Saturday, January 13, 2007

Violence et Politique en Haiti par Laennec Hurbon

Haïti : violence et politique
http://www.alterpresse.org/spip.php?article5588
vendredi 12 janvier 2007

Par Laënnec Hurbon [1]

Soumis à AlterPresse le 8 janvier 2007

Une chaîne de signes nous met devant la dure évidence d’un pouvoir qui sort de ses rails et reconnaît son impuissance à correspondre à sa visée première et essentielle, celle d’assurer la sûreté (protection que l’État accorde aux citoyens contre l’arbitraire et pour la conservation de ses biens et de ses droits) et la sécurité (de la vie) de chacun. Si l’État dispose, selon la philosophie politique traditionnelle, du monopole de la violence légitime, l’Exécutif haïtien y renonce en partie à travers la décision de négocier avec des bandits.

Au départ, il est bon de rappeler la toile de fond actuelle sur laquelle se détache cette négociation. Peu après les élections du 7 février dernier, des kidnappeurs sont comme par enchantement libérés. La plainte déposée aux États-Unis contre Aristide est levée. Des fonctionnaires suspects de corruption sont remis à leur poste. Dans une commission gouvernementale on introduit un porte-parole autoproclamé de l’opération Bagdad. Une opération qui a endeuillé tant de familles par le vol, le viol, le kidnapping et la destruction d’un marché où périrent une douzaine de commerçants et où des dizaines d’autres ont vu périr dans les flammes toutes leurs marchandises.

Enfin, un concept dit d’apaisement social prétend imposer sur la seule base des inégalités sociales une interprétation de la criminalité galopante et de la barbarie qui l’accompagne. Argument auquel fait chorus la MINUSTAH pour justifier son parti pris et sa passivité. Mais on n’explique pas pourquoi les victimes des bandits sont de toutes les catégories sociales et pourquoi en grande majorité ce sont les pauvres. La barbarie qui consiste à violer des enfants, à les assassiner, puis à enlever des cars remplis d’écoliers relève de l’incroyable pour la population, toutes classes sociales confondues. En sorte que chacun, dans la capitale notamment, finit par vivre sous la menace de kidnapping, de viol et d’assassinat, donc dans la plus grande insécurité.

L’État au service d’un groupe

Au-delà de l’amalgame entre une institution étatique à forte épaisseur historique et un groupe de bandits qui ne représentent que les milieux de la criminalité, il importe de considérer la conception de l’État et du politique que présuppose le principe d’une négociation avec des bandits.

En effet, dans cette perspective le pouvoir n’a plus pour tâche de défendre ce qu’on appelle l’universel, il déchoit dans la défense des intérêts particuliers ; il ne fonctionne plus pour l’ensemble des citoyens sans exception, car il semble prendre sur lui d’assurer d’abord la protection des bandits. Mais ne nous empressons pas d’imputer au pouvoir une mauvaise foi, il doit probablement avoir une conception bien particulière des bandits, qui lui permet de comprendre et de s’expliquer le regain actuel de criminalité.

Les bandits criminels seraient-ils les pauvres qui décident maintenant de prendre leur revanche ? Je pourrais donc, comme pauvre, entrer par effraction dans n’importe quelle maison, accaparer l’argent, les bijoux, les voitures, les femmes et les enfants ? Cela signifierait que le bandit aurait tous les droits ; dans l’acte criminel, il est en effet sa propre loi comme un petit roi tout-puissant, qui n’a plus aucune limite, aucun cran d’arrêt à ses désirs, c’est ce qui explique qu’il peut aller jusqu’à des actes de barbarie.

Une négation de la démocratie

En soustrayant le bandit à la loi, l’État ne fait que pervertir le principe de la lutte de classes dont il dévie totalement le sens vers une pratique populiste. On accorderait donc aux bandits la possibilité de représenter les pauvres, et même de disposer du droit de la majorité. Le pouvoir en ferait sa base principale et leur serait redevable. Or c’est précisément par là que le pouvoir adopte une position antidémocratique, car il cesse de se laisser guider par une politique du bien commun. C’est en effet dans la recherche du bien commun que le pouvoir instaure un va-et-vient de discussions et de décisions avec tous les groupes sociaux constituant la nation et qu’il pourra déterminer comment soutenir avec équité les revendications de ceux qui sont dans la pénurie ou qui sont exploités. Mais avec la dérive populiste dans la violence et la soumission aux diktats des délinquants qui se mettent en dehors de la loi, l’État prendra nécessairement la pente de la corruption et aboutira peu à peu à contribuer lui-même à la destruction du lien social et à la désorganisation de la vie économique, par quoi le pays connaîtra davantage de pauvreté.

