêt de retourner aux textes et de dégager ce qu’ils prescrivaient en ce qui concerne la forme dans laquelle le Pouvoir Législatif devait se prononcer sur les propositions d’amendement. Les Constitutions de 1806 et surtout de 1816 ont été les plus prolixes dans le détail et le chronogramme de la procédure d’amendement (encore plus que la Charte de 1987), mais elles n’ont pas requis la loi comme forme d’approbation et d’acheminement des  amendements. Seules deux Constitutions l’ont explicitement fait. En effet, celle de 1846 précise à l’Article 186 que "la révision des dispositions pourra être faite dans la forme ordinaire des lois".

En 1874, les constituants ont précisé à l’Article 188 :
"Les nouvelles dispositions adoptées par le comité de révision seront, après discussion dans les deux Chambres, les secrétaires d’état présents, votées et publiées dans la forme ordinaire des lois, comme articles de la Constitution".

Aucune des Constitutions suivantes n’a précisé que la loi était le moyen obligatoire pour le vote des amendements. L’Article 111 de la Charte de 1987, tout comme l’Article 69 de celle de 1889 et 61 de 1946 indiquent bien que le Pouvoir Législatif fait des lois sur tous les sujets d’intérêt public. La révision d’une Constitution tombe certainement dans ce dernier domaine, mais les trois dispositions suscitées ouvrent une possibilité, voire une incitation, mais elles ne commandent pas une obligation. Sans doute eut-il été préférable et plus solennel ou plus sérieux de passer par une loi, à condition que le projet d’amendement parvint avec un certain délai pour s’adapter aux contraintes de la navette parlementaire et au va-et-vient triangulaire avec le Président de la République (qui conserve le droit de faire des objections, peut-être même à un texte qu’il aura soumis mais qui aurait été altéré), car, en septembre 2009, le fait que l’on fût parvenu à la fin d’une Législature rendait difficile l’adoption d’une Loi qui serait retenue en hibernation quelque part entre le Parlement et le Pouvoir Exécutif, à charge pour la 49ème Législature naissante (Chambre et Sénat agissant séparément) de commencer ses travaux par la reprise d’une discussion non sur un projet d’amendement, mais sur un projet de loi, en bousculant par ailleurs le chronogramme  qui prévoit une intervention en Assemblée Nationale au cours de la première session, pas au-delà. La contrainte de temps est explicite. Dans le cas d’espèce, il n’y a pas eu d’accroc à une possibilité laquelle, quoique souhaitable, n’induit aucune coercition.

C’est l’occasion de souligner une des failles de la Constitution de 1987 qui ne prescrit pas les points qui sont nécessairement du domaine de la loi, exigeant ainsi le passage de la sanction législative pour édicter une norme, imposer une procédure, ou pour prendre une décision à caractère dès lors exécutoire.

Le problème de la langue
S’agissant d’une opération concernant la Loi-mère, on s’étonne  que l’un et l’autre texte n’aient pas respecté la dualité linguistique proclamée dans la Constitution. Celle-ci a été votée et publiée dans les deux langues, mais il lui manque une disposition que l’on retrouve à la fin de certains textes nationaux dans un pays bi ou trilingue ou dans des documents internationaux, à savoir les deux versions faisant également foi. Autrement dit, l’Etat, les juristes pourraient se référer à l’une ou l’autre version. Par ailleurs, l’Article 40 fait obligation à l’Etat de publier tous les documents officiels en français et en créole. Cette omission ne frappe pas pour autant de caducité substantielle celui en examen, mais elle souligne la légèreté avec laquelle les détenteurs du pouvoir d’état font fi des exigences les plus élémentaires de la gouvernance normative. De manière fondamentale, il faut souligner que l’absence d’une version créole rendrait inopérante l’immense majorité des décisions exécutives et judiciaires adoptées dans le pays depuis 24 ans. De ce dernier point de vue, la question en discussion est l’acceptation  d’une version unilingue.

Dans la mesure où d’autres conditions seraient respectées, il ne semble pas trop laxiste de ne considérer qu’un texte français comme mesure probatoire, à charge pour les responsables politiques d’effectuer cette action postérieure de diffusion et d’explication  des amendements réclamés et adoptés, ce qui aurait du être fait dès la première phase. Nous sommes donc en présence d’une anomalie à la fois sociologique et politique, mais pas d’un cas de nullité juridique qui bloquerait automatiquement le reste de la procédure.