S’il n’y a plus d’universalité de la loi, c’est-à-dire s’il y a éclipse de la loi, suspension de la loi qui peut frapper celui qui la viole, le pays plongera dans les ténèbres de la barbarie, ce qui correspondrait fort bien à l’anathème d’Aristide : « il fera nuit la nuit comme le jour, si la démocratie n’existe pas » (traduction : « si moi Aristide je ne fais pas mes cinq ans, ou si moi, je ne reviens pas en Haïti » ou encore « la démocratie c’est moi, Aristide ». En soustrayant le bandit à la loi, l’Exécutif parvient à se mettre à la place du système judiciaire. À ce moment, et l’État, et le politique, et l’ordre symbolique qui permettent à la société de se tenir debout, dans la mesure où ils constituent son épine dorsale, viennent à vaciller, et nous tombons facilement sous le paradigme du Rwanda : le bandit a les mains libres pour tuer et kidnapper, voler et violer, car l’État et le pouvoir se sabordent et provoquent leur propre naufrage.

Le fantasme du pouvoir absolu

C’est la Loi qui fait que chaque Haïtien peut reconnaître en un autre individu un être humain et qui maintient constamment la possibilité d’un avenir pour la société comme société humaine. Logiquement, il est impossible que la négociation avec les bandits puisse « donner de bons résultats », elle se retournera même tôt ou tard contre les tenants actuels de l’Exécutif, à moins que ces résultats se confondent avec l’absolu du pouvoir politique établi qui serait le pouvoir absolu.

L’acte du kidnapping ne serait-il pas avant tout le retour du fantasme du maître qui voit dans l’esclave le bien meuble qu’il peut échanger contre de l’argent ? N’est-ce pas là un processus de zombification : le fantasme d’un pouvoir absolu ? Que Aristide se déclare le kidnappé des grandes puissances, et qu’il ait des partisans pour reprendre ses dires, n’est-ce pas un stratagème pour ouvrir le chemin à la justification du crime du kidnapping comme punition pour toute la société par la réduction de chaque Haïtien à l’état d’esclave° ? Bien entendu, Aristide serait à lui seul tout le pays. Comme un tyran, ou un dictateur romain. Comme Néron. Comme Caligula.

La force de l’État : la force de la loi

Est-ce qu’on ne peut pas dire par exemple que le gouvernement est trop faible et qu’il hérite d’une situation dans laquelle il ne disposerait pas tout à fait des forces nécessaires pour combattre le banditisme ? Le rapport de forces est obligatoirement en faveur de l’État, car il a pour lui la loi, une force plus puissante que les armes à feu, il peut alors sur cette base mobiliser la nation et entrer en campagne pour mettre en défaite le banditisme par des arguments fondés sur la raison et la morale. Mais ce n’est pas suffisant, encore faut-il qu’il cherche les moyens adéquats de répression prévus dans la Loi pour assurer la sûreté et la sécurité des vies et des biens. On est pouvoir exécutif parce qu’on est en mesure de chercher et de trouver ces moyens qui ne seront jamais et qui ne pourront jamais être des appuis offerts à des bandits. Sous la condamnation unanime (de nombreux citoyens, de diverses associations, de personnalités proches des droits humains, du Parlement, ...) de la négociation avec des bandits, le pouvoir déclare chercher désormais à les traquer. Mais la vigilance doit plus que jamais s’imposer.

Seul le retour au principe de la sanction et de la peine pour les actes de banditisme, tel que la Loi le prévoit dans son universalité- et cette perspective n’a rien d’abstrait ni d’idéaliste- peut manifester le respect pour la souffrance des victimes (qui appartient à toute la société) et ouvrir la voie à la sûreté et à la sécurité pour tous. Ce sont là les conditions nécessaires pour que la pauvreté recule, car alors les investissements seront possibles et le développement ne sera pas un slogan et un simple vœu ; la lutte contre les inégalités sociales se fera plus vraie et plus efficace. Choisir l’axe de la légalité et de la justice, c’est se mettre en condition d’ouvrir le chemin du développement et de s’assurer du soutien de toute la société haïtienne, comme de l’ensemble de la communauté internationale.

[1] Sociologue. Directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique-Paris). Professeur à l’Université Quisqueya

Haiti - Canada: Jean Candio implique dans les violations des droits humains en Haiti demande l’asile politique au Canada

Canada: Jean Candio implique dans les violations des droits humains en Haiti demande l’asile politique en Ontario: Voir rapport de presse a l’adresse suivante: http://www.theglobeandmail.com/servlet/story/LAC.20070109.HAITI09/TPStory/?query=Haiti

POHDH & NCHR : Rapport sur l'incident survenu à Pliché le 25 novembre 2000 http://www.rnddh.org/article.php3?id_article=323 Posté le 12 janvier 2007
Le 25 novembre 2000, à la veille des élections présidentielles et sénatoriales, l'église de Pliché, située dans la 4ème section communale de Cavaillon, une des communes du département du Sud, a été le théâtre d'un incident regrettable. Dans le souci de s'informer sur ce qui s'y est réellement passé, la Plate-forme des Organisations Haïtiennes de Droits Humains (POHDH) et la Coalition Nationale pour les Droits des Haïtiens (NCHR), se sont rendues sur les lieux et se font le devoir de communiquer à tous et à toutes, les conclusions de leur enquête.
Récit des événements

A la veille des élections présidentielles et sénatoriales du 26 novembre 2000, le Conseil Municipal de Cavaillon a pris un arrêté communal interdisant toutes activités de nature à perturber le déroulement du scrutin.