La question des motifs à l’appui
Le nœud gordien de la question se situe au niveau du manque de précision en ce qui concerne l’exigence des motifs à l’appui intégrée à l’Article 282. Cette référence n’a pas toujours existé : elle a été introduite par l’Assemblée Constituante de 1950 et elle a été supprimée dans les trois Chartes qui ont suivi jusqu’à sa résurgence opportune mais trouble en 1987. La place du membre de phrase à la fin de  la disposition n’aide pas à dissiper l’ambiguïté. En septembre 2009, des parlementaires avaient publiquement avoué qu’ils ne savaient pas s’ils devaient se prononcer sur la substance des amendements ou simplement sur leur opportunité. Il est  en effet logique de s’interroger d’abord sur ce que l’on entend, en droit, par cette expression, une justification circonstancielle qui concernerait, par exemple, les suppressions de normes jugées obsolètes, inutiles ou inopérantes, ou des propositions substantielles relatives, par exemple, à des principes de base comme la double nationalité, les droits et libertés, à l’identité et à l’équilibre des Pouvoirs d’Etat. En outre, il conviendrait de se prononcer sur le rôle contraignant des motifs à l’appui dont le libellé serait assez précis et convaincant pour justifier l’acceptation ou le rejet de l’amendement proposé. Enfin, une clarification s’impose en ce qui concerne l’identité de l’organe à qui il incombait de les formuler, le Pouvoir Exécutif initiateur ou le Parlement récepteur dans ses versions successives, la 48ème et la 49ème Législatures.

En effet, on peut, grammaticalement, questionner la place des motifs à l’appui dans le chronogramme. Il est permis d’effectuer deux lectures de cette obligation. La première maintient le libellé originel : il appartient au Parlement de se prononcer sur l’opportunité de ces amendements avec motifs à l’appui, ce qui suppose que les Députés et les Sénateurs auraient eu le temps d’accepter ces propositions soumises par l’Exécutif et de transmettre leurs vues sur la question à la 49ème Législature. La seconde implique un réajustement des mots contenus dans l’Article 282 afin de confier cette responsabilité initiale à l’Exécutif. Dans une certaine mesure, celui-ci s’est plié à cette exigence par la présentation des 128 propositions en trois colonnes et le Parlement, dans sa Déclaration, en a résumé l’essence : 31 Articles ont été supprimés dont certains, est-il précisé, peuvent faire l’objet d’une loi; 66 ont subi des modifications plus ou moins substantielles et sont identifiés sous le chapeau "…se lit désormais comme suit"; enfin 31 nouvelles dispositions ont été ajoutées à la mouture originelle. Cela ne résout pas le double problème de  la valeur juridique de ces motifs pas toujours clairs au demeurant, et de la responsabilité des parlementaires qui, le 14 septembre, les ont hâtivement approuvés. Mais cette désinvolture n’entache pas d’inanité la procédure appliquée.

Un rôle pour la 49ème Législature
La question du rôle de la 49ème Législature demeure pendante et s’exprime de manière alternative : doit-elle simplement entériner ce qu’a fait la précédente ou, au contraire, se  pencher, à son tour, non seulement sur l’opportunité des amendements mais aussi sur leur substance ? Il faut reconnaitre que la Constitution elle-même n’est pas précise  à ce sujet, notamment par l’usage du verbe statuer qui signifie, alternativement,  se prononcer pour ou contre ou au contraire pénétrer dans la substance d’une proposition, d’un acte, d’une décision, une ambiguïté qui ouvre la voie à des interprétations et donc à des solutions divergentes. En effet, une Assemblée n’est pas automatiquement comptable des faits et actes posés par une instance précédente et elle n’est pas obligée de les assumer tels quels, d’autant que des élections ont été organisées qui pourraient renouveler totalement ou partiellement les membres qui ne sont pas liés par l’action de leurs prédécesseurs lesquels ne créent pas une jurisprudence, encore moins une action définitive. D’un autre côté, en matière de procédure peut prévaloir le principe de continuité normative impliquant une soudure temporelle de responsabilités entre deux Assemblées de même nature mais agissant à des moments différents. Dans le contexte actuel, une difficulté supplémentaire vient du fait que le temps déjà réduit entre les élections et le lancement de la 49ème Législature s’est encore raccourci : en effet, la fin de la première session de la 49ème Législature intervient le deuxième lundi de mai, soit le 9. Selon les dispositions constitutionnelles, elle a commencé le deuxième lundi de janvier 2011.

Notre pays a souvent vécu ce télescopage de dates car elles ne sont pas nombreuses les Législatures qui ont initié leurs travaux au moment constitutionnel prévu. La Constitution de 1987 a innové en prescrivant deux sessions car, depuis 1806, date de création du premier Parlement, c’est la session unique qui avait prévalu. Mais le plus souvent, les dirigeants ont préféré comprimer le déroulement d’une période afin de respecter le calendrier lorsque le terme précis d’une session est prévu, au risque d’en raccourcir la durée constitutionnelle. A ce sujet, il convient de rappeler que le 5 mai 2006, le Président Provisoire Boniface Alexandre avait émis deux Arrêtés publiés dans Le Moniteur afin de convoquer le Parlement en session extraordinaire au motif de constituer le Bureau de la Chambre afin de recevoir le serment du Président élu René Préval, ce qui suppose qu’une session ordinaire était en cours et qu’elle avait commencé le deuxième lundi de janvier 2006. Une situation analogue se présente aujourd’hui : les parlementaires ne disposent que de quelques jours pour poursuivre la procédure.  Cela dit, la Constitution elle-même offre une voie tangente lorsqu’elle stipule à l’Article 104 :
La session du Corps Législatif prend date dès l’ouverture des deux Chambres en Assemblée Nationale.