Chaque dernier dimanche du mois de novembre a lieu la fête patronale Sainte Cécile de l'église de Pliché. En prélude à cette célébration, le 25 novembre 2000, le responsable de la Paroisse de l'église de Pliché, de concert avec des membres de l'Association Tourisme Alternatif Sud (ATAS), ont organisé une réunion sur le tourisme. Aux environs de 4 heures PM, un commando lourdement armé, composé du député de la circonscription de Saint-Louis du Sud/Cavaillon, Jean Candio, du maire principal de Cavaillon, Martel René, de l'un des deux assesseurs, Bailly Vincent, d'un employé de la Téléco de Bonne-Fin, Reynold Candio, du délégué du Bureau Electoral Communal, Sanon Toussaint et de huit (8) autres individus, tous membres du parti politique Lafanmi Lavalas ont fait irruption dans l'enceinte de l'église.

L'un des membres de ce commando a pointé son arme en direction des participants, renversé leurs objets et les bancs sur lesquels ils étaient assis, leur a intimé l'ordre de se mettre debout, les mains sur la tête, les a bousculés avant de leur demander de vider les lieux. Le prêtre, s'y étant opposé, a été brutalisé et contraint de sortir. Arrivés dans la cour de l'église, les participants, ainsi que le prêtre, mis à joue, furent sommés de se coucher par terre. Ce dernier, une fois de plus, a refusé. Une altercation s'en est suivie et le maire-adjoint Bailly Vincent est intervenu en faveur du prêtre.
Après leur forfait, le maire Martel René a déclaré qu'en raison des élections du 26 novembre 2000, les portes de l'église de Pliché doivent rester fermées ce, en dépit de la fête patronale de Pliché, la Sainte Cécile, coïncidant cette année à la date des élections. Pour corroborer ses allégations, le maire a fait valoir que l'église de Cavaillon a aussi fermé ses portes. Avant de partir, le maire Martel René a menacé de revenir, en plus grand nombre et mieux armés, de châtier sévèrement les contrevenants, si ses ordres ne sont pas respectés.

Questionné autour des événements, le maire-adjoint Bailly Vincent a affirmé qu'une délégation composée du maire principal Martel René, du député Jean Candio, de lui-même et de quelques agents de sécurité, s'est effectivement rendue à la Paroisse de l'église de Pliché. Cette délégation s'appuyant sur l'arrêté communal, aurait demandé au responsable de cette paroisse de surseoir à toutes activités pouvant être organisées par l'église à l'occasion de la fête patronale de Sainte Cécile, ce, en raison des joutes électorales du 26 novembre 2000. Cette démarche aurait été entreprise dans le but de prévenir un affrontement parce que le député disposerait d'informations selon lesquelles la fête patronale de Sainte Cécile serait perturbée par des gens mal intentionnés. Toujours selon le maire-adjoint Bailly Vincent, le prêtre est un menteur qui dirige une station de radio dénommée Voix Paysans Sud (VPS) à travers laquelle il mène une campagne de dénigrement contre Lafanmi Lavalas, en faisant circuler des tracts et en taxant les mandataires des élections du 21 mai et du 9 juillet 2000 d'élus contestés.

Conclusions
La POHDH et la NCHR condamnent les agissements du député Jean Candio, des maires Martel René et Bailly Vincent, de l'employé de la Téléco de Bonne Fin, Reynold Candio et de leurs accompagnateurs dans la perpétration de cet acte barbare qui ont fait revivre un passé somme toute révolu, et rappellent que l'église constitue à la fois un lieu saint et un espace inviolable.
Les événements survenus à la Paroisse de Pliché témoignent de l'arbitraire de certains élus et de la méconnaissance de leurs fonctions. Il ne revient ni à une municipalité ni à quiconque d'interdire l'organisation d'activités religieuses, sociales, économiques et culturelles à des fins pacifiques.

Ces actions heurtent la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 et la Constitution Haïtienne de 1987 qui, dans leurs articles, 20-1 et 31, stipulent respectivement :
« Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques » ;
« La liberté d'association et de réunion sans armes à des fins politiques, économiques, sociales, culturelles ou toutes autres fins pacifiques est garantie ».