Stricto sensu cette disposition signifie que l’acte qui détermine la date serait précisément celle de cette réunion, et la conjonction dès prend ici une valeur particulière comme déterminant non plus grammatical mais juridique. Mais cet Article contredit le 92-1 qui  établit une référence chronologique à laquelle la session ordinaire est obligée de s’adapter. Il n’est pas inutile de souligner qu’en l’occurrence, la contrainte  de temps ne s’exprime pas par la session mais par la Législature, conformément à l’Article 283.

Le parallèle entre deux textes
On peut en effet relever les changements les plus significatifs intervenus entre le texte voté par les deux Chambres le 14 septembre et celui qui a été publié le 6 octobre dans Le Moniteur. Tout d’abord, à l’époque, des versions différentes ont circulé, créant une confusion délétère qui explique qu’on avait douté de leur authenticité et j’avais personnellement estimé, dans un premier temps, qu’il n’y avait pas de différence entre eux. Mais une analyse minutieuse postérieure en révèle de substantielles. Le premier document dit du 14 septembre comporte 124 modifications, quatre de moins que celles publiées. La référence parmi les Visas que le Pouvoir Exécutif avait soumis le texte avec motifs à l’appui disparaît dans la version finale. Mais il est indiqué de manière laconique, toutefois significative
Vu qu’après consensus, le texte déposé par le Pouvoir Exécutif a été modifié
Une précision qui justifie à l’avance les changements.
On trouve de nouveaux considérants dont deux sonnent comme de tardives mises en garde :
Considérant qu’une Constitution n’est pas une Loi qu’on  peut changer par convenance conjoncturelle.
Considérant qu’il est fondamental de respecter l’esprit et la lettre des dispositions constitutionnelles pour amender la charte fondamentale.

Par ailleurs, cette version publiée dans le Journal Officiel réintroduit des dispositions contenues dans la Constitution mais qui ne figuraient pas parmi les Amendements tels ceux qui fixent à 5 ans le mandat du Conseil Municipal (Articles 63 et 68) et du Conseil Départemental (Article 78).
Une modification plus substantielle intervient à l’Article 119-1 qui gouverne le bénéfice de l’urgence qui doit être voté article par article toute affaire cessante, alors que le 14 septembre, on avait indiqué chapitre par chapitre, ce qui était incorrect.
Le Moniteur précise à l’Article 175 que les Juges de la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la République, après approbation du Sénat, sur une liste fournie par le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, ce qui n’apparaît pas parmi les modifications entérinées le 14 septembre.

Enfin, l’Article 192 maintenait le choix des membres du Conseil Électoral Permanent tel que la Constitution l’avait prévu. Le Moniteur stipule que désormais, en lieu et place de la Cour de Cassation, ce rôle est attribué au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire; par ailleurs il remplace l’Assemblée Nationale par le Parlement, même si dans un cas comme dans l’autre demeure la difficulté de répartir ce choix entre la Chambre des Députés et le Sénat.
D’autres changements corrigent des fautes grammaticales comme par exemple, à l’Article 265 ses membres au lieu de leurs membres.

A noter que dans  les deux versions l’ordre d’adoption des propositions du Pouvoir Exécutif est modifié : c’est la Chambre des Députés qui s’était prononcée avant le Sénat comme l’attestent les Procès Verbaux des deux séances du 14 septembre. Dans le texte du Moniteur, la formule de promulgation effectuée par le Président de la République rétablit la vérité historique.

Le poids de la conjoncture
Toutes ces observations critiques conduisent-elles à la caducité du texte et de la procédure ?
Il n’y a pas de précédent, ni lointain ni récent, susceptible de servir de jurisprudence en cette matière précise. Car sur le plan juridique, plusieurs étapes sont en jeu : la communication par le Pouvoir Exécutif des propositions d’amendement; le vote séparé effectué le 14 septembre par la Chambre et le Sénat; enfin la publication dans Le Moniteur d’un texte, contenant la formule de promulgation par le Président de la République. Cette dernière initiative marque le dernier mot du droit et, en principe, son intervention est sans appel. ll s’agit donc d’une chaine dans laquelle de nombreuses incorrections sont relevées, des accrocs à l’orthodoxie d’une procédure constitutionnellement établie et quelque soit le moment où une incorrection se produit, car elle frappe l’ensemble.

Dans notre histoire, depuis la Constitution de 1867, il est stipulé qu’une nouvelle Constitution ratifie de manière rétrospective des décisions prises antérieurement mais qui n’avaient pas obtenu un label juridique; de même, les nouvelles Chartes ont aussi été dotées d’un pouvoir d’abrogation comme l’a fait celle de 1987 qui l’a, par ailleurs, étendu spécifiquement certains textes spécifiques. La base pour de telles interventions demeure une nouvelle Constitution laquelle, placée au sommet de la hiérarchie des normes dispose d’une autorité en matière de récupération ou d’annulation juridiques. La plus spectaculaire et la plus controversée demeure l’Article Spécial de la Constitution de 1918 :
Tous les actes du Gouvernement des Etats Unis pendant son occupation militaire en Haiti sont ratifiés et validés.
Aucun haitien ne peut être passible de poursuites, civiles ou criminelles, pour aucun acte exécuté en vertu des ordres de l’occupation ou sous son autorité.

Dans ces cas, les Constitutions ont servi d’instrument opérationnel et à cause de leur situation impériale, leur intervention est juridiquement discrétionnaire quoique politiquement  contestable et verrouille toute opinion ou action dissidentes.

Un cas d’annulation parlementaire demeure largement méconnu. Il s’agit de l’initiative prise le 21 novembre 1946 par le nouveau Parlement et à l’initiative du Président Dumarsais Estimé d’invalider 110 Décrets-Lois adoptés par l’ancien régime, au motif que la Constitution de 1935 modifiée le 23 juillet 1939 et le 19 avril 1944, faisait obligation de faire rapport à l’Assemblée Nationale de toutes les mesures d’urgence (sous forme de Décrets-lois, une formule introduite par la Constitution de 1935).

La situation présente est singulière dans la mesure où ce qui est en cause, ce n’est pas la fabrication d’une nouvelle Constitution opération qui ouvre des champs pratiquement illimités pour toutes les innovations et dont les exigences de procédure sont réduites, mais une conjoncture d’amendement qui, elle, est intégrée dans un carcan de procédure.

L’alternative qui s’offre est passablement étroite. Ou bien les parlementaires nouvellement installés estiment que trop d’imperfections caractérisent l’évolution des choses et, de ce fait, ils laissent passer le temps constitutionnel de la première session qui est un  impératif, ce qui, automatiquement ferme la procédure et la renvoie à la dernière session de la 49ème Législature, soit entre le deuxième lundi de juin et le deuxième lundi de septembre 2015, afin de la reprendre sur de nouvelles bases et peut être dans un contexte plus adjuvant.

Ou bien, pressés par la conjoncture et par la nécessité d’entériner les principales propositions, par exemple la reconnaissance de la double nationalité réclamée par les Haitiens de l’extérieur, même si les textes ne l’affirment pas, les Députés et Sénateurs font fi des irrégularités et, à marche forcée, entérinent le document publié le 6 octobre dans Le Moniteur en permettant au Président Préval de promulguer les amendements avant de quitter le pouvoir, à charge pour son successeur de veiller à leur mise en application.

La caducité d’une institution, la nullité d’un acte ne s’improvisent pas : elles doivent être décidées par une instance idoine et par référence à des principes normatifs. Seul un Conseil Constitutionnel doté de pouvoirs d’abrogation rétrospective aurait pu intervenir de manière catégorique pour déterminer si, à cause des irrégularités, la procédure entamée est nulle et qu’il faudra la reprendre. Le texte de l’amendement publié dans le Journal Officiel est désormais inscrit dans le patrimoine juridique du pays. Mais la solution ne saurait être de simple convenance politique dans un sens ou un autre.

Notes
J’ai volontairement omis des références précises. L’essentiel de la documentation se trouve dans les ouvrages que j’ai publiés sur les questions constitutionnelles :
· Plaidoyer pour une nouvelle Constitution. Collection CHUDAC, 1995.
· Considérations sur la réforme de l’Etat. Cahiers du CHUDAC, Octobre 1996.
· Traité de Droit Constitutionnel Haitien. 2 Volumes, L’Imprimeur II, Collection de l’Université Quisqueya, 2002.
· Etre femme en Haiti hier et aujourd’hui. Le regard des Constitutions, des Lois et de la société.L’Imprimeur II, Collection de l’Université Quisqueya, 2002.
· Manuel de Droit Constitutionnel. L’Imprimeur II, Collection de l’Université Quisqueya, 2004.
· Entre les normes et les réalités. Le Parlement haitien (1806-2006). L’Imprimeur II, 2006.
· Plaidoyer pour une nouvelle Constitution. Editions Zemès, 2010.

